• Olivia Pouzaud. J'habite dans le lotissement entre la N150 et la D25. 13 rue Paul Lamoureux. J'ai 29 ans depuis le onze janvier. Je n'avais que quinze ans et demi quand j'ai commencé à travailler à l'eau à la bouche pour monsieur Igor. La vie est pleine de coïncidence vous ne trouvez pas ? Vous n'avez pas remarqué ? En 2002 Bernard ouvre son restaurant sur Rennes, une ville merveilleuse. Vous n'avez peut-être jamais eu la chance d'y aller, je vous la recommande, elle est merveilleuse. J'ai une tante qui y vit. En 2002 je commence ma carrière. Un moment j'ai envisagé de partir vivre à Rennes mais cela voulait dire perdre l'océan, un véritable crève cœur. J'aurai pu aller travailler avec Bernard dans son restaurant de Rennes, mais c'est lui qui est venu... à moi. C'est une boutade. Bien sûr une boutade. Il n'est pas venu à moi, il ne me connaissait pas, mais c'est vraiment troublant vous ne trouver pas ? Moi je crois beaucoup en la destinée. Pas vous ?

     

    Je sens les choses vous voyez.

    Elvira ne sent rien.

     

    C'est une fille qui n'a jamais eu à se battre dans la vie, tout lui est tombé tout cru dans la bouche. On en connait tous des gens comme ça, quoiqu'ils fassent, tout leur est pardonné, tout leur profite. Elvira c'est ça.

     

    Marie José est certaine qu'elle a été tuée. Pour son père elle a été kidnappée. Ils ne réfléchissent pas, ils sont emportés par leurs émotions. Je vais vous dire la vérité : elle va très bien, Elvira.

     

    Il y a des gens, il ne leur arrive jamais rien de mal. Je vais vous dire le fond de ma pensée : elle fait du chantage à Bernard. Elle a mis de l'argent liquide de côté. Tout cela est prémédité comme vous dites dans la police. En ce moment  elle s'offre une semaine de vacances pendant qu'il stresse. Elle est comme ça Elvira. Elle est capable de beaucoup de choses pas bien belles, mais on lui pardonne tout. Moi je me fais mal au poignet, je ne vais pas travailler parce que j'ai trop mal, je préviens le matin et bien je perds un jour de salaire. Elvira disparait quinze jours sans prévenir personne, non seulement elle aura son salaire plein mais elle aura une augmentation.

     

    - Pourquoi ?

     

    Mais parce qu'il sera tellement heureux qu'elle soit revenue.

     

    - Non pourquoi du chantage ?

     

    Fiona tourna le visage vers PACA, ce n'était tellement pas dans ses habitudes de pousser le premier témoignage dans un sens ou dans l'autre, il veut toujours voir les gens s'en sortir seul au départ. Comment avait-il pu enfreindre ses propres règles, lui qui était si strict toujours ? Que lui inspirait donc cette brune à la ligne de dents made in USA qui avait teint ses cheveux du même roux que son rouge à lèvres ?

     

    Pourquoi ? Mais parce qu'elle le manipule. Bernard lui mange dans la main. C'en est indécent. Je ne comprends pas, c'est un homme si fort, si bien, si chef et face à elle il devient,... il devient,... je ne sais pas quoi mais elle le mène par le bout du nez. Oh je sais il ne faut pas en dire du mal, la pauvre chérie, elle a disparu, elle est peut-être morte. Mais à vous qui voulez la vérité, Elvira n'a rien d'une sainte, c'est une fainéante doublée d'une manipulatrice. Du temps de son père elle prenait le restaurant pour sa cour d'école. Elle a continué. Elle ne fait rien, elle va parler avec les clients, parfois elle fait du zèle, elle aide à débarrasser la table, mais c'est bien rare. Pour tout dire, c'est très simple. Quand elle était enfant, elle n'avait pas de mère, aussi elle restait trainer entre les tables du restaurant, jusqu'à ce qu'elle décide de monter se coucher. Devenue adulte son père l'a salariée pour la garder avec lui, mais il avait déjà son équipe, aussi elle n'avait rien à faire, alors elle a continué. Et l'arrivé de Bernard, n'a rien changé. Parfois elle disparait des heures à l'étage. Ce n'est pourtant plus l'appartement de son père, mais celui de Bernard. Elle se croit tout permis, et donc elle se permet tout. Et puis personne ne lui dit rien. On dirait une princesse avec sa cour.

     

    Ce qui me fait le plus horreur est qu'elle choisit ses amants dans les clients. Arno vous a dit qu'ils avaient couché ensemble. Dire que Odile sa femme travaille au restaurant aussi maintenant. Elle est du matin, lui du soir. Ils vous dirons que c'est pour les enfants, la vérité c'est que Elvira se garde Arno, et lui et bien lui... Il la trouve merveilleuse. Je vais vous dire pourquoi elle n'est plus là Elvira : Parce qu'elle négocie son contrat de mariage. Bernard veut l'épouser, Igor le veut aussi, alors, elle, et bien elle, elle négocie son contrat de mariage. 

     

    Sur 2013 et 2014 Arno et Elvira pensaient, ils ne s'en cachaient pas, que Igor laisserait le restaurant à sa fille, donc à eux. Mais il est intelligent Igor, il sait que sa fille papillonne mais serait bien incapable de mener la boutique, alors il a vendu. Elle n'a pas aimé. Elle se voyait déjà la chef avec son amant. Donc elle prend sa revanche aujourd'hui. Elle va épouser Bernard mais sous ses conditions. Ne vous inquiétez pas pour elle, elle va très bien, elle reviendra quand elle sera sûre d'obtenir tout ce qu'elle veut. C'est une manipulatrice Elvira, une enfant gâtée, une gamine qui en a toujours fait qu'à sa tête et qui n'a jamais trouvé d'opposition chez personne. Vous verrez quand vous la rencontrerez, vous trouverez qu'elle est une personne très agréable. Tout le monde pense ça d'elle. Mais avec moi cela ne marche pas, je sais que derrière la belle façade, il y a une capricieuse, une manipulatrice.

