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    Châteauneuf-du-Faou

    Le Jeudi 13 Août 2015.

     

     Monsieur Colerige Alesh Tchigrenkov,

     

    J'ai relus ta lettre plusieurs fois. J'avoue qu'elle me peine. Passé le choc, je pense qu'elle se résume en deux parties.

     

    1)  Tu m'envoies à la tête un gros bloc de glace . Je ne vois pas d'autre explication que l’hypothèse que je t'ai blessé. J'ai du faire ou écrire à Paris quelque chose de mal à tes yeux et tu me renvois ta colère. OK.

     

    Tu as le chic pour me faire passer par toutes les cases de la palette des émotions, toi.

     

    Qu'ai-je fait de mal ? Une femme de ton rang social ne parle pas à une concierge ? C'est ça ? Et bien la prochaine fois que tu la verras tu lui annonceras notre divorce et tout rentrera dans l'ordre.

     

    2)  Me répondre que je suis la propriétaire de l'appartement c'est vraiment ridicule. Dis moi que je n'ai pas à le savoir, ou ne reviens pas sur la question comme tu as su si bien le faire sur une demie douzaine de questions, écris"jocker" mais ne me prend pas pour une dinde, c'est ridicule. Je sais très bien ne pas être propriétaire de cet appartement. Et j'ajoute en être ravie, les taxes d'habitation et foncière vont bientôt tomber, celles de mon petit appartement me suffisent.

     

     

    Hier je me suis "engueulée" avec Stoyan à cause du bassin. Il dit que je ne sais pas ce que je veux. Aujourd'hui c'est toi qui a des choses à me reprocher. Et on dit que ce sont les femmes qui sont compliquées !

     

    Mickaelle.


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    Mickaelle,

     

    A quoi  joues-tu TOI ?

     

    Welch est le nom de jeune fille de ma mère. Il  figure sur mon extrait de naissance mais pas sur mon passeport. Il est malheureusement bien utile parfois.

     

    Je ne mens jamais.

    Tu es bien mal placée pour me faire la moral, Sirène.

     

    Tu passes ton temps à me mentir. Tu me crois assez naïf pour gober ton histoire de midinette : Nos yeux dans les yeux blablablabla. J'ai vécu l'instant autant que toi. Jamais tu ne me feras croire que c'est ce qui a motivé cette correspondance. Alors commence par être honnête avant de m'accuser de mensonge.

     

    Tu peux peut-être duper Stoyan et faire ton patron répondre à tous tes caprices de petite fille, mais cela ne marchera pas avec moi. Si tu ne l'as pas encore réalisé c'est que tu es stupide, et ça vois-tu je n'y crois pas une seconde.

     

    Grandie Mickaelle, l'enfance est finie depuis longtemps.

     

    Le 30.07.15 -

    CAT.

     

    PS : Cet appartement est à toi, pas à moi, à toi.


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    Ton antre

    Le 20 juillet 2015.

     

     

     

     Bonsoir Monsieur mon mari,

     

    Comment je t'appelle dans l'intimité : Bébé (trop tarte), mon amour (trop long) Chéri (certainement pas, je déteste). Et toi, dis moi, quand tu veux un petit plaisir rapide entre deux rendez-vous, tu me nommes comment ? Ah je sais, poupée ou poulette mais en russe. Oui au lit tu dois parler russe. Ce doit être terrible pour toi d'avoir épousé amnésique.

     

    Tu me fais peur Tchig. Je ne rigole pas, tu me fais vraiment peur.

     

     

    Il y a onze mois je marchais sur un sentier de randonné dans le beaufortain en compagnie de Maxime. Passé un virage la perspective s'ouvre. En fermeture d' horizon sous de maigres nuages,  devant un ciel d'un bleu dilué, une lourde montagne coupée à la hache, et en avant plan d'elle, comme logé au fond d'une cuvette en herbe grillée par le soleil, un minuscule groupe de petits points qui semblaient constituer un hameau. 

     

    Nous n'avions pas été prévenues qu'il existait des habitations entre le lac et sa source, la chute d'eau,  but de notre expédition.

     

    Le chemin nous a obligé à passer au plus près du hameau. Alors je t'ai vu sur ton mur. J'ai découvert un homme aux épaules puissantes portant un vieux jeans et un T-shirt jaune douteux au col tunisien qui tout autant que le jeans méritait bien plus la poubelle que la machine à laver. J'ai vu un homme mal rasé avec un bandana noir noué sur une chevelure grisonnante et fournie. J'ai constaté une paire de baskets montantes à la semelle décollée. Et je n'oublie pas les lourds gants de chantier qui semblaient te momifier les mains.

     

    Nous nous sommes regardés sans honte et sans espoir, juste retenus par le sublime qui émanait d'un nous improbable. Quand je repense à cet instant oui, je peux dire qu'alors tu n'étais que liberté, générosité et confiance offertes,  que cet homme était celui là même qui, il y a quelques jours a placé ses clés d'appartement dans une boite pour moi.  Là maintenant je le réalise. Ce geste fou, démesuré est totalement en accord avec la pleine bonté qui se dégageait alors de ton être. Si je n'avais pas oublié qui tu es vraiment, découvrir les clés n'aurait pas du m'étonner. Si j'en fus si désorientée c'est seulement que je suis bien incapable d'autant d'humanité désintéressée.

     

    Qu'y avait-il entre nous ? 3 mètres ? Seulement 2. Tu étais à cheval sur ton mur, moi au sol sur le sentier. Il m'est impossible de me souvenir de la couleur de tes iris, la distance n'a jamais du me permettre  de le savoir. Je sais juste qu'une énergie inconnue, qu'une puissance de toi est entrée en moi. Je ne sais par quel pouvoir tu es parvenu à me figer sur place, à m'hypnotiser, à me désinhiber au point de me transformer en une femme libre d'accorder du temps à son désir de contemplation pour une dégustation quasi charnelle. C'était un peu comme si le socialement correct s'était déactivé de mon gouvernail mental.

     

    Avec toi, il n'y a plus de loi, plus de norme, plus de socialement correct. Avec toi il y a juste un divin lien d'amour astral. En un autre lieu, en un autre temps, il est possible que nous nous serions croisés sans nous isoler du décor, mais là, plus que de nous faire nous remarquer, nos âmes se sont désincarnées pour fusionner et par là même, nous enrichir de la substance de l'autre.

     

    Sur des heures, j'en ai senti  les effets. Tu m'avais rendue  vivante et belle comme jamais. Merci.

     

    Maxime n'a pas capté ton  pouvoir magnétique, elle est restée sur le plan matériel, superficiel, elle a eu peur de toi. Tout comme moi maintenant.

     

    Tchig tu n'imagines pas les efforts que je produis pour m'accrocher à mes souvenirs d'il y a onze mois. Il me semble qu'il n'existe pas d'autre solution pour réduire cette peur.  Tchig tu me fais peur. Là, maintenant si je te voyais apparaitre devant moi, je ne serais que débordement de panique.

     

    Ensuite au village, on nous a raconté que tu étais un tueur de tchétchènes, un sale individu violent qui se cachait. Je n'y ai pas cru. Aujourd'hui je ne sais plus.

     

    On nous a aussi dit que suite à une agression d'enfant, de ta part (chapeau l'artiste) les villageois furieux étaient montés chez toi et qu'ils en étaient revenus sans t'avoir vu, avec des images de chalet miséreux. J'avais bien vu qu'aucun fil ne reliait ta maison aux réseaux d'électrique ou de télécommunication. Il parait que  tu ne possèdes même pas l'eau courante. Riche de ces informations j'imaginais ton antre parisien du même acabit.

