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    Châteauneuf-du-Faou

    Lundi 12 Octobre 15.

     

    Cole,

     

    Alors que ma lettre d'hier roule vers toi, me revoilà. Chose promise chose due. Ce n'est pas une corvée, c'est du bonheur.

     

     

    J'ai installé mon bloc, et mon verre à ma table de couture. Avant de m'asseoir,  j'ai jeté un œil par le vélux et j'ai vu Stoyan dans le jardin à l'endroit où doit être creusé le bassin. La tournure que prennent les choses me désolent, aussi, avant d'être toute à toi, je suis descendue le voir.

     

    Tu me vois Cole comme une personne qui manipule les gens. Jamais on ne me l'avait dit, jamais je ne m'étais imaginée ainsi, mais je finis par me dire que tu dois avoir raison et c'est affreux.

     

    Je t'ai déjà dit, il me semble, habiter au second, que Stoyan et Jérémy occupent le premier, mais je ne crois pas t'avoir parler de madame Tillyou qui loge au rez-de-chaussée et qui était l'unique propriétaire du bâtiment.

     

    A l'origine au niveau de la rue il y avait le salon de coiffure des Tillyou et sur les deux niveaux était leur logement. Suite au départ de leurs deux filles au Canada, ils ont transformé l'étage sous les combles en deux appartements, soit les deux que j'ai acheté. Il me semble d'avoir écrit que j'ai commencé par louer l'appartement de droite. Je vis au 13 rue de l'Aulne depuis début mai 1990. 25 ans ! J'avais 25 ans, le calcul est vite fait, j'y vis depuis la moitié de ma vie.

     

    A la mort de son mari, Madame Tillyou a fait le choix de fermer son salon de coiffure qui était vraiment vieillot. Elle s'est installée au rez-de-chaussée, et a fait construire  deux appartements au premier. Cela lui faisait trois appartements en plus du mien. Majoritairement ils restaient vides et quand ils étaient occupés les problèmes commençaient. Elle n'a jamais eu de chance avec ses locataires. Jusqu'à l'arrivée de Jérémy en 1996. Pourtant il avait une sale tête celui-là quand il est arrivé ! Et la maigreur ! 57 kg pour 1m76. Depuis, il a pris des rides mais pas un gramme.

     

    Souvent, elle et moi nous évoquions l'avenir, elle ne voulait pas que je parte. je lui tenais compagnie. J'étais un peu sa troisième fille, elle était un peu la grande-mère que je n'avais pas eu. Elle voulait que je la rassure, mais je suis de nature franche aussi je lui répondais que je ne savais pas. Que sait-on de son avenir à 25 ou 26 voir 27 ans ? J'avais l'espérance qu'un prince charmant viendrait m'enlever et j'étais convaincue que la Terre n'en portait aucun, en tout cas pas pour moi. J'avais été mariée, une mini lueur d'espoir d'une autre bague au doigt vivotait au fin fond de moi... Dans la vase de l'aquarium qui n'a pas de vase.

     

    Ce qui me dérangeait  dans l'idée de demeurer toujours dans mon appartement, c'était qu'il n'avait pas de  balcon. Vivre dans 49m² ne me déplaisait pas, mais pas de balcon, ça c'est dur pour une ex enfant qui a grandie dans une maison avec jardin. J'avais juste besoin d'un carré pour poser une chaise où je puisse lire au soleil, et d'un second pour étendre mon linge même si j'ai un sèche-linge maintenant.

     

    Au fil du temps l'idée d'avoir tout l'étage m'est venu, alors je la taquinais, je lui disais d'enlever la cuisine de l'un, la salle de bain de l'autre et de poser une porte au bas de l'escalier. Je voyais mon balcon parfaitement, il fallait juste couper la toiture. Pauvre Madame Tillyou, elle me souriait mais je la paniquais, surtout que je divaguais tout haut. Il faut dire que mes idées, mes dessins évoluaient. J'ai au moins déplacé la cuisine douze fois et le balcon passait d'un appartement à l'autre au grès de mes délires. Parfois je la faisais monter pour qu'elle visualise mieux mes idées. Elle ne voulait pas investir. Nous parlions de l'étage un peu comme nous aurions inventé le voyage idéal sans jamais avoir l'idée de le concrétiser.