     

    Bernard l'a demandée en mariage. Il vous l'a dit ça ? Non, non bien sûr que non. Il ne s'est pas vanté de n'être qu'une serpillière devant madame princesse. Bernard est quelqu'un de très bien voyez-vous. Il a un talent rare, mais comme beaucoup de grand génie, devant les femmes il est faible. Il travaille depuis des années pour devenir un chef étoilé. Cela me désole de savoir qu'il ne l'obtiendra jamais à cause d'elle. Vous avez vu la tête qu'il a aujourd'hui ? Il n'est pas dans son assiette, c'est le cas de le dire. Il passe beaucoup trop de temps dans son appartement en ce moment. L'absence de Elvira le ronge.

     

    Oui, je ne le cache pas,  je suis en colère car elle est en train de casser un homme, une carrière. Cela ne vous révolte pas, vous ?

     

    Je sais bien que je dois être la seule à ne pas vous avoir dit qu'elle était un ange. Les gens sont aveugles et lâches. Je vous le dis, Elvira n'est pas celle que l'on croit. Entendez moi bien, j'apprécie mes collègues. Je ne vous dis pas qu'ils ont tous fait un faux témoignage. Ce n'est pas à vous qu'ils mentent, c'est à eux. Elvira les a tous manipulé. Avec moi cela ne marche pas. Je sens les choses. Vous l'ai-je dit déjà ?


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  • - Je ne sais pas quoi vous dire.

     

    - Jeune homme, nous ne sommes pas là pour vous être désagréable. Ce que vous nous direz ne sera connu que de nous trois. Nous cherchons juste à découvrir la personnalité de Madame Malacorne qui a disparu. Vous êtes au courant de sa disparition ?

    - Elvira ?

    - C'est cela, Elvira. S'il vous plait, commencez par nous décliner votre identité, votre adresse, la nature du contrat qui vous lit avec le restaurant et ensuite vous nous direz ce qui vous vient à l'esprit quand vous pensez à Elvira. Vous a-t-elle confié quelque chose, vous a t-elle raconté des éléments de sa vie. Nous vous écoutons, vous avez tout votre temps.

    - Je m'appelle Thomas Coquendieu, J'ai bientôt quinze ans. Je fais un CAP cuisine au CFA et Monsieur Julizec'h  est mon maitre de stage. Je suis en première année, je ne suis là que depuis septembre. J'habite avec mon père les semaines où je suis au restaurant, parce qu'il habite dans le centre, de l'autre côté de la gare SNCF. Papa travaille pour Monsieur Sallembien à Saint Sulpice de Royan. Il est ouvrier maraîcher papa. Maman elle habite à Breuillet. C'est avec elle que je vis normalement, mais j'ai que mon scooter pour aller au restaurant, alors je vis chez papa. C'est bien aussi. Enfin je crois. Le CFA il est sur le site de Jonzac, c'est à Saint-Germain de Lusignan. Quand je suis au CFA, je suis interne. J'aime bien être interne. Monsieur Julizec'h, il crie jamais, mais je sais bien qu'il n'est pas très content, souvent. Il dit que je suis désolant. Alors je fais que des choses pour les débutants. Monsieur Bastien il dit que c'est à cause de l'étoile. Monsieur Julizec'h il n'aime que l'excellent, alors moi je n'ai pas le droit de rater. C'est normal. Mais c'est un peu bête tout de même parce que je suis là pour apprendre, mais comme je ne fais rien, je n'apprends rien. Dans ma classe on n'est pas beaucoup à avoir un patron qui ne nous permet que d'éplucher des légumes. Ma prof principale elle dit que je dois être patient. Je n'aime pas quand Mr Julizec'h il dit que je suis désolant, mais il a raison, je ne vaut rien. Aujourd'hui il m'a fait goûter une sauce pour que je lui donne les 6 saveurs qu'il avait mis dedans. Je n'en ai trouvé que trois. Bastien lui il a su dire les six tout de suite. Peut-être que je suis pas fait pour le métier. Yohann il m'a dit que je pourrai toujours tenir une baraque à  frites. Bastien et Yohann ils ont ri. Pas Mr Julizec'h et pas moi non plus. Madame Elvira elle est gentille, C'est la plus gentille de tous, moi je crois. Je vois bien que quand elle est là, Mr Julizec'h il est plus pareil. Elle non plus elle trouve pas toujours les ingrédients des sauces. Elle dit c'est bon et Mr Julizec'h il est alors content. Un jour mon scooter il n'a pas voulu démarrer et bien elle est venue me chercher chez papa, avec sa voiture. Je ne savais pas qu'elle avait une voiture avant, parce qu'elle vient toujours à pied, même si il pleut. Elle a un parapluie avec des poulains, enfin ils sont pas en entier, il y a pleins de têtes de poulains, c'est tout. Maman elle a un cheval à elle, mais il est pas à sa maison, il est chez des gens. Elvira elle m'a dit que elle aussi elle adorait les chevaux, comme maman, mais elle, elle ne sait pas monter à cheval. Je lui ai dit que maman elle pourrait lui apprendre. Elle avait l'air contente Elvira. Il y a des gens ici qui disent qu'elle est morte. Est-ce que c'est vrai qu'elle est morte Madame Elvira ? J'ai vu Marie José pleurer parce qu'elle est morte.