     

    Tu m'as confié avoir été élevé dans un orphelinat, que ton père pendant ce temps était au goulag, et comme tu te nomme Tchigrenkov, je t'ai cru un russe émigré en France, un sans papier peut-être même. J'ai pensé que Mr Welch était comme toi, un cabossé de l'existence. J'ai pensé que vous partagiez une chambre de bonne. Stoyan quand il est arrivé en France, il s'est retrouvé avec d'autres bulgares qu'il ne connaissait pas, des bulgares qui comme lui venaient du même réseau,  pour faire le même job saisonnier. Je ne me suis pas questionnée plus, j'ai posé sur toi, son passé. Welch ne me semble pas très russe comme nom, mais qu'en sais-je ? Quand j'ai rencontré Stoyan j'aurai juré qu'il était un africain du nord (Algérien - Tunisien) et non un homme de l'est.

     

    Dans ta lettre tu notes "dernier étage". Les chambres de bonnes sont toujours au dernier étage, au moins dans tous les livres que je lis.

     

    Entre la maison d'Henriette et mon appartement atuel, j'ai connu les chambres chez l'habitant, les appartements de 18 m², alors je m'imaginais ouvrir une porte sur quelque chose du même genre, avec peut-être un peu moins de peinture, un peu plus de moisissure. La TV présente tant et tant de reportages sur les logements insalubres à Paris, que j'ai cru prendre le train pour aller dormir dans un lieu guère mieux.

     

    De tenir tes clés dans mes mains , c'était déjà tellement d'émotion que pas une seconde je n'ai songé à déplier le papier sur lequel tu avais écrit l'adresse. Il faut dire que j'ignore tout de Paris, donc un chiffre d'arrondissement, un nom de rue ou d'avenue ne m'aurait rien dit.

     

    J'aurai du aller sur mappy et y taper ton adresse.

     

    Si je l'avais fait, jamais, tu m'entends JAMAIS je ne serais là assise par terre, à t'écrire les coudes appuyés sur ta table basse. Non, jamais je n'aurais pris le train. Jamais.

     

    Dans le train justement j'ai déplié le papier et j'ai demandé à la femme assise à mon côté si le 16ème arrondissement était loin de la gare Montparnasse. Elle m'a toisée avec mépris et ne m'a pas répondu. J'ai traduit que c'était le pire arrondissement et que c'était pour ça qu'elle ne voulait pas m'adresser la parole. Je me suis dit "Encore une qui vote Le Pen" et dans mon coeur je t'ai défendu. "Oui c'est un immigré sans papier, mais c'est quelqu'un de très bien". 

     Tu dois te marrer.

     

    Paris 16ème !

    23 avenue Foch.

     

    J'ai lu 23 avenue Foch Paris 16ème. Pour moi cela ne voulait rien dire.

     

    J'ai passé toute mon enfance en banlieue de Limoge, je sais très bien m'orienter en centre ville. Tous les arrêts de bus ont des cartes. C'est mille fois plus facile de se repérer en ville qu'entre les champs de la Bretagne profonde où je vis maintenant.

     

     

    Il faisait beau, j'y suis allée à pied. Gare Paris Montparnasse, avenue Foch.

     

    Quand j'ai vu l'arche de Triomphe, je ne suis dit que je m'étais trompée, mais j'avais le panneau sous les yeux.  Avenue Foch Paris 16.

     

    Je me suis sentie pauvre en descendant l'avenue, en longeant les grilles , en levant les yeux sur les immeubles grands luxes. Pauvre pour ne pas dire minable. Non jamais je ne serais montée dans le train si j'avais été sur mappy avant.

     

    L'immeuble avant le 23 est une ambassade. Une ambassade ! Tes voisins sont les ambassadeurs de l'Angola. Moi mes voisins sont laborantins ou intérimaires. Et oui, j'habite contre le mur du laboratoire d'analyses médicales. Enfin c'est à vendre, il a été transféré sur Landerneau. Mais l'agence intérim ne manque pas de chômeurs.

     

    J'ai osé pousser la grille du 23 en me raccrochant à l'idée que j'allais aller me terrer dans ta chambre de bonne. J'avais même envie que Mr Welch soit là. Je me sentais tellement étrangère, miséreuse. Tu vois je crois que j'aurai même adoré que ce soit Mademoiselle Welch ta mademoiselle plaisir au lit. C'est vrai pourquoi n'avais-je pas pensé que tu puisses avoir une petite amie sur Paris ? Mais parce que Mr est mon mari et que Mr mon mari n'est pas homme à regarder ailleurs.

    Tchig c'est quoi le but de ta manœuvre ? Tu me fais peur Tchig.

     

     

    Bien sur la grille n'a pas bougé quand je l'ai poussée. On ne rentre pas comme ça chez les gros riches. Alors j'ai pensé à l'interphone. J'ai regardé et j'ai trouvé ton nom. En tout premier Welch-Tchigrenkov. De lire Tchigrenkov m'a rassurée. La clé a fonctionné, et elle a re-fonctionné pour la porte de l'immeuble.

     

    On ne voit ça que dans les films. Le hall d'entré est immense, l'escalier est en marbre, ou un truc comme ça. Il est recouvert d'un tapis (on dit moquette ?) rouge d'une épaisseur incroyable. Je n'ai pas fait la pauvre, je ne l'ai pas touchée. Enfin si mais seulement une fois là-haut quand plus personne ne pouvait me voir. 

     

    Et l’ascenseur ! L'ascenseur ! Une merveille, une pièce de musée. Un escalier en colimaçon avec en son centre, un ascenseur en fer forgée. Je sais que tu sais tout ça, je sais que mon vocabulaire ne doit pas être adapté. Mais songe à ce que cela m'a fait d'arriver dans ce hall, moi qui vit sous les toits d'une commune quelconque d'une région agricole, moi qui pensais découvrir un immeuble insalubre.

     

    Je suis montée par l'escalier en suppliant les Dieux que je ne croise personne avant d'être enfermée en sécurité dans ta chambre de bonne. Mais bien sûr que je suis sotte. Les bonniches ont un escalier ailleurs, un truc raide en ciment brute. L'escalier aux marches plus larges que ma cuisine ne peut pas aboutir sur des chambres de bonnes.

     

    Tu as écrit que je ne peux pas me tromper, que c'est la porte à droite. Il n'y a aucune autre porte. Il y a juste une porte, la tienne. Donc en effet, je ne pouvais pas me tromper.

     

    Tu crois que j'ai ressentie quoi quand j'ai ouvert la porte est que j'ai vu un couloir d'appartement aussi long que l'immeuble, et aussi large que les pièces de mon appartement ? Tu crois que j'ai ressenti quoi quand j'ai regardé par la première porte vitrée ouverte et que j'ai vu un salon de 80m² avec un mur entier en miroir ?

     

    C'est horrible Cole d'être assise seule sur le canapé pour 12 en cuir blanc et d'avoir face à soi, soi assise sur le canapé en cuir blanc. C'est pour ça que je t'écris assise par terre avec le miroir dans le dos.

     

    Il mesure combien cet appartement ? 200 - 250 m² ? J'ai ouvert toutes les portes sans entrer dans aucune pièce. J'ai cherché une chambre . J'ai vu les 3 bien sûr. Chaque chambre est un appartement. En plus d'un lit il y a toujours un bureau et un canapé.