     

    C'est Jérémy qui m'a fait passer du rêve à la réalité.

     

    Jérémy  lui a demandé de vendre. C'est fou mais pas une fois je n'avais songé à devenir propriétaire, un peu comme si seuls les couples peuvent acheter, accéder aux crédits. Jérémy, lui, voulait acheter dès le début. Quand il est arrivé dans l'immeuble, il était sans espoir d'avenir. Il venait d'affronter sa famille en lui imposant son homosexualité. Il se croyait alors avec l'homme de sa vie. Ce fut une totale catastrophe. Sa famille l'a rejeté et son amant est parti. Alors le pauvre Jérémy s'imaginait un avenir vide bien que n'ayant encore que 23 ans. Il a 8 ans de moins que moi et 12 de moins que Stoyan. Il avait son CDI. La seule ambition qui lui restait était de devenir propriétaire.

     

    Ce fut suite à un locataire furtif mais destructeur que Madame Tillyou a prit Jérémy au mot. Pauvre Madame Tillyou quand elle a vu l'état de l'appartement !!! C'est là aussi que Jérémy m'a proposé d'acheter tout l'étage. Nous nous sommes soutenus, nous avons fait les démarches ensemble. On s'entendait vraiment bien tous les trois. Je ne sais pas pourquoi je mets cette phrase au passé, c'est encore le cas. J'espère.

     

    L'année 1997 fut un peu magique. 

     

    La suite, tu la connais,  Stoyan a acheté l'appartement collé à celui de Jérémy et ils ont abattu une cloison pour unir les deux appartements.

     

    Focalisé sur les logements, moi en plus sur mon futur balcon (que j'ai - il donne coté rue et sur le coté. Oui il est en forme de L ), nous n'avons pas songé au jardin. C'est un rectangle profond de la largeur de l'immeuble.

     

    Madame Tillyou en est l'unique propriétaire, mais tout le monde peut y aller. On vit un peu comme en famille. Comprend, elle n'a plus de famille, moi je n'en ai jamais eu, Stoyan a la sienne en Bulgarie et Jérémy est interdit de séjour chez ses parents, ses frères et soeur, ses oncles et tantes car homo. Bref on est un peu comme une maman avec sa fille et ses deux fils sauf que les deux fils couchent ensemble.

     

    On se fait des repas pour parler du jardin, ce que l'on va y semer, pour savoir qui va passer la tondeuse, tu vois des choses comme ça. Quand on débarque tous les quatre au magasin vert, je te jure c'est du pur bonheur.

     

    Tu commences à voir où je veux en venir. Moi la manipulatrice.

     

    J'ai fait avec eux ce que j'ai fait avec mon patron : je les ai baratiné pour qu'ils finissent par penser comme moi, que ce serait super d'avoir un bassin avec des poissons au fond du jardin.

     

    J'ai déjà imposé Ayatt et Kaume. C'est pour ça tu vois qu'elles sont mes filles sans l'être vraiment, car elles vivent dans l'immeuble. A ma porte d'entrée comme à celle de Stoyan il y a une chatière. Je te rappelle ou t'informe si ce n'était déjà fait qu'elles sont des teckels à poils longs donc plus petites que des chats. Il y en a aussi une sur la porte qui mène au jardin. Pour aller chez Madame Tillyou elles passent par sa baie vitrée, coté jardin. Leurs laisses sont à un clou dans le couloir, contre ma porte d'entrée, comme ça si quelqu'un est parti avec elles tout le monde le sait. Tu vois on fonctionne comme ça. C'est familial.

     

    Jamais je n'avais songé que j'utilisais les gens, je pensais qu'ils étaient heureux que les filles passent du temps avec eux, mais tu as surement raison, j'utilise les gens, car oui c'est bien pratique de ne pas devoir m'occuper des filles à 100%. La preuve, j'ai pu monter à Paris comme si elles n'existaient pas. Et je n'ai pas donné un sac de croquettes aux garçons, non, il y a des années qu'ils notent croquettes sur leur liste de course comme moi. Il n'y a que les frais vétérinaires qui ne sont payés que par moi, mais souvent c'est Stoyan qui les emmène au cabinet.