     

    La porte coulissante de la véranda s'ouvrit avec fracas. Thomas se leva de sa chaise pour se fondre dans le papier peint en voyant s'approcher à pas rapides un homme rond, en tenu de cuisinier. Il était l'exact opposé de Bernard. Grand et longiligne pour l'un, court et rond pour l'autre. Tenue totalement noire pour celui qui avait une belle chevelure noire, et tenue parfaitement blanche pour l'homme aux cheveux blancs et à la moustache blanche. Cet individu ne figurait pas sur la liste des employés vu qu'il ne restait que deux femmes, Olivia et Marie José.

     

    - Mais vous voulez la tuer ou quoi ! Si ils savent que j'ai contacté les flics, ils vont la tuer. Qui vous a demandé de venir ? Je vous jure que si ils la tuent vous devrez en répondre. Ce n'est pas parce que vous êtes flics que vous êtes au dessus des lois.

     

    - Merci Thomas, vous pouvez disposer, articula posément le brigadier chef qui avait le mot flic en horreur. Il ne parvenait jamais à y entendre autre chose qu'une insulte. Monsieur vous allez vous asseoir, vous calmez et surtout nous dire qui va tuer qui.

     

    - Je la connais ma fille, je ne l'ai pas éduquée comme ça, elle est une vraie professionnelle ma fille. Rien ni personne ne l'aurait fait rater un jour de travail. Le restaurant est toute sa vie.

     

    - C'est pour ça que vous l'avez vendu au lieu de le lui léguer  ?

     

    Les dessins expriment beaucoup mais rien ne vaut la parole pour la spontanéité. Un dixième de seconde avait de parler, Fiona avait reculé sa jambe, son pied. Elle savait trop l'insolence de sa remarque, la désapprobation de PACA qui allait suivre. Sa chaussure allait lui écrasé le pied. Là il ne trouverait rien à réduire. Fiona baissa les yeux dès sa question finit, pour dissimuler un sourire. Elle était doublement fière d'elle.

     

    - De quoi vous vous mêlez vous ? Vous me jugez ? Vous ne savez rien de nous mais parce que vous avez un uniforme vous vous croyez supérieur. J'ai fait ce qu'il y avait de mieux à faire pour ma fille. Je lui ai trouvé le mari parfait. Une femme a besoin d'un homme pour exister. Je sais ce que l'on dit derrière mon dos, mais elle n'a pas de mauvaises fréquentations. C'est moi que l'on cherche à atteindre, elle a été kidnappée. Ils vont m'appeler pour me demander une rançon. Bordel vous allez tout faire foirer. Si ils apprennent que vous êtes dans les parages ils ne voudront plus me contacter, ils vont la tuer. Mais qui vous a dit de vous mêlez de ça ? Sortez de ce restaurant. Vous n'avez rien d'autre à faire ? Elvira est ma fille, sa mère est morte, moi seul en suis responsable, je suis assez grand pour gérer la situation tout seul. C'est l'emmerdeuse de Marie José qui vous a appelé, c'est ça ? Mais depuis quand vous vous déplacez pour une pleurnicharde. Ah ! Quand on a besoin de vous, vous n'êtes jamais là, et quand on ne veut pas vous voir, vous débarquez ! C'est le monde à l'envers. Maintenant vous allez me faire le plaisir de sortir de ce restaurant, sinon je vous en fais chasser.

     

    - Monsieur Malacorne, je suis le brigadier chef Corentin Echouafni et voici le sous brigadier de police Fiona Barbosa,

    - j'en fous. Foutez le camp d'ici. Ils vont la tuer je vous dis.

    - Qui ils ? Qui a kidnappé votre fille, Monsieur Malacorne ?

    - Mais j'en sais rien moi. C'est contre moi je vous dis. Il y a un fou qui cherche à me faire payer alors il m'a pris ma fille.

    - Payer quoi ?

    - Je ne sais pas moi. Je n'arrive pas à me trouver d'ennemi. Mais si ils ont kidnappé ma fille, c'est qu'ils ont une raison. Tout le monde sait que ma fille c'est tout ce que j'ai, donc elle est l'outil pour me faire du mal. J'ai essayé de faire une liste des gens qui pouvaient m'en vouloir mais je ne trouve personne, donc c'est quelqu'un qui en veut à mon argent. Je viens de ventre le restaurant, ils m'imaginent riche. Mais pourquoi ils n'ont pas appelé.

    - Monsieur Malacorne asseyez vous.

    - Avec vous ? Jamais vous allez sortir d'ici, tout de suite, et par l'arrière qu'on ne vous voit pas sortir du restaurant.

    - Parlez nous de votre fille, Monsieur Malacorne.

    - Il n'y a rien à en dire. C'est contre moi je vous dis. Ah elle est bien menée cette enquête ! Vous perdez votre temps. Cela va vous servir à quoi de savoir quelle est la couleur de la petite culotte qu'elle portait ce matin là ? C'est moi que l'on vise je vous dis, moi son père Igor Malacorne. Ils en veulent à mon argent.


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  • Bastien Chevalier. Domicilier rue de Pitauton 17600 Corme-Ecluse. Né le 10 février 76. Marié à Clotilde depuis juillet 2006, quatre enfants, trois filles et un fils. Cuisinier en second au près de Bernard Julizec'h. Sous ses ordres depuis août 2004. C'est sans hésitation que ma femme et moi l'avons suivi de la Succulente à L'eau à la bouche, de Rennes à Royan. Si c'était à refaire, nous le referions. Nous sommes venus ici pour devenir chef étoilé et nous œuvrerons dans ce sens jusqu'à satisfaction.

     

    Je ne témoignerai pas contre mon patron. Si vous voulez que je vous raconte quoique ce soit, il faudra me convoquer à votre commissariat et je m'y déplacerai accompagné de mon avocat.