     

    Et puis j'ai sursauté. Quelqu'un a sonné à la porte. J'ai eu peur.  C'est con mais j'ai eu peur. J'ai eu peur que ce soit toi. Tu te rends compte, j'ai eu peur que ce soit toi. C'est moche. Je sais c'est moche mais j'ai eu peur que ce soit toi.

     

    Devais-je aller ouvrir ?

    Pourquoi tu sonnes alors que tu as les clés ?

    J'étais incapable de bouger.

     

    Cela a re-sonné. Je me suis dit que tu m'avais donné les clés que je n'étais pas une voleuse, alors j'ai rassemblé mon courage et j'ai retraversé le couloir (j'étais dans la cuisine avec sa table pour 28 , ok pour 8) et je suis allée ouvrir.

     

    Voici la conversation ( à quelques mots près, excuse moi, elle te la relatera ultérieurement peut-être avec plus de justesse)  :

     

    - Bonsoir Madame Welch Tchigrenkov, honoré de faire votre connaissance.  J'espère que vous avez fait bon voyage ?

    - Oui... Merci... Bonsoir.

    - Comme votre mari me l'a demandé, je suis allée vous acheter une collation pour ce soir. J'ai tout rassemblé dans ces deux papiers. Celui-ci est particulièrement lourd. Voulez-vous que j'aille vous le déposer à la cuisine. Par exemple ?

    - Euh non, non.

    - Je vous souhaite la bienvenue à Paris Madame Welch Tchigrenkov. Si vous avez besoin d'autre chose, n'hésitez pas à me le demander. Votre mari tient à ce que votre séjour soit des plus agréables. Il a bien appuyé sur ce point. Bonsoir.

    - Attendez Madame. S'il vous plait.

    - Oui, il vous manque quelque chose Madame Welch Tchigrenkov ?

    - Non non tout est parfait, mais, je vous dois combien ?

    - Pardon ?

    - Pour les paniers. La facture.  La facture est dans l'un des paniers ? On fait comment ? Je vous paie maintenant, juste le temps que j'aille chercher mon carnet de chèques ou demain matin cela ira.

    - Mais madame, votre mari monsieur Welch Tchigrenkov s'est occupé de tout. Vous ne me devez rien. Je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance, je ne savais pas monsieur marié. Il faut dire qu'il n'est pas homme à exposer sa vie. C'est un être très discret. Je vous souhaite une bonne soirée encore Madame Welch Tchigrenkov.

     - Pareillement.

     

     

    Tu avais écrit : Un peu de riz, des nouilles et des boites de sardines. Je n'ai trouvé aucun des trois. Par contre,  j'ai des fruits pour une semaine si je m'en fais une orgie et si j'ai encore faim après avoir consommer les pains, les fromages, les beurres, les charcuteries, les salades composées et bien sur bu toutes les variétés de thé, café et tisane, sans omettre le vin. Tchig tu lui as fait en acheter pour un régiment.

     

    J'ajoute qu'elle n'a pas oublié la bouteille de champagne et les roses. Monsieur mon mari est délicat.Tortionnaire avec sa concierge mais délicat envers son épouse adorée.

     

    Tu me rappelles depuis quand nous sommes mariés s'il te plait. J'oublie comment j'ai tué mon frère, j'oublie comment mon mariage fut célébré... Je suis lamentable.

     

    J'essaie d'y mettre de l'humour, mais je suis moins sûr de moi que j'ai voulu le faire croire à ta concierge. Je panique en vrai. Je suis venue à Paris torturée par la question : je poste ou non les cartes que Maxime m'a donnée, et maintenant je me demande si je n'aurai pas du prévenir la concierge que je ne suis que Mickaelle Kervelou. Tchig j'ai joué ta femme pour ne pas te discréditer mais encore plus car tu me fais peur, même à distance, tu me fais peur. Et ta concierge ne semble pas non plus très à l'aise face à toi. Maxime, Stoyan, personne ne sait  que je t'écris, personne ne sait où je loge ce soir. Je regrette de n'avoir rien dit. Je regrette encore plus d'avoir pris le train.

     

    Qui es-tu  Tchig ? Tu me fais peur. Comment peux tu être propriétaire de cet appartement ? As tu vraiment du sang de tchétchènes sur les mains ? Tu es de la mafia russe ? Question ridicule, si tu l'étais tu ne l'avouerais pas.

     

    Cole je ne suis pas du tout à l'aise dans ce géant silence.  Je reste accrochée à mon stylo car en pensant à toi, celui de la Savoie,  j'oublie ce qui m'entoure.

     

    Tu es trop riche Tchig, beaucoup trop riche. Cole comment peux-tu vivre à la fois en Savoie dans un hameau sans confort et dans un appartement avenue Foch ?

     

    Cole pourquoi à chaque nouvelle lettre tu as un nom de plus ?

    Pourquoi Welch maintenant ?

     

    Tchig pourquoi tu lui as menti ? Pourquoi lui as-tu dit être mon mari ? Si tu lui mens, sur quoi m'as-tu mentis aussi ? Qu'est-ce que tu attends de moi. On croit toujours que les accidents n'arrivent qu'aux autres, qu'on est plus intelligent que ces bêtas qui tombent dans les arnaques. Tchig j'ai peur. Tu attends quoi de moi ? Tchig je ne veux pas me retrouver en prison, je ne veux rien savoir de tes affaires, je ne veux pas savoir comment tu as eu tout cet argent. Tchig tu me fais peur.

     

    Cole je ne vais jamais parvenir à être à l'aise dans cet appartement.

    Qu'est-ce que tu attends de moi ?

    Cole ne me fait pas mal, s'il te plait.

     

     

    Le 21.

     

    J'ai passé une mauvaise nuit. A tous les instants j'étais aux aguets. J'ai l'impression que tu me fais passer un test. Pour prendre une douche je me suis enfermée à clé dans la salle de bain et la chambre était elle aussi fermée à clé. J'ai peur de te voir arriver, pire de voir un inconnu entré.

     

    Et à la fois, c'est ça la folie, une partie de moi voudrait que tu sois là.

     

    Plus le temps passe, plus je songe que tu ne m'as pas ouvert ton appartement par gentillesse, mais pour une raison bien particulière. Ce matin j'ai donc regardé tout autour de moi, j'ai fait un tour d'inspection très lentement, sans rien toucher. Je suis même entrée dans ton bureau suite à ta chambre. J'étais à la recherche d'un indice, d'un je ne sais quoi qui m'aurait fait dire " voilà il m'a fait monter à Paris pour ça". Mais rien.

    Cole pourquoi voulais-tu que je vois cet appartement ?

     

     

    On ne va pas chez les gens mes mains vides, aussi j'avais dans mes valises des petits riens à partager avec Mr Welch si il avait été là, que tu aurais trouvé plus tard, si il ne l'avait pas été.

     

    Quand je compare mes cadeaux à tes  paniers, j'en ai presque honte.

     

    Je me dis que tu as les moyens,  que tu es un homme délicat, que comme me l'a dit ta concierge, tu veux que mon passage à Paris soit réussi, mais trop c'est trop. Tu vois, j'aurai bien plus apprécié une rose sur un panier que ce magnifique bouquet, une boite de sardines au fond d'un placard que les trois terrines achetés chez un traiteur.

     

    Qu'est-ce que tu attends de moi ? Je ne me sens pas à la hauteur.

     

    Qui es-tu ?

     

    Il y a un tel décalage entre les costumes de ton armoire et le jeans que tu portais en Savoie. Je t'aimais mieux pauvre.