     

    Plus je me regarde comme tu me vois, plus je me trouve moche.

     

    Donc pour le bassin, j'ai converti tout le monde, et maintenant je suis la seule qui n'en veut pas.

     

    Tu comprends, mes poissons je les vois tous les jours, il y a juste une vitre entre eux et moi, donc je les vois. Je sais leur style, leur préférence. Chaque poisson a une personnalité, des relations bien différenciées avec les autres. La vitre me permet de savoir tout ça. Je les connais bien mes poissons, pas un ne ressemble à un second.

     

    Si ils vont dans le bassin, je ne les verrais plus, et puis ils vont avoir froid. Ils sont dans une eau chauffée depuis toujours, tous les jours, là ils vont devoir affronter les saisons. J'ai passé des heures sur internet, certains vont mourir. Certains vont s'acclimater mais certains vont mourir.  Tous les aquariophiles le disent. Passer des poissons d'aqua en poubellarium ou en bassin induit un taux de mortalité élevé. Je ne peux pas les mettre dans un bassin.

     

    En 2018 le 800 litres de l'agence devra être vidé, ça ok je l'ai bien intégré mais ce n'est pas pour ça qu'il faut faire n'importe quoi. Oui l'idéal est un 3 000 litres et non je n'ai nul part où le construire, donc il me faut un bassin. Mais ils vont y mourir. Ou alors il faut couvrir le bassin pour le chauffer comme une piscine, mais là nous ne sommes plus sur le même budget.

     

    J'ai converti tout le monde. On en a fait des repas dehors cet été durant lesquels mes planches à dessins passaient de l'un à l'autre. Parfois je me faisais l'impression d'être une conférencière. Et je te jure j'aimais ça en plus.

     

    J'exposais tous les avantages, j'avais un budget prévisionnel, je cassais tous les contre-arguments. Pire qu'un politique, j'étais pire qu'un politique qui veut que l'on vote pour lui.

     

    Au début personne n'en voulait de mon bassin. Alors j'ai fait passer les poissons au second plan et j'ai ajouté sur mes planches ce que je savais pouvoir plaire. A force de les côtoyer je finis par les connaitre par coeur les gens de l'immeuble. Madame Tillyou est une amoureuse des plantes, je l'ai gavé de vidéos sur youtube présentant des bassins avec des nénuphars. Jérémy aime le silence de la nuit, j'ai intégré dans le muret des lumières et un jet d'eau, une cascade. Et Stoyan, lui c'était le plus facile, il rêve d'une moto. Pour protéger la décante, le système électrique il va falloir une construction en dure et couverte, si on la fait un peu trop grande, une moto pourrait y entrer.

     

    Pour moi ce n'était pas de la manipulation, c'était faire un projet commun, offrir du bonheur à tous, mais c'est toi qui as raison, je ne suis qu'une manipulatrice prête à tous pour obtenir ce que je veux.

     

    Maintenant Madame Tillyou rêve de ses nénuphars, Jérémy veut construire le muret, la cascade, avoir son jet d'eau éclairé la nuit. Et Stoyan s'est remis à chercher sa moto. Il a même rencontré un banquier pour savoir si il pouvait obtenir un prêt pour l'acheter.

    Oh l'horreur !

     

    Nous n'avons pas de garage, nos voitures restent dans la rue. Avec Jérémy il loue déjà un espace pour leur camping-car, il n'a pas les moyens de s'offrir un garage pour sa future moto, mais si il y avait un chalet dans le jardin, là ça changerait tout. Madame Tillyou avait refusé il y a quelque année qu'une partie du jardin soit transformée en espace de rangement.  Les poubelles comme les vélos sont dans le couloir qui nous permet de passer de la rue au jardin. C'est sur que ton halle d'entrée  à Paris, et notre couloir poubelles !!! Zéro comparatif possible.