     

    Je me pose d'ailleurs la question sur la légalité de la procédure que vous suivez actuellement. Elvira est une adulte qui n'est sous la tutelle de personne. Vous n'avez retrouvé ni trace d’effraction, ni trace de lutte ou de sang. Nous sommes donc là dans la situation d'une adulte responsable qui a quitté son domicile, son travail sans prévenir personne. On peut l'accuser d'impolitesse mais dans ce pays jusqu'à dernière nouvelle, l'impolitesse n'est pas un délit.

     

    Permettez moi donc de m'étonner que l'argent du contribuable serve pour une enquête que tout préfet jugerait illégal.  Guillaume de Montquefort préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord établi à cherbourg-Octeville entre août 2012 et juillet 2015 vient de me le confirmer par téléphone. Clotilde est une De Montquefort de par sa mère qui elle-même est la nièce de Guillaume. Vous ne pouvez avoir de crédit heures pour enquêter sur une adulte responsable qui a fait le choix de couper les ponts avec sa vie passée.  Brigadier chef Echouafni, dites moi si j'ai tord ?

     

    - Vous êtes parfaitement renseignez monsieur Chevalier, il n'était pas utile de déranger Monsieur de Montquefort pour cela. Nous sommes ici sur demande du lieutenant Benoit Razomin. Si vous avez à vous plaindre de nous, n'hésitez pas à lui en faire part. Vous pouvez disposer. Merci de faire venir la personne suivante.

     

    Bastien demeura quelques secondes encore le dos bien droit dans son bridge, avant de se redresser, et de s'en aller. Sur ce temps Fiona acheva le dessin de ses mains sur son carnet. Coudes sur les accoudoirs, poignets sur le cercle de la table, doigts droits et écartés au maximum les uns des autres, appuyés de leur extrêmes pointes sur la pointe de son jumeau de la main d'en face. "Contrôle parfait : au dehors. Panique complète : au  dedans". Fiona fut aussi fière de la légende de son dessin que Bastien de sa prestation.


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  • Bonjour. Vraiment je suis soulagé de vous savoir enquêtant sur la disparition de Elvira. A la maison on ne parle plus que d'elle. Pardon, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Arno Coursel, je suis né la même année et le même jour que Elvira. Elle a eu ses 39 ans le 29 avril et j'aurais les miens le 29 octobre. Nous avons six mois d'écart. Elle est le recto, je suis le verso. C'est une blague entre nous. On fait allusion au calendrier, les six premiers mois au recto et les six autres au verso.

     

    Je suis le serveur responsable de la véranda. Je ne sais pas si Bernard vous a expliqué. A l'Eau à la Bouche, il y a deux équipes, celle du midi et celle du soir. En fait  il y en a trois. Et ce n'est même pas vrai, il y en a quatre. Le matin dès 8h le pâtissier arrive avec Sandrine et Stéphanie. Elles font le ménage des salles puis aident en cuisine. Il y a un apprenti avec Louis en ce moment. La quatrième équipe ferme la boutique. Ce n'est pas une équipe, en fait c'est Sergio, le plus ancien de la boite. Ancien par les années d'embauche et les années sur terre. Avec les trois apprentis nous sommes en tout dix neuf, il me semble. Je fais parti de l'équipe du soir, Elvira l'est aussi, mais elle s'occupe de l'administratif avec Bernard, aussi, elle peut aussi bien arrivée en même temps que Louis et Julien, dès huit heures qu'être encore là quand Sergio part se coucher à deux heures du matin.

     

    Marie José est changée de la partie gauche de la salle principale, Olivia de la petite partie de droite, là où il y a les grandes tables. Elle s'occupe aussi de la terrasse. Elvira est au dessus de nous trois, elle n'est pas serveuse mais chargée de clientèle. Aux cuisines il y a Yohann et Bastien. Bastien est arrivé avec Bernard, il l'a suivi, il vient de Rennes. C'est son second depuis treize ans. Sinon nous étions tous là du temps de Igor, sauf Olivia.

     

    J'ai connu Elvira très jeune, je n'étais pas majeur. Avec mon frère nous avons travaillé en extra l'été pour Igor, dès l'age de seize ans pour moi. Philippe en avait dix neuf. Nous avions un rêve à l'époque, avoir notre propre restaurant en Australie. Vous devez vous dire que je suis hors sujet. Non. Je veux que vous sachez qui est Elvira. Nous étions des gosses Philippe, Elvira et moi. Philippe est né le 23 janvier deux années avant nous. Mon frère et moi, encore plus moi, nous n'étions pas très doué en anglais et bien Elvira nous a donné des cours. Elle n'était encore qu'une enfant, seize ans c'est jeune, mais elle a pris son rôle de prof très au sérieux, on peut même dire que de nous trois, c'était elle la plus motivée, et d'ailleurs à la fin de l'été, il n'y avait qu'elle qui avait progressé en anglais. 

     

    Elvira est une femme incroyable. Elle parle l'anglais, l'allemand, l'italien et l'espagnol aussi facilement que je parle le français. Elle est autodidacte, enfin je ne sais pas si on peut dire ça. Chez elle, elle a une série, vous savez un feuilleton, mais on dit série. Elle a l'intégral, la sommes des 5, 6 ou 8 saisons sur DVD. Elle regarde les épisodes des centaines de fois au point qu'elle connait les répliques par coeur en français. Ensuite elle les regarde dans une autre langue. C'est comme ça qu'elle a appris l'italien et l'espagnol. Ensuite elle passe à l'écrit, elle lit des romans en langue étrangère. Cette femme est d'une intelligence prodigieuse.