     

     

     

    Le 23.

     

    J'ai choisi la chambre la plus proche de l'entrée.

    J'ai préféré celle au lit à baldaquin sans rideau. Les poteaux du lit sont magnifiques, je ne sais pas dans quel bois ils ont été tournés, mais ils sont magnifiques. Comme elle donne sur ton bureau je l'ai supposée tienne. Pour m'en assurer j'ai ouvert l'armoire. Je ne sais plus si je t'ai déjà dit, mais je couds tous mes vêtements. Je connais donc très bien les matières. Je n'ai rien sorti de l'armoire, j'ai juste touché les tissus. Les matières sont de très grandes qualités, tes costumes valent une fortune. Et ton manteau !!! Quelle merveille ce tombé !

     

    Qui es-tu Cole ? Tu gagnes ta vie comment ? D'où te vient tout cet argent ?

     

    Je ne suis toujours pas à l'aise chez toi, je vis entre "ma" chambre, sa salle de bain et la cuisine.

     

    Aujourd'hui j'ai passé une assez bonne journée car je suis entrée dans trois grands magasins de tissus. Pour moi j'ai fait des folies, mais pour toi ... Enfin c'est le SDF heureux d'avoir acheté une table chez Ikéa et qui le dit à un type qui n'a que du Roche Bobois chez lui.

     

    Chez toi je ne me sens pas à ma place, dans les rues ça va mieux mais Paris ne me plait pas. Il y a beaucoup de richesses sur les murs, dans des vitrines mais l'air est polluée et surtout les gens sont pauvres. A Châteauneuf comme à Quimper les extrêmes ne sont pas aussi visibles.

     

    J'ai posté les cartes de Maxime. Je m'étais promis de ne pas le faire, mais suite à la conversation avec Madame Fioux ta concierge, je l'ai fait. En remontant de chez elle, j'ai regardé la salle à manger, sa table aux 24 chaises. 24 ! Je me suis amusée à imaginer notre repas de mariage, toi à un bout et moi à l'autre, d'un côté tes invités et de l'autre les miens. J'avais donc 11 invités à trouver. Stoyan, Jérémy, Madame Tillyou, Maxime. Il me reste des chaises vides. Je n'ai pas hésité à placer Maxime preuve qu'elle est toujours importante pour moi. Aussi même si je ne suis pas d'accord avec elle, j'ai fait ce qu'elle voulait, j'ai posté ses cartes postales.

     

    Pourquoi suis-je allée chez Madame Fioux ?

    Les paniers, à qui sont-ils ? A elle ou à toi ? Au début je les avais mis dans le couloir, à l'entrée. Je ne savais pas si elle avait les clés, si elle faisait le ménager en ton absence. Donc j'ai mis les paniers bien en évidence pour qu'elle les reprenne, mais elle n'a jamais du entrer car ils n'ont pas bougé.

     

    Tu lui as fait acheter trop de charcuterie et surtout trop de fromages. Ce midi en sortant je suis descendue lui rendre ses paniers et j'en ai profité pour libérer ton réfrigérateur d'une terrine, des abricots et de trois fromages. Elle a été gênée. Je lui ai bien précisé pourtant qu'il ne fallait y voir aucune générosité, je voulais juste qu'ils ne finissent pas à la poubelle. Elle a été gênée. Gêner par 400g de fromage, 1 kilo d'abricots et une barquette de 250g de pâté. Cela m'a fait sourire. Je la comprends tellement. Si une personne peut être gênée pour si peu, comprends comme je le suis pour les clés, les paniers, les fleurs, et les 250m² grand luxe.

     

    Sache que tu peux lui offrir une belle prime à Noël, elle est vraiment LA concierge parfaite, jamais elle ne dira de mal de toi, mais c'est flagrant, elle te craint. Elle ne l'a pas dit, moi oui. Comprends, je n'ai pas dit "j'ai peur de lui" mais "il vous fait peur". Dans son regard j'ai compris que j'avais vu juste. Elle a répondu que tu étais, enfin "votre mari" est un homme très discret, secret, il n'est en rien comme Mr Welch, lui il s'arrêtait dans le couloir pour discuter, il avait toujours une blague. Ce monsieur Welch ne parlait qu'anglais mais il savait  demander des nouvelles des enfants, de sa soeur, du quartier. Mr Welch Tchigrenkov maitrise très bien la langue français, a-t-elle ajouté, il est très poli mais il est discret, il ne pose aucune question, il ne parle que pour des choses précises.

     

    Je ne sais pas pourquoi, mais après l'avoir saluée, remerciée, sur le bas de sa porte, je me suis retournée et en une tirade, j'ai ajouté la métaphore suivante. Je lui ai affirmé que tu n'étais qu'un tsar de glace. 

     

    Si j'avais été une cousine, la vendeuse de légumes elle aurait confirmé mais face à moi, ta femme... " Votre mari est d'une apparence assez froide en effet" a-t-elle réussi à lâcher.

     

    L'an passé, quand Maxime m'avait arrachée à toi en me tirant par le bras, que je m'étais détournée pour te voir encore alors que j'avançais, elle avait articulé "Ce mec me glace les os". Je l'ai répété à ta concierge, oui je lui ai raconté sans détail,  que la première fois que ma meilleure amie t'avait vu elle m'avait dit que tu lui glaçais les os.

     

    Madame Fioux devait se demander si je voulais la tester ou si j'étais franche. En début elle n'a rien dit, et puis, elle s'est comme détendue, elle m'a sourie et a avoué  qu'elle  avait été  désorientée. Son mot fut "désorientée", quand je te dis qu'elle est la concierge parfaite ! Donc elle a été désorientée  de passer d'un monsieur  Welch sachant dépasser la limite de l'exubérance, à toi monsieur mon mari qui continus ton chemin sans une attention, un regard, un sourire.

     

    Alors, je l'ai interrogée. Lui arrivait-il parfois d'être triste ou déprimée, d'avoir envie, besoin de se blottir sous une couette sur le canapé, face à un bon film avec une glace vanille ou à la pistache voir au chocolat? Une glace c'est très froid lui ai-je fait remarquer, le froid peut brûler, mais derrière cette apparence fumeuse dangereuse, il n'existe sur terre aucune création plus délicieuse, plus réconfortante et qui  sache mieux inspirer les envies d'encore.

     

    " Monsieur Tchigrenkov est un tsar de glace à la vanille, madame Fioux, songez à cela la prochaine fois que vous le verrez monter l'escalier dans son manteau à la coupe impeccable".

     

    Tu dois remuer la tête en songeant "quelle petite sotte". Penses de moi ce que tu veux, si je ne te retranscris ce qui me vint sans réfléchir c'est que vous êtes condamnés à vous revoir, aussi  je ne veux pas que votre relationnel soit décalé à cause de moi.

     

    J'ajoute :

    Elle me croit ta femme, je n'ai jamais démenti.

     

     

    Pourquoi te vouloir une femme que tu n'as pas et surtout pourquoi me choisir moi ?

     

    Le 24.

     

    J'ai tout bien rangé, nettoyé, j'ai même passé l'aspirateur. Même dans les pièce où je n'ai pas vécu. Il n'y a que ton bureau dans lequel je n'ai pas osé pénétrer.

     

    Tu trouveras sur le plan de travail de la cuisine la bouteille de champagne ainsi que la bouteille de vin blanc, je n'ai pas eu envie de les déboucher et je ne savais vraiment pas où les ranger.