     

    L'escalier pour accéder aux étages est extérieur, coté jardin. Dessous il y a la tondeuse. Pour avoir ses nénuphars  Madame Tillyou est d'accord pour le chalet. Si tu avais vu le bonheur sur le visage de Stoyan quand je lui ai dit que nous aurions le chalet. Il m'a décollée du sol, m'a fait tournée dans les airs comme si je n'étais qu'un poids plume. Dieu qu'il était heureux. A ce moment là, non je ne me pensais pas manipulatrice, j'avais le sentiment d'avoir bosser pour lui offrir du bonheur. Oui du bonheur collé au mien, mais je ne voyais pas où était le mal.

     

    Quand sur la semaine dernière je leur ai dit que 2018 était très loin, que Qilian avait déjà 18ans, Pekin et Xian 14, qu'il était prématuré de songer à creuser le bassin, je te jure que pour la première fois j'ai eu le sentiment qu'autour de la table tout le monde me haïssait. Adieu moto, jet d'eau et nénuphars. Tu as raison je ne suis qu'une horrible manipulatrice.

     

    Ce soir je suis allée parler avec Stoyan. Jamais il n'a été aussi fermé avec moi. Tu as raison Cole je ne suis qu'une manipulatrice. Et je le suis depuis très longtemps. Oui je l'ai toujours été.

     

    Tu veux que je te parle de mon mari. Tu vas être écœuré par mon comportement.

     

    Tu vois quand j'ai lu tes mots m'accusant d'utiliser les gens, je t'ai trouvé profondément injuste, mais vas savoir pourquoi, comme tu es sur un piédestal tout ce qui vient de toi a beaucoup de poids pour moi, aussi ensuite j'ai cogité et j’ai essayé de comprendre ce qui avait pu t'avoir amener à me voir de la sorte.

     

    Si tu ne m'avais pas accusée de manipulation je t'aurais tourné l'histoire de mon mariage comme je l'ai toujours tournée, mais depuis toi, c'est fou mais je vois mon passé autrement. Tu m'as même donné envie de recontacter mon ex mari pour savoir comment il a vécu notre mariage. Je ne le ferais pas, il m'a subi assez comme ça.

     

    Je ne suis qu'une peste qui manipule les gens. Ce qui est le plus terrible c'est que je me dis que si je me retrouvais à mes 18 ans, je referais pareil. Pourrie jusqu'à la moelle !!!

     

    Bref voici mon mariage dans la nouvelle version , version où je ne suis plus une pauvre victime mais une belle Salope. Disons les mots.

     

    Tout commence le jour de mes 18 ans. Le 22 avril. Tu es né le 11 avril 65, moi le 11+11 avril 65 !!!! C'est dingue je trouve.

     

    Bref, je t'oublie puisque le jour de mes 18 ans je ne savais pas que tu avais les tiens depuis 11 jours.

     

    Donc c'est mon anniversaire. La cantinière que je dois nommée Tutrice depuis 13 ans m'a fait un gâteau la veille à la cantine de l'école, je le sais car c'est moi qui est vidé ses seaux dans le réfrigérateur. Je ne sais même plus ce qu'il était, mais je peux tout de même affirmer qu'il devait être simple mais bon. Je ne me souviens pas plus si j'en ai seulement mangé.

     

    Elle n'était pas du genre à faire les choses en grand mais je savais que j'allais  trouver un petit cadeau non enveloppé dans mon assiette ou sur ma chaise si il était un peu trop volumineux. Elle offrait toujours des trucs utiles  chaussures, savon qui sent bon, pyjama, cahiers, classeurs...

     

    J'arrive donc à table le soir et je vais à ma place : rien. Le gâteau est sur la table, mais pas de cadeau. Bizarre. je m'assieds,  j'attends.

     

    Elle a un tablier avec une poche kangourou. Inoubliable.