     

    Nous avons ouvert notre restaurant à Brisbane en 2001. Brisbane est la troisième plus grande ville d'Australie. J'y suis resté neuf ans. La dernière année, je suis tombé amoureux d'une touriste française. Sa famille est d'Angoulène, enfin, sa grande banlieue. L'amour fait oublier tous les rêves. Elle refusait de vivre ailleurs qu'en France, alors comme elle me manquait trop, je suis revenu en France pour l'épouser.  Si je vous raconte ça, c'est qu'alors, j'ai revu Elvira. Igor n'avait pas aimé que Philippe, après avoir tout appris de lui,  disparaisse pour ouvrir son propre restaurant. Nous ne cachions pourtant pas notre projet, mais Igor voit le monde en fonction d'Igor, il aimait le travail de mon frère, il lui a offert un CDI et pour lui, tout roulait. Pour nous, rien ne changeait, on faisait nos armes à L'eau à la bouche et enfin direction l'Australie.

     

    Quand en 2010, je me suis présenté comme possible saisonnier, j'ai été mal reçu. Igor, était un homme que nous avions trahi, il ne voulait plus me voir. D'ami j'étais passé à traite m'a t-il dit. Je devais sortir de chez lui. Elvira qui avait entendu son père me congédier, m'a rejoint sur le trottoir et m'a demandé de lui donner mes coordonnées. Jamais ensuite elle ne m'a raconté le combat qu'elle a du mener contre son père. Pourtant, je vous juge que Elvira a du insister encore et encore pour me faire entrer à nouveau chez son père. Elvira est une femme merveilleuse, mieux, extraordinaire. Cette femme est la bonté même et comme si cela ne suffisait pas, elle est d'une intelligence prodigieuse.  Le 3 octobre 2010, un serveur a fait un AVC. J'ai été appelé pour le remplacer. Je n'en suis plus jamais reparti. Igor ne m'a jamais pardonné je crois, il est resté très froid avec moi. A moins que ce soit moi qui ait changé. enfant je le voyais un peu comme un père, mais adulte et mari, après avoir géré un restaurant neuf ans avec mon frère, je me sens plus son égal, il ne me semble plus aussi important. Oui je suis probablement injuste, ce ne doit pas être lui qui garde ses distances vis à vis de moi, ce doit être moi, qui ne le recherche plus autant. Disons que j'ai un autre regard. Et que lui aussi, peut-être.

     

    Il y a deux ans, ma femme a voulu retrouver un travail. Nos jumelles avaient fait leur entrée à l'école. Odile avait travaillé dans la vente avant sa grossesse, mais elle ne désirait pas reprendre. Avec Elvira, pas Igor, Elvira, oui, grâce à Elvira elle a pu suivre une formation adulte de serveuse, moitié en cours, moitié en entreprise. Elle a commencé en septembre et en décembre Bernard rachetait le restaurant. Ma femme a raté son examen écrit, mais Elvira l'a gardée. Enfin Bernard, mais pour nous on sait ce que l'on doit et à qui. D'ailleurs c'est Elvira qui lui a fait signé son CDI, Bernard n'est jamais intervenu. Bien sûr c'est lui qui décide mais comme je vous dis, oon sait ce que l'on doit et à qui.

     

    Elvira c'est une femme douce. Pas très grande, un visage disparu derrière ses lunettes marron foncé et ses cheveux au carré qui lui recouvre les épaules. Les montures de ses lunettes sont pour ainsi dire comparable aux miennes, mais j'ai un visage plus carré, plus large. Ce que j’essaie de vous dire c'est que Elvira, si on la croise dans la rue et que l'on ne la connait pas, on ne la voit pas, elle est la discrétion même mais c'est une sorte d'ange. Au début Odile n'aimait pas que je parle d'elle de la sorte. Une forme de jalousie. Odile est du service du midi, elle ne passe donc pas autant de temps que moi avec elle, mais si vous l’interrogez, elle vous parlera d'elle avec autant d'enthousiasme.

     

    Nous sommes très choqué de sa disparition. Marie José nous a dit avoir été chez elle et avoir découvert sa maison bien rangée, sa voiture sur sa place de parking, et son sac à main pendu près de la porte d'entrée avec dedans ses papiers, ses clés, son portable. Vraiment c'est le genre de chose que l'on voit à la télé mais qui n'arrive jamais dans la vraie vie. nous n'avons pas osé le dire aux filles. Nous sommes adultes et nous ne comprenons rien, alors elles qui sont si petites encore, en comprendraient encore moins.

     

    Mardi elle ne travaillait pas. Elle ne travaille jamais les lundis et mardis. Moi j'ai mes mardis et mercredis. Je n'ai donc appris sa disparition que le jeudi.

     

    La dernière fois que nous nous sommes parlés c'était devant le restaurant, à la fermeture, le dimanche soir. Elle partait à pied comme toujours et moi j'étais garé un peu plus loin, dans l'autre sens. On s'est embrassé devant la porte. Elle avait vraiment l'air heureuse. Je lui ai demandé ce qu'elle allait faire de ses deux jours, et son visage s'est encore plus illuminé. Elle m'a dit qu'elle apprenait le suédois. Elle m'a reparlé de sa série américaine en plusieurs saisons. Sur le DVD il y a aussi la version suédoise. Dans la série il y a un fils homosexuel, un autre qui a été soldat, il s'est engagé suite aux avions qui ont percuté les tours jumelles de New York. Sa soeur été dans l'une d'elle. C'est fou, je me souviens de tout ce qu'elle m'a racontée de cette famille américaine mais je suis incapable de me souvenir du titre de la série. Bref Elvira était heureuse, elle commençait l'apprentissage d'une nouvelle langue. Elle est tellement douée qu'elle aurait pu nous chanter une chanson de noël en suédois dans quatre mois.