     

    Merci pour ta proposition de valise, mais mes tissus et mes livres entrent dans mes sacs et valises.

     

     

    Colerige Alesh j'ai vraiment besoin que tu répondes aux questions suivantes:

    Pourquoi avoir dit que nous étions mariés ?

    Pourquoi avoir transformé la boite de sardines et le kilo de riz entamé par 300€ de fruits et compagnie ?

    Pourquoi es-tu dans un chalet sans eau ni électricité alors que tu disposes d'un appartement avenue Foch ?

    Qui est le propriétaire de cet appartement ?

    Pourquoi tu signes depuis le début C.A.T non C.A.W.T ? Autrement dit pourquoi Welch ?

    Pourquoi voulais-tu que je vois cet appartement ?

    Qu'attends tu de moi ?

    Je t'en supplie, aide moi à comprendre.

     

    Je vais maintenant rejoindre la gare Montparnasse. J'ai déjà repéré une poste pour y timbrer cette lettre.

     

     

    Merci pour ce séjour très très déroutant. A l'heure qu'il est je ne sais que deux choses : Si j'avais regardé sur mappy je n'aurai jamais pris le train et pourtant je vais garder les clés comme tu me l'as conseillé. Pourquoi je n'en sais rien.

     

    Colerige, s'il te plait, ne me fait pas mal.

     

     

    Mickaelle.

     


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  • 49

    Samedi 18 juillet 15 - 21h22

     

     

    J'en tremble, j'en tremble d'émotion Cole.

    Pourquoi tu as fait ça Colerige ?

     

    Il y a un tel décalage entre ta générosité, ta confiance et le mépris, l'indifférence de Maxime. Non je n'ai pas annulé mon billet de train. J'ai voulu le faire dix fois mais dix fois la colère gagnait. La colère contre Maxime. Je ne la comprends plus.

     

    Ce matin elle est passée en coup de vent à l'agence où elle savait me trouver. Elle m'a donnée deux cartes postales écrites et timbrées que je dois poster pour elle à Paris. Pourquoi envoyer une carte de Paris à ses enfants alors qu'elle sera chez son père ? Je lui ai posé la question. Déjà je trouvais nulle qu'elle se serve de moi, mais sa réponse...  Sa réponse ! Jamais encore elle ne m'avait donnée un coup de poignard dans le coeur, et bien là c'est fait. Elle m'a dit " Bien sûr que tu ne peux pas comprendre. Tu as la chance de ne pas avoir de famille toi" . C'est de la chance ? C'est de la chance d'avoir tué son frère ? C'est de la chance d'avoir des parents qui ont payé une cantinière pour s'assurer que leur fille reste loin d'eux ? C'est de la chance d'avoir eu un mari qui ... Peu importe.

     

    Avant j'étais son amie, sa confidente, et maintenant je suis trop conne pour comprendre. Du temps où elle avait un amant, jamais elle ne m'a utilisée comme alibis ou pire, jamais elle ne m'a demandée mon appartement pour ses prouesses sexuelles. J'étais son amie. Et elle ne me disait pas que sous prétexte que je ne couchais avec aucun homme, j'étais trop conne pour comprendre une femme qui avait un amant en plus d'un mari. Depuis que sa mère est morte je ne reconnais plus Maxime. On était si proche toutes les deux. Si proche.

     

    Bref voir notre amitié prendre l'eau de toute part me désole profondément, et c'est pour ça que je n'arrivais pas à abandonner mon billet de train. J'avais envie de fuir à Paris pour ne pas voir que tout s'écroule, pour paraitre forte.

     

    Et comme si la journée n'avait pas été assez chargée en émotion,  voilà Mr  grand seigneur qui m'offre la clé de sa garçonnière.

     

    J'en tremble, j'en tremble d'émotion Cole.

    Pourquoi tu as fait ça Colerige Alesh ? Pourquoi tu as fait ça ? Cole ?

     

    Je ne devrais pas te l'écrire tu vas encore te moquer de moi mais je le dis quand même : j'en tremble d'émotion, ça me touche bien plus que tu ne pourras jamais l'imaginer.

     

    Mais Mr Welch il va en penser quoi de ton initiative ? C'est chez lui aussi. Je suis en train de perdre ma meilleur amie, je ne veux surtout pas être celle à cause de qui tu perds une personne importante. Je m'en voudrai trop.

     

    Oh Cole tu me mets dans une situation. T'es un ange, t'es un ange, oh purée !!! Oh je ne maitrise rien là. Oh tu es dingue comme mec ! Un tueur de tchétchènes hyper dangereux. Tu as tabassé un gosse !!! Alors là tu m'as tué oui. 

     

    Cole mais je ne mérite pas un truc pareil.

     

    Alors ça je ne m'y attendais pas.

    Je viendrai de gagner un million au loto je n'en serais pas plus chamboulée.

     

     

    Oui je vais aller à Paris parce que jamais quelqu'un ne m'a fait autant confiance et que si j'arrivai à faire autant confiance à quelqu'un, je serais trop peinée si il n'en usait pas. Je vais aller dans ton antre mais sache que je ne m'en sens pas digue du tout.

     

    Pourquoi as-tu fait ça  Colerige Alesh ?

     

    Oh ! Purée comment je vais arriver à te faire descendre de ton piédestal si tu me fais des plans pareil ?

    Oh purée !!!!

     

    Pourquoi as-tu fais ça ? Pourquoi as-tu fais ça ?

     

    Tu vois si tu m'avais écrit que le hasard tu faisais être sur Paris la semaine prochaine et que pour m'éviter des frais d'hôtel, je pourrais venir dormir sur ton canapé. On se connait un peu maintenant. Cette proposition je l'aurai comprise, mais que tu me confis les clés de chez toi afin que j'y aille en ton absence, c'est vraiment gênant. Et ton colocataire Mr Welch, vraiment tu me places dans une situation difficile. Ta confiance est démesurée.

     

    Il le sait Welch que tu es un ange ? Franchement je gérais mieux quand tu étais le tsar de glace.

     

    Oh Cole ................

    Pour être un tueur tu es un tueur, il n'y a pas de doute. Mais pas un tueur dans le sens que les beaufortains me l'ont raconté. Ce n'est pas du sang que tu as sur les mains, c'est le cœur que tu as sur la main.

     

    Merci Grand Monsieur Colerige Aleshandrovich Tchigrenkov.

     

     

    Mickaelle.

     


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  • 48

    Belle Sirène,

     

    Ne vis pas ta vie en fonction de l'inconstance d'autrui, garde toujours ton cap, vas à Paris acheter tes livres.

     

    Dans la boite ci-joint je te mets les clés et l'adresse du pied à terre d'où je t'écrivais quand j'y étais. Si tu en as besoin, utilises la grosse valise à roulettes qui s'y trouve. Ce n'est pas grave si elle reste chez toi ensuite plusieurs mois.

     

    Ne me renvois pas les clés tes vacances finis, c'est ton trousseau, j'ai le mien. En mars 2016 pour réaliser ton rêve, pour pouvoir aller visiter le salon du livre de Paris tu en auras encore besoin.

     

    Ne t'encombre de rien, à l'appartement il y a tout ce doit tu peux avoir besoin : couvertures, draps, serviettes de bain. Il y a même de quoi te nourrir le premier soir : du riz, des nouilles, des sardines à l'huile.

     

    Cependant une fois sur place, n'y fantasme pas, je  ne viendrai pas te rejoindre dans ton lit. Ils en pensent quoi tes poissons quand ils te voient te désinhiber plus vite qu'ils ne perdent leurs écailles ?