     

    Elle reste debout, appuyée contre le buffet et elle sort de sa poche une feuille qu'elle balance sur la table en me disant  un chiffre. Je regarde la feuille, c'est son relevé de compte bancaire. Évidemment je ne comprends pas. Comme elle venait d'articuler un chiffre, je l'ai cherché. Il y avait un versement de ce montant. Sur des années je l'ai su par cœur ce montant, mais ce soir je suis incapable de m'en souvenir. Pourtant c'est ce que je valait pour mes parents.

     

    Quand j'ai relevé la tête elle m'a craché d'un trait, qu'elle percevait cette somme depuis le premier mois où je vivais chez elle.  Et que là c'était le dernier. Pendant treize ans elle m'avait gardée chez elle parce qu'elle était payée pour me loger / nourrir / blanchir comme on dit. Le contrat stoppait le mois de mes 18 ans, donc voilà c'était fini. Bon anniversaire Mickaelle.

     

    Elle m'a crachée cette abomination au visage et comme si cela ne suffisait pas, elle s'est jouée grande dame, grand coeur. Elle m'a dit sur le même ton, qu'au début mai elle n'aura pas un centime alors que je coute chère. Je devais en conséquence m'en aller. Mais, Oh divine femme !!! Mais elle m'offrait un  cadeau d'anniversaire. J'avais une pension gratuite sur mai et juin. Le premier juillet si je n'étais toujours pas partie, elle me mettrais à la porte car il ne fallait pas abuser de sa générosité. Treize années à vivre avec une gamine qui avait tué son frère lui avait créé beaucoup de désagrément, elle avait perdu des amies à cause de moi. Elle m'offrait deux mois pour m'organiser. Selon elle c'était bien plus qu'il ne m'en fallait.

     

     

    J'étais en première année de BTS  sur Limoges, je ne pensais à rien, je ne songeais pas à mon avenir. Ma vie c'était les cours que j'aimais, les livres que je dévorais les uns à la suite des autres, et ma couture. La cantinière était une super couturière, elle m'a appris tout ce qu'elle savait.  Nos deux mondes ne se rencontraient que dans la sphère de la couture.

     

    Du jour au lendemain je devais quitter l'école (j'étais 3ème de ma classe avec plus de 15/20 de moyenne générale) je devais déménager, je devais trouver un emploi. Pour moi c'était pire que de devoir me suicider. Si le médecin m'avait annoncée une tumeur au cerveau qui allait me tuer dans le trimestre, j'aurais moins paniqué.

     

    Depuis mes cinq ans, j'avais passé mes jours noyée dans les livres pour ne pas vivre ma vie. J'étais juste une toute petite fille qui attendait que sa maman vienne la chercher, qui ne comprenait pas pourquoi on l'accusait du meurtre de son frère alors qu'elle ne s'en souvenait pas. Ma vie était trop lourde à porter, alors je passais mes jours à la fuir, et j'y arrivais bien. Je n'étais que concentration sur tout ce qui n'était pas moi. Tu vois le tableau Cole.

     

    Comment aller se vendre à une entreprise ? Comment convaincre une entreprise de m'embaucher pour un job que je n'ai jamais rêvé, et pour lequel je ne suis pas qualifiée?

     

    Plus tard dans la soirée, je me suis retrouvée dans ma chambre avec le sentiment d'être au bord d'un gouffre et que le sol s'émiettait sous mes pieds, que ce n'était qu'une question de secondes avant que je ne tombe.

     

    Je ne sais ni comment ni pourquoi mais ce que je peux te dire, Colerige Alesh,  c'est que je devins alors obsédée mais vraiment obsédée par Lionel. Pas par le prénom, non, par le mec Lionel, le fils du garagiste de Panazol, un mec de 2 années mon aîné, un crétin qui m'avait toujours chahuté à l'école de la maternelle à notre Cinquième. En six et cinq on était dans la même classe grâce à ses 2 redoublements.

     

    L'enfer. Ce mec était mon enfer à lui tout seul. Il touchait toujours mes cheveux, il me bousculait dans les couloirs, la cours, la rue. Il avait toute une liste de formules qui devaient me charmer et qui ne m'inspirait que l'envie de rentrer sous terre. Dès ses douze treize ans, il voulait m'embrasser, parfois il y parvenait, il me coinçait ce con. Ensuite tout heureux d'y être parvenu il partait dans un fou rire. Mille fois j'ai eu envie de le tuer ce crétin je te jure.