     

    Je n'arrive pas à voir qui  pourrait lui faire du mal. C'est une femme tellement bien. Elle a déjà eu assez de malheur dans sa vie. Je parle de sa vie sentimentale. Je ne suis pas religieux, Odile non plus, et pourtant, sans nous concerter, chacun de notre côté, nous sommes allés à l'église allumer un cierge pour elle. Nous avons vraiment peur qu'un fou l'ait tuée. C'est une femme tellement bien. Retrouver la je vous en supplie. Elle est la marraine de Léna et Molly . On ne peut pas dire à nos filles que leur marraine est morte. Retrouvez la s'il vous plait, avant qu'il ne la tue.


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  • - Pas la peine de me présenter, madame me connait. Bon ok je joue le jeu. Alors Bonjour lieutenant, sergent, je ne sais jamais ce que vous êtes. C'est nul les grades de la police, y'a que les flics à savoir à quoi ils correspondent. Vous devriez avoir un badge avec le mot écrit, je dis ça moi je dis rien mais bon ce serait plus simple, parce que bon, vous n'aimez pas que je dise madame, mais je ne sais pas qui vous êtes.

    - Sous brigadier de police.

    - Alors madame la sous brigadier de police vous avez déjà tous de moi.

    - Moi pas, alors vous recommencez : nom prénom, adresse,profession, quels sont vos liens avec madame Malacorne et à quand remonte la dernière fois que vous l'avez vu. Nous vous écoutons.

    - Ok non stress. Yohann Marcellin. né le 10 mars 83 et interdit bancaire pour cinq ans, donc jusque juin 2019, tout ça parce que Cécile m'a piquée mon carnet de chèque pour s'acheter des conneries. Elle, elle s'en fout, elle est mère donc blanche comme neige. Elle a les gosses, elle les montent contre moi, ils ne veulent plus me voir mais je dois payer une pension alimentaire. Une salope. Moi je vous le dis, avec tous mes respects madame la sous brigadier , les femmes elles ont du vice et elles savent toujours tout gagner tout le temps. La Elvira elle est pareil. Elle a un salaire comme trois fois comme le mien, moi qui trime en cuisine trois fois plus qu'elle qui se pavane sur ses talons dans la salle. Elle est la fille du père Igor. Un chouette mec, un patron super, c'est con qu'il ait pris sa retraire. Elvira elle n'a pas changé du tout avec le changement de patron, mais je le sais bien qu'elle a sucré son salaire quand Bernard a débarqué. Igor c'est mon pote mais il n'a pensé qu'à sa fille. Moi je suis cuisto ici depuis sept ans, et bien Elvira rien, que dalle, je ne sais rien sur elle, pas de mec, pas de copine, pas de vacances, elle est comme sans vie cette fille. Vous pouvez demander à Arno et Odile, ils sont potes, et bien, ils vous diront, cette fille elle est pire que son père, il n'y a que le restaurant dans sa vie. Tous les soirs après le service on reste un peu, on mange un truc ensemble, tous, enfin pas avec Marie José, elle, elle a son mari qui l'attend qu'elle dit. Dans ses moments là on cause, Elvira aussi elle cause, mais elle raconte les clients, jamais rien d'elle. Sept ans je vous dit et jamais elle n'a dit je suis allée au ciné, ou j'ai fait un bowling ce week-end. Je suis sûre que vous allez découvrir des trucs pas bien réglo quand vous allez fouiller son ordinateur. Je sais pas quoi, mais je suis d'avis qu'il y a des trucs dingues derrière l'image de la fille à papa parfaite.  Parfois quand ma voiture ne démarre pas, je rentre à pieds chez moi, je la raccompagne chez elle, parce que c'est ma route, j'habille de l'autre côté de la voie ferrée. Et bien jamais elle n'a voulu m'offrir un verre. Il y a deux voitures sur le parking de sa maison. Vous avez vu sa maison ? Sûr qu'elle a du fric, une maison de 3 étages en centre ville de Royan c'est pas tout le monde qui peut se l'offrir. Un soir j'ai vu de la lumière chez elle et un autre soir j'ai vu une fille ouvrir la porte d'entrée, même qu'un chien a bondi et a fait la fête à Elvira. La femme, une girafe, un vrai déménageur la fille, sûr que c'est elle qui fait le mec, au lit. La girafe elle rigolait de voir Elvira et le chien dans la rue. Elvira est entrée dans la maison avec le chien. Pouvez vous qu'elle m'aurait fait entrer ? Non. Elle m'a même pas présenté à sa mef, comme si pour elle j'ai plus de puce que son chien. Vous l'avez vu son dalmatien ? ça vaut des tunes ce genre de clebs.  Le lendemain, j'ai voulu être cool avec elle, j'ai  dit qu'il n'y a pas de mal à être deux filles dans le même plumard,  moi, je voulais bien deux filles ensemble dans mon pieu. J'ai dit un truc comme ça, qu'avec un grand cheval comme sa mef dans le lit c'est la chevauché fantastique tout les soirs. Elle m'a regardé comme si j'étais qu'un merdeux pour elle. Elle est la fille du patron, même quand le patron c'est plus son père. Le Bernard, il sait pas qu'elle est de l'autre bord, c'est dommage, parce que si il savait, il ne penserait pas comme Igor. Igor non plus il ne sait pas que sa fille, enfin vous voyez quoi.  Igor si il savait ça, ça lui collerait un coup au moral, sur qu'il préfèrerait la voir marier avec Bernard. Je comprends pas pourquoi il n'a pas vendu son resto à sa fille, Arno et moi c'est qu'est-ce qu'on lui a dit : " vend à ta fille ", mais bon l'autre il est arrivé avec son fric et il a raflé le pactole, sur que c'est plus la même ambiance depuis Bernard. Bernard c'est un génie ce mec, un génie. Il faut le voir bosser, un génie. Il veut une étoile au restaurant, non deux et après trois. Avec ce mec ce n'est pas de la cuisine que l'on met dans les assiettes, c'est de l'art. Vous avez goûté ? C'est de l'art je vous dis. Putain comme c'est bon d'avoir un boss pareil. C'est un génie, un génie.