     

    Bonnes vacances Sirène.

    CAT

     

     

    PS :

    On est le 15, j'espère que tu n'as pas annulé ton billet de train. Je n'ai pas pu faire plus vite, je ne suis rentré au hameau que lundi et hier c'était le 14 juillet, un jour mort pour copier des clés ou poster un colis.

     

    La grande clé est celle de la porte de l'appartement. Il se situe au dernier étage. Que tu prennes l'escalier ou l'ascenseur c'est la première porte à droite.

     

    La petite clé c'est pour le code d'entrée. Il change tous les mois je ne le connais pas, aussi, tu utiles la clé. Regarde l'interphone, trouve la ligne Welch-Tchigrenkov. Au côté tu verras une fente. Quand tu auras inséré la clé jusqu'au fond, tu entendras un déclic dans la porte d'entrée.

     


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  • 47

    Châteauneuf-du-Faou

    Le Mercredi 24 juin 2015

     

     

    Cher Cole Alesh,

     

    ( Je finis par ne plus savoir comment te nommer. Mr Tchig, Mr Tchigrenkov, Colerige, Cole Alesh...Ce sera quoi la prochaine fois ? )

     

     

    Mes bestioles inutiles.... Tu veux que j'écrive sur mes bestioles inutiles pour que tu puisses rire de moi. Allons y, je me jette à l'eau. Rigole, sois heureux.

     

    Des bestioles inutiles. Avant j'aurais pu utiliser la même formule mais plus depuis que je vis avec elles. Les poissons de ma vie ne sont pas des êtres inutiles, ce soir j'en ai encore la preuve, aussi, au lieu d'aller au lit, je prends mon bic pour te l'expliquer.

     

    Je rentre du restaurant où j'ai dîné en compagnie de Maxime. Et j'en reviens triste, encore plus, très déçue, et si je creuse encore je tomberai sur un noyau de colère envers elle.

     

    Depuis 6 ans nous posons une semaine de vacances au même moment pour partir ensemble. Cette année, pour notre 6ème voyage nous devions aller à Paris. Nous n'y sommes jamais allées l'une comme l'autre. J'ai 1 rêve "parigo" : Visiter le salon du livre de Paris. Je ne pense pas te l'avoir déjà écrit mais je lis entre 40 et 50 livres par an depuis que je sais lire, donc depuis 40 ans.

    45x40 = 1800 ! Incroyable.

     

    Mon rêve, donc, est de monter au salon du livre, et d'en ramener pour la lecture des 12 mois suivants. Maxime ne lit pas et elle me trouve dingue. Elle dit que je vais transporter en métro puis en train des dizaines de kilos de bouquins que je pourrais acheter via internet où comme d'habitude à Quimper. C'est vrai, mais là ils seront tous dédicacés et puis c'est le côté caverne d'Ali-baba que je veux connaitre.

     

    Maxime  a un  rêve très différent, elle veut voir  le Louvre. Perso je sens que je vais m'y ennuyer. Elle me fait plaisir, je lui fais plaisir : Définition parfaite de l'amitié, selon moi.

     

    Bref après ta montagne l'an passé, pour 2015 ce devait être Paris. Nous avions posé nos vacances sur mars pour cause de dates du salon du livre.

     

    La semaine avant notre départ, la maman de Maxime a été hospitalisée et nous ne sommes pas parties. Elle est morte le 21 mars en plein coeur du salon. Comme dit la chanson "Adieu veaux, vaches, cochons, couvées". Ah ! Pardon tu n'es pas français, tu ne dois donc pas connaître ce refrain. Enfin ça veut dire désolation.

     

    Maxime a réussi à déplacer une de ses semaines de vacances  afin d'avoir la même semaine que moi en Juillet pour monter à Paris comme prévu. Certes le salon du livre ne sera plus,  mais il y a d'immenses librairies sur plusieurs étages à Paris, chose introuvable en Bretagne.

     

    Notre projet était relancé.

     

    Et voilà ce soir elle m'annonce que pour son mari et ses enfants elle serait bien avec moi à Paris mais qu'en réalité elle n'y sera pas. Elle veut  rencontrer son père sans que son mari le sache. Ils vivent encore ensemble mais ils ne passent pas une semaine sans se menacer de divorcer. Cela dure depuis 7 ans au moins.

     

    Je ne sais pas ce qu'elle mijote et je t'avoue que je m'en fous, seul compte pour moi qu'elle me plante une fois encore. Je sais là je suis égoïste. Mais en même temps tu voulais une lettre qui te fasse rire de moi, donc voilà tu es servi.

     

    Pourquoi je te raconte ça alors que tu veux rire de mes bestioles inutiles. Et bien parce que en rentrant du resto j'avais le moral à zéro. Je me suis assise à ma table de couture, j'ai regardé Lee, Lotus et Nankin les 3 de la G5 (génération 5- ils sont nés en juin donc ils viennent d'avoir 2 ans- il n'y a pas de G6) et au bout d'un moment je me suis dit :

    Ils s'en foutent que je n'aille pas à Paris.

     

    Mes poissons ne sont pas inutiles ils sont ma sagesse, ils me rappellent l'essentiel : Le toit ne s'est pas écroulé, leur aqua n'est pas cassé par les poutres tombées. J'ai des sous pour payer l'électricité, (lumière et chauffage). Conclusion ma peine est posée sur un truc sans valeur.

     

    En rentrant du resto, avant de monter chez moi, je me suis arrêtée chez les garçons qui avaient les filles. Il n'y avait que Jérémy, Stoyan bosse de nuit. Il m'a encore plus cassé le moral, Jérémy. "Trahison", "amie qui n'en est pas une", "amie qui se sert de moi", et j'en passe. Jérémy a ajouté son dégoût à ma déprime.

     

    La G5 non. Elle m'a ramené à l'essentiel : je n'ai aucun problème.

     

    Le moral déjà remonté, je me suis encore un peu plus noyer les yeux dans leur aqua et là ma force intérieur m'a fait changer mes plans. Sur ma semaine de vacances, du 19 au 26 juillet je vais creuser. Je vais passer mon temps à faire le trou pour le bassin de mes poissons.

     

    Et j'en viens à ta question : Pourquoi ai-je du parler de mes poissons avec mon patron ?

     

    Je suis secrétaire réceptionniste dans une agence immobilière. Il n'est pas de mon devoir d'aller chez les gens, mais parfois j'y vais. Une fois par exemple j'y suis allée car les propriétaires n'étaient pas là, des travaux avaient été fait en leur absence, nous avions une visite de programmée et mon patron voulait être sur que tout était propre, alors j'y ai fait un saut.  C'était en juillet 1990. Tu vois cela ne date pas d'hier.

     

    Donc j'y vais et sur la télé, je vois un bocal vert. Tu sais les TV d'autrefois, les TV cubique super lourde. Le bocal vert c'est une bulle qui doit pouvoir contenir 3 ou 4 litres. L'eau y était verte, super verte. Je trouve ça horrible, donc je l'emporte dans la cuisine et je vide l'eau dans l'évier, et là horreur 2 poissons tombent dans l'évier en même temps que l'eau verte. Ce sont des poissons rouges. 1 poisson rouge classique vivant et 1 poisson rouge voile mort et déjà enveloppé d'un halo de moisissure. Une vraie horreur. Je ne les avais pas vu, c'est dire l'épaisseur des algues. Je ne sais pas ce que tu aurais fait à ma place, Je crois que j'aime mieux ne pas le savoir, mais moi j'ai volé le vivant. Cyprin.

     

    Entre la maison et le retour à l'agence, je suis passée dans un magasin, j'ai acheté le premier aquarium qui m'a semblé bien et aussi j'ai pris Koa pour nouveau compagnon de Cyprin.

     

    Voilà comment je me  suis retrouvée avec Cyprin et Koa les poissons  fondateurs et mon aquarium de 180 litres. Celui là même où aujourd'hui vivent la G5. Et oui mon aqua a 25 ans ! Que le temps passe !

     

    Les premiers jours j'ai fait toutes les erreurs à ne pas faire, bien sûr, mais j'ai acheté des livres sur l'aquariophilie (il n'y avait pas internet comme maintenant) et je suis devenue  relativement "pro".

     

    Mes poissons ont grandi. Mon appartement aussi.

     

    J'ai déménagé sans déménager. Je t'explique. A l'origine j'étais locataire de l'appartement du 2ème, à droite. En septembre 1997 j'ai acheté mon appart plus celui de gauche pour n'en faire qu'un seul. Je suis passée, ou plutôt, il est passé de 49m² à 86m². Mon prêt coure sur 22 ans. Il me reste donc 2 mois et 4 ans. Oui je compte les mois. La fête que je vais faire en août 2019 !!! Je ne te raconte pas !!!! Tiens, d'ailleurs, je t'invite. Et si tu ne viens pas, je descendrai avec le reste des bouteilles à la Gittaz. Tu n'as pas le choix, il faut que tu sois là. Tu as 2 mois et 4 ans pour t'organiser, donc aucune excuse ne sera possible.

     

    L'aquarium 180 litres est resté dans la partie première,  j'ai acheté un 450L pour les fondateurs qui avaient bien grandi et je l'ai mis dans la seconde partie de mon appart. Je m'en souviens encore. Le jour de noël 1997 je les ai déménagé. Ils avaient 7 ans de vie avec moi. Le 180 ne s'est pas retrouvé vide, non, dedans est resté la G1, en effet Shan  était né. Il avait eu des frères et des sœurs mais les parents les ont mangé. En déménageant les parents je lui ai sauvé la vie. Pour qu'il ne vive pas seul, j'ai adopté Qilian le lendemain de noël.

     

    Le temps passe encore, tout le monde grandi, et d'autres bébés servent de nourritures. Un aqua de 450 L pour 2 poissons rouges adultes c'est petit. 450 L ce n'est que 1m50 de long. Cyprin et Koa mesuraient déjà leur 25cm. Il me fallait plus grand mais chez moi ce n'est pas possible. J'habite au second et surtout il me semble te l'avoir écrit, ma porte d'entrée est au premier, elle ouvre sur un escalier. Un  aquarium de 800 L (ce que je voulais) mesure 2 m de long et 60 cm de large. Il ne passe pas l'escalier. Impossible de le monter chez moi. Et puis j'ai eu aussi peur que le poids (avec le sable et les pierres de décoration on obtient près de 1000 kilos) ne puisse être supporté par le plancher qui en a déjà aussi sur le dos si je puis dire. Sans ça, je l'aurai fait coller dans l'appartement, et je l'aurais eu à domicile mon 800L.

     

    A l'époque, c'est con je sais, jamais je n'ai eu l'idée du bassin dans le jardin. C'en est vraiment incroyable.

     

    Je le voulais mon 800 et je ne pouvais pas le mettre chez moi. Je te jure que je me suis torturée avec ça. Et puis BINGO j'ai ma solution. L'agence où je bosse. Je suis donc allée voir mon patron. Et je lui ai montré mes dessins (je dessine assez bien). J'avais réaménagé l'agence, et derrière mon dos au lieu d'avoir Chantal (qui n'est plus là maintenant) il y avait entre mon bureau d'accueil et le sien, un aquarium de 2 m de long. Une merveille avec Cyprin et Koa.

     

    Évidemment il a dit non. Je ne suis que bretonne d'adoption mais je suis bornée autant qu'eux. Je n'ai pas lâché. J'ai converti un à un mes collègues. J'ai même, enfin bon, quel sale con ce Jean Baptiste. Je suis bien contente qu'il ne soit plus là. Enfin oublions. Tous les collègues et aussi mon patron et sa femme sont venus à la maison voir comme un aquarium de poissons rouges ce peut être beau. Parce que les gens savent les aquariums plantés avec les petits poissons exotiques mais les poissons rouges sont gros et leur aqua n'est pas planté vu qu'ils mangent tout.

     

    L'essentiel est que au final j'ai mon 800 à l'agence. Depuis l'an 2000.

     

    Mon patron va partir en retraite en 2018, je ne sais pas qui le remplacera mais il est sur que l'électricité et l'eau que consomment les poissons risquent de ne pas plaire à son remplaçant, aussi je vais creuser un bassin dans ma pelouse  et je vais les ramener chez moi. Aujourd'hui ce sont Qilian 18 ans, Pekin et Xian 14 ans + Chine de la G3 qui a 9 ans qui y vivent.

     

    J'avais prévu que 2016 allait être l'année de leur bassin, et bien non, ce sera dès le mois prochain que je commencerai les travaux. Ils vivront dans un super truc. En fait l'idée est de passer mes 12 poissons dans le bassin.

     

    Il y a une loi qui dit : 10 litres par centimètre de poisson adulte. Cela donne 10 litres x 25cm x 12 poissons. Autrement dit 250l par poisson.

    Il me faut creuser un bassin de 3000 litres minimum.

     

    J'ai déjà tout dessiné, tout prévu. Déjà il faut une profondeur supérieur à 1 m pour les jours de grand gèle. Les poissons doivent pouvoir nager sous la glace. Et puis j'ai aussi le problème de la terre. Je la mets où la terre que je vais enlever ? J'ai résolu le problème en faisant un bassin semi enterré seulement. La terre enlevée sera utilisée pour la hauteur au dessus du niveau du sol. J'espère que tu me suis, je n'en suis pas sûre.

     

    Je vais construire (ok Jérémy et Stoyan - surtout Jérémy d'ailleurs) un mur d'enceinte de 60 cm de hauteur. La profondeur totale sera 1m20 mais pas sur toute la surface, il va y avoir des paliers. Je pars d'un rectangle de 3m sur 2 avec la profondeur de 1.2. Là on a déjà plus de 7000 litres. Avec le dénivelé, ce sera bon, j'aurai largement mes 3000, voir les 4000 et donc la G6 sera la bienvenue.

     

    Tu n'as rien compris je n'en doute pas, mais je ne vais pas recommencer, il est tard, enfin tôt.

     

    L'aqua de l'agence deviendra un terrarium pour plantes vertes et dans mes 180 et 450 j'ai envie d'une nouvelle aventure, j'ai envie d'avoir des hippocampes donc faire des aquariums d'eau de mer.

     

    Voilà tu sais tout de mes petites bestioles inutiles qui sont mes amis depuis 25 ans. Juillet 1990 - Juin 2015. Que le temps passe !

     

    Les poissons me permettent de regarder le monde autrement que centrée sur mon unique nombril. C'est important.

     

     

    Comme tu l'as voulu je ne t'ai parlé que de mes bestioles bien utiles à mon moral, mais il faudra un jour revenir sur tes mots. J'espère qu'un jour tu le voudras bien.

     

    Je t'embrasse Cole.

    (On est jeudi maintenant, il est + que tant que j'aille au lit. Je ne devrais pas écrire ça tu vas croire que c'est une invitation à venir sous mes draps).