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  • - Voici le sous-brigadier de police Fiona Barbosa. Quant à moi je suis Corentin Echouafni brigadier chef. Nous sommes là dans le cadre de la disparition de Elvira Malacorne, qui travaille avec vous. Je vous remercie d'avance de venir à tour de rôle nous rejoindre dans la véranda. Dans un premier temps il vous faudra vous présenter, puis vous nous direz tout ce qui vous semble important au sujet de Madame Malacorne. Merci de votre collaboration.

     

    Alors qu'ils sortaient de la salle du restaurant pour entrer dans la véranda, le silence densifia l'espace. Le lieu ne se prêtait pas à l'intimité, le mur entre les deux pièces n'étant constitué que de verre. Sur la partie gauche, néanmoins un mur en dur au papier peint bleu avec des plumes blanches futuristes, permettait de se soustraire aux regards. Les faits, les faits, rien que des faits se répétaient Fiona toujours anxieuse quand elle se retrouvait en binome avec PACA. Le brigadier avait été surnommé ainsi à cause de ses origines. Des faits rien que des faits, pas de jugement. "Si il y a un doute, c'est qu'il y en a pas". PACA répétait cette phrase autant de fois qu'il y a d'heure dans une journée à chaque rédaction de procès verbal. Elle avait un doute que ce fut des plumes, donc ce n'était pas un fait, mais un jugement. Déjà le papier peint annonçait à Fiona que l’enquête n'allait pas être simple. Pour sa première affaire de disparition cela commençait bien mal.

     

    Alors qu'elle cherchait à comprendre le papier peint, son supérieur avait réquisitionné une table entre deux hautes plantes vertes et déjà une personne refermait la porte de la véranda derrière lui.

     

    Blanc. Grand. Svelte. Brun. Coupe courte, raie sur le côté gauche. Chemise et pantalon noir. Aucune ceinture. La petite quarantaine. Aucune timidité. Maitre des lieux. Des faits rien que des faits. Enlever la petite quarantaine, c'est un jugement. Aucune timidité et maitre des lieux aussi. Ce sont des jugements. Les faits juste les faits. Si il y a un doute, il n'y en a pas.

     

    Le plus discrètement qu'elle le put, Fiola alla prendre place autour de la table ronde où les deux hommes s'étaient déjà assis après s'être serrer la main.

     

    - Bernard Julizec'h né le 9 juillet 77 à Ploermel dans le 56.

     

    Il avait commencé à parler sans voir qu'elle lui avait tendu la main. Sur son petit carnet Fiona nota " Misogyne ? Raciste ? ", alors qu'elle archiva au fond d'elle " Pauvre con ".

     

    - Diplômé du lycée hôtelier Yvon Bourges de Dinard. C'est le meilleur. Sorti premier de ma promotion chaque fois. BEP, Bac pro, et BTS je parle. Quatre années au service de la marine militaire comme cuisinier, inutile de le préciser je pense.  De Février 2002 à Décembre 2014 j'étais à la tête de La Succulente, un restaurant dans le vieux Rennes. J'ai fait une très bonne affaire en le revendant. Je l'ai vendu pour acheter celui-ci. Royan est une très belle ville qui méritait une gastronomie supérieure. L'eau à la Bouche comme son propriétaire devenait vieillot. J'y ai mis du sang neuf. Igor Malacorne, pauvre vieux fou, un homme fort sympathique au demeurant, m'a demandé de garder sa fille. Son visage est légèrement ingrat. Elle porte d'immenses lunettes qui semblent avoir été créer dans les années cinquante. Je vais vous faire une confidence : je me suis trompé. Je n'ai pas vraiment eu le choix, j'ai du garder cette fille pour devenir le nouveau propriétaire et franchement cela ne m'enchantait pas. A cause de son physique j'entends. Et voyez vous, ne me demandez pas pourquoi, mais elle plait. C'est incompréhensible, mais elle plaît. Je me suis trompé. Je le reconnais. J'avais cru récupérer un boulet et je me suis découvert propriétaire d'une perle. Je ne sais pas ce que les gens lui trouvent, mais ils lui trouvent. L'importance est là. Il faut qu'elle revienne, si son absence s'ébruite, le chiffre d'affaire va en prendre un coup. Là j'ai bien fait passé le mot : elle est en vacances. Mais son absence ne peut pas se prolonger éternellement. Vous me la retrouvez c'est tout ce que je vous demande.

     

    Bernard se leva. Pour lui, il avait tout dit, il avait fait son devoir de citoyen, il pouvait laisser la place à un autre. Le temps c'est de l'argent. Le restaurant ouvrait dans une heure trente, il était hors de question que les premiers clients trouvent des uniformes chez lui.

     

    -Mais quelle relation vous entretenez avec elle ? se permit Fiona en tournant la tête vers PACA pour lui demander une autorisation tardive.

    - Aucune. Je fais mon bulot, elle le sien, c'est tout ce que je lui demande. Jusqu'alors elle le faisait très bien. Là elle déconne complet.

     

    Fiona transforma son con en connard.

     

    Corentin resta de marbre. Il était comme la machine devant lui, il archivait toujours tout sans jamais émettre la moindre réaction.


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  • - Avant de l'appeler, nous devons accorder nos violons. Viens voir, tu vas mieux comprendre.

     

    Marie José ne saurait dire ce qui la mettait le plus mal à l'aise chez cette femme. Le vol de la clé, ce nouveau tutoiement, ou son insistance pour mentir à la police ?