     

    Une Mickaelle qui a les yeux qui se ferment. Pardon pour les fautes d'orthographes que je ne vois plus. Une vieille fille qui file au lit en pensant à toi.


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  • 46

    Mickaelle,

     

    Je ne m'attendais pas à être projeté dans mon passé en lisant le tien.

     

    Un élément me dérange bien plus que je ne voudrais me l'avouer dans tes mots. Tu écris à plusieurs reprises, de diverses façons, ta désolation de l'absence de volonté de ta mère de te vouloir à nouveau à son côté. Jamais je n'avais songé à la mienne en ces termes. Non, pas une fois, je ne me suis interrogé sur sa non volonté de vouloir de moi. C'est un peu comme si toute mon enfance, je l'avais considérée aussi impuissante que moi. Nous étions séparés sur la décision d'un être supérieur et nous devions l'accepter. Pas une fois je ne me suis demandé pourquoi elle ne venait pas me chercher. Contrairement à la majorité de mes compagnons d'infortune, j'avais une mère, certes je ne la voyais jamais, jamais non plus elle ne m'envoyais une lettre, voir un colis, mais elle était en vie. Il faut croire que cela me suffisait. J'avais une mère invisible, mais une mère qu'on me jalousait. Tant n'avait plus personne. Mère morte et  père inconnu était la norme. Moi j'avais les deux. J'étais privilégié puisqu'in-adoptable.

     

    Dans un orphelinat l'adoption est bien plus redoutée qu'espérée. Elle est un peu comme la mort dans un hôpital. Il est erreur de croire que les enfants sous les draps à l'extinction des feux, prient Dieu pour qu'une famille aimante enfin pose les yeux sur lui. Il faut avoir connu l'amour pour le désirer encore. Les veilles de rencontres, les enfants désignés potentiels élus suppliaient les Dieux et leur cohorte ne passer inaperçus. On en a trop vu partis en famille d'accueil revenir en lambeaux suite à des mois d'une vie d'esclave, de souffre-douleur.

     

    Qu'était être heureux ? Les chanceux ne revenaient pas nous le raconter, aussi on les imaginait comme tu le notes "condamné à perpétuité". Le bonheur ne se trouve pas entre les quatre murs d'un orphelinat, mais il y règne une force de protection, on peut y oublier la peur, vivre sans réelle armure. Oui les enfants peuvent être cruels entre eux, mais cette cruauté n'égalera jamais le vice de l'adulte.

     

    Ton texte sur ta mère m'invite à me demander pourquoi cela me suffisait. La savoir en vie, j'entends. Car je dois le reconnaitre, contrairement à toi, je ne l'espérais pas. Il m'est arrivé de songer à mon père, à rêver qu'il ouvre la porte, me tend la main dans un "viens" ferme et sans équivoque, une ordonnance aussi viril qu'héroïque. Ma mère comme moi je la voyais victime impuissante, comme sous le statut d'un mineur.

     

    Mickaelle tu produis des effets gênants sur moi.Très gênants.

     

    Je me suis surpris suite à ton histoire à me questionner sur ses sentiments et j'ai été horrifié d'en arriver à me dire que peut-être mon enfermement sur la décision de son père l'arrangeait bien. Ou au moins, ne la dérangeait pas. Cette idée est tout simplement effroyable. Un fils songeant sa mère heureuse de le savoir loin d'elle, c'est terrifiant.

     

    Mickaelle à distance tu parviens à me faire me détester.

     

    Ma soeur comme tu le sais maintenant se nomme Alexandra. Elle porte le prénom de mon père. Alesh. Dans les bras de Govan Sibeko, son amant sud africain ma mère pensait encore assez à mon père pour nommer leur fille comme lui. Ma mère aimait mon père autant que mon père l'aimait, le doute n'est pas possible.

     

    Mais moi ? Moi le fruit de leur amour, moi l'union de leurs deux êtres, qu'étais-je pour elle ?

     

    Pourquoi m'avoir nommé Colerige ? Certes comme tout russe je porte en second prénom celui de mon père. Colerige Aleshandrovich Tchigrenkov. Mais pourquoi Colerige ? Les lettres de mon père ne m'éclairent pas. Il m'y nomme Cole. Simplement Cole pour m'évoquer. Dans une de tes lettres et cela m'a surpris, tu notes que mon prénom est américain. Je n'en suis pas aussi affirmatif que toi. Au USA il y a des Coleridges mais c'est un nom de famille non un prénom.

     

    A cause de toi j'en suis venu à me demander à qui pensait ma mère quand elle fut enceinte de moi ? Si elle est capable de tromper son mari, de nommer la fille qu'elle a de son amant d'un prénom qui renvoie à son amour passé, pourquoi ne pas émettre l'hypothèse qu'elle me prénomma en souvenir d'un Mr Coleridge qu'elle connu à Jefferson city ? Ma mère aimait-elle vraiment mon père aussi fortement qu'il l'aimait ? Le doute s'installe.

     

    Mickaelle tu m'amènes à me questionner sur des points peu réjouissants, je ne t'en flatte pas. Ou alors admiration ! J'en reviens toujours au même constat : Tu provoques en moi des effets gênants.

     

    Mon père dans ses lettres, questionnait ma mère sur mon évolution. Il me croyait avec elle. Je suis heureux qu'il soit mort sans jamais avoir su la vérité. Elle de son côté le savait au goulag, elle n'ignorerais donc pas que je grandissais sans mes parents. Me savait-elle à l'orphelinat ou lui avait-on raconté que j'étais dans une famille ?

     

    En Afrique du sud elle pensait à mon père puisqu'elle a nommé la fille qu'elle a eu avec son amant, comme lui. Mais à moi, avait-elle des petites pensées pour moi ? S'inquiétait-elle pour moi ?

     

    Avant toi Mickaelle, jamais je ne m'étais posé de telles questions. Je la savais vivante, j'avais tant de change en comparaison aux autres enfants. Je la savais rentrée au État Unis, son pays de naissance, comme je savais mon père au goulag coupable d'avoir couché avec une américaine. A l'orphelinat j'étais Alesh pour tout le monde. Mon prénom américain n'apparaissait que sur les dossiers. Selon la direction cette décision portait la marque d'une volonté de protection. J'étais Alesh Tchigrenkov, c'était suffisant.

     

    Je te présente toutes mes excuses Mickaelle, je ne parviens pas à entrer en contact avec la petite fille que tu fus, ta lettre m'a conduite dans des troubles dérangeants.

     

    Je vais m'absenter du hameau quelques jours. A mon retour j'espère trouvé dans ma boite aux lettres la réponse à une énigme : Pourquoi tu as parlé de tes poissons à ton patron. Dans ta toute première lettre tu as écrits que m'écrire t'était plus difficile que de parler de Koa et Cyprin à ton patron. Vu tes écrits derniers, j'en déduis qu'ils sont des poissons. Mais pourquoi diable abordes-tu le sujet de tes poissons de bocal avec ton patron ?

     

    Nos vies ne peuvent plus être parallèle. Je n'ai pas de bestioles inutiles chez moi. Le sujet des poissons est sans danger. tu peux noircir des pages, à loisir.

     

    Offre moi une lettre pleine de bonne humeur et de plaisir débordant. Eclabousse moi de l'eau de ton bocal. Sors moi de la torpeur dans laquelle tu m'as noyée mademoiselle Peste.

     

    Cole Alesh.

    La Gittaz, le vendredi 19 juin 2015.


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