     

    Philippine n'avait aucune envie de rencontrer un policier. Si son nom venait à apparaitre dans une quelconque enquête, même en simple témoin, dans l'heure  son ex mari réapparaitrait dans sa vie. Non vraiment, elle n'avait aucune envie d'être mêlée à une quelconque histoire impliquant la police.

     

    Appeler la police parce qu'une personne adulte fait le choix de ne pas se présenter à son travail, lui semblait relever de la sottise. Il est des patrons qui méritent d'être remis à leur place et Bernard est l'un de ceux-là. Depuis plusieurs semaines Elvira s'était mise à répéter qu'il devrait y avoir un mur entre la France et la Bretagne, pour qu'ensuite tous les bretons soient reconduits à la Frontière. Trump avait ses mexicains, Elvira son breton. 

     

    Philippine n'en avait rien dit à Igor. Les hommes soutiennent les hommes. Bernard, Igor : y avait-il réellement une différence entre eux ? Leurs plastiques ne pouvaient se confondre mais à l'intérieur qu'existait-il pour qu'ils ne soient pas perçus tel des clones ?  Elvira devait le savoir aussi. Philippine n'en doutait pas.

     

    Marie José ne lui parlait pas de Bernard, elle se taisait, donc elle aussi. A tord peut-être.

     

    Elle la connaissait par coeur, Elvira. Une obsédée de la propreté, du rangement, de la fonctionnalité, de l'organisation.

     

    Une place pour chaque chose

    et chaque chose a sa place.

    Agence et dispose

    pour l'harmonie de l'espace.

     

    Tout son opposé en somme. Les spontanéités de Elvira naissent suite à trois années d'étude de dossiers. Elle n'était rien d'autre qu'une calamité sortie de ses routines, de ses repères.

     

    - Tu as choisi autisme en deuxième langue, toi, rassure moi !

    - Et pendant douze ans j'ai été première de la classe.

    - Tu m'étonnes.

     

    Un jour elle lui avait demandé pourquoi elle donnait toujours douze en nombre d'années. " Parce que cela fait 3 ". Parce que cela fait 3 ! La réponse ne l'inspira pas de creuser plus profond.

     

    En attendant que Marie José approche du réfrigérateur, Philippine se remémorait l'un des grands  classiques de ses échanges avec Elvira. La dernière formulation survint suite au refus pour cause de mauvaise couleur. Elvira ne le voulait pas car il était vert. La mémoire est étrange parfois, Philippine n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'elle était montée offrir à Elvira et que celle-ci avait refusé parce qu'il était vert.

     

    Quand Philippine débarquait chez elle avec un DVD, des chips, des petites saucisses pour Helmut, deux plaids, et du coca, en lui disant : il est génial, il faut que tu vois ça, ( ce qu'elle faisait dix fois l'an), Elvira posait un véto ferme et définitif. Elle avait une autre chose de planifiée, il fallait fixer un rendez-vous. Le programme n'avait jamais rien d'urgent : lire un livre, nettoyer l'intérieur d'un meuble, faire l'inventaire de ses vêtements... Oui oui, l'inventaire de ses vêtements. Elvira tenait un cahier où elle notait tout ce qu'elle possédait, et elle en faisait l'inventaire une fois l'an, ou deux fois peut-être bien. Il est des choses qu'il  faut mieux ne pas essayer de savoir.

     

    L'une était aussi coincée, bloquée et paralysée que l'autre était spontanée, excentrique et simple. Deux extrêmes aussi faits pour se mélanger que l'eau et l'huile. Toujours portée par son enthousiasme, Philippine passait outre aux objections. Elle s'installait avec Helmut qui était toujours volontaire pour vider un bol de petites saucisses fumantes. La télévision et le lecteur DVD se trouvait à l'étage, dans la chambre. Philippine rassemblaient les deux poufs, les collait au canapé, elle enlevait la petite plante de sur le guéridon pour y placer son plateau repas, tout en criant à Elvira de se dépêcher, qu'elle allait rater le début. Un chapelet de NON NON NON NON NON s'élevait jusqu'à eux. Entre chaque NON un argument qu'elle jugeait irrecevable formait la chaîne du chapelet.  Au final Elvira s’asseyait de l'autre côté de Helmut en silence. Et en conclusion générale elle reconnaissait une heure ou deux heures plus tard, que Philippine et Helmut avaient bien fait de monter la bousculer un peu.

     

    - Je dois dire quoi pour ça ?

     

    Quand Marie José fut au niveau du réfrigérateur, Philippine ouvrit la porte du compartiment congélateur. Il était rempli de barquettes en aluminium, de sacs plastique.

     

    - Elvira a disparu depuis trois jours, nous venons de découvrir son sac à main, ses papiers, les clés de sa maison chez elle et vous, Philippine, vous, vous  pensez à manger !

    - Mais non. Mais on dit quoi pour ça ? Tu sais comment sont les flics, ils fouillent même les poubelles. Alors on fait quoi ? On leur dit quoi ? Je jette tout ?

     

    Sur chaque emballage Marie José reconnue l'écriture minuscule de Elvira. Sardines gratinées - Sandre au paprika - Saint-Jacques et homard au safran - Rouleaux de saumon fumé - Raie à la crème. Étrangement lire l'écriture de sa collègue lui faisait du bien.

     

    - Alors on dit quoi ? Il faut que l'on accorde nos violons. Déjà que je ne suis pas pour appeler les frics, au moins que je ne cause pas de problèmes à Elvira.

    - Nous avons le droit à quatorze assiettes par semaine. C'est Yohann qui nous les prépare et tient le registre. Elvira n'est pas une voleuse si c'est cela que tu veux savoir.

    - OK cool. Bon alors j'appelle Benoit. Et je ne te dis pas merci.

     


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