     

    Aujourd'hui plus d'une mère dirait que j'étais une enfant harcelée. Aujourd'hui mais pas alors, déjà parce que je n'avais pas de mère pour me protéger et ensuite parce qu'à l'époque les gosses on s'en foutait tant qu'ils ne dérangeaient pas les adultes. La cantinière aurait hurlé si il avait déchiré mes vêtements. Il posait sa bouche sans lèvres sur ma joue, ridicule bagatelle pour elle, abomination pour moi.

     

    Il me sortait par les yeux ce mec.

     

    Après sa cinquième il est parti en CAP mécanicien, on s'est donc moins vu mais il ne m'a pas lâchée. Panazol ce n'était pas grand dans les années 70, 80.

     

    Un jour, je ne sais pas pourquoi je lui ai répondu que je ne l'épouserai que si il avait une fuego. C'est une voiture de la marque Renault. Je ne sais pas pourquoi je lui avais sorti une débilité pareil mais je l'ai fait. Il avait pris ma boutade au sérieux ce crétin, aussi  quelques mois après ses 18 ans, son permis de conduire en poche, il est apparu devant moi, devant la grille de mon école, au volant de sa fuego. La honte ! Ce que j'exécrais ce mec !

     

    Et là le soir de mes 18 ans, alors que le sol se dérobe sous mes pieds, je suis obsédée par Lionel. Tu vois pour prendre une métaphore, c'était un peu comme si tu es assis sur un mini rebord de falaise, qu'au moindre mouvement tu sais que tu vas tomber et là juste au dessus de toi tu découvres une corde à nœuds, mieux, une échelle en corde. Alors tu te dis, soit tu ne fais rien et tu vas tomber à plus ou moins court terme, à cause du vent, du sol qui s’effrite, soit tu tentes le tout pour le tout et tu te redresses pour saisir la corde. Ok elle est peut-être pourrie, elle peut ne mener nul part mais, mourir pour mourir autant mourir après avoir essayer de survivre. Se donner les moyens de n'arriver à rien.

     

    Colerige mille excuses mais je vais m'arrêter là pour ce soir. Si je veux te raconter mon mariage, je ne serais pas couchée avant deux heures du matin. Je ne peux pas me permettre de veiller si tard. Donc je vais procéder comme hier. Je stoppe là, je poste demain matin cette lettre et demain soir je t'écris la suite.

     

    Roman feuilleton de la vie d'une lamentable manipulatrice. Quand tu seras arrivé à cette ligne, je pense que tu ne seras plus que regret de m'avoir invitée à remettre des timbres sur mes lettres. Au moins tu sauras pourquoi tu ne veux plus de moi. Quelle bêtise tu as fait de t'amuser à me prétendre ta femme au près de ta concierge. Tu dois maintenant bien t'en mordre les doigts.

     

    A demain,

    Mickaelle.

     


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  • 55

    Châteauneuf-du-Faou

    Le 11 Octobre 2015.

     

    Colerige Alesh,

     

    Je n'ai jamais cessé de t'écrire. J'ai juste cessé de poster les pages que je t'écris. Je ne  parviens pas à les finir. Et j'omets toutes celles que je ne suis même pas parvenue à commencer.

     

    Je suis navrée. Sincèrement, profondément navrée. Toute à ma guerre intérieure, au conflit entre ma volonté de répondre à ta question légitime et mon refus catégorique de m'ouvrir à toi, pas une seconde je n'ai songé au silence, au vide que je t’infligeais. Pardon. C'est fou comme on peut passer son temps, à vouloir faire quelque chose pour quelqu'un, sans jamais avoir une pensée pour lui. C'est atroce comme découverte. Je te demande pardon, même si je ne suis pas pardonnable. Je suis une monstrueuse.

     

    Et je le suis encore bien plus.

     

    Je suis heureuse, heureuse de t'avoir négligé. Oui c'est monstrueux d'éprouver du bonheur en apprenant le mal infligé à autrui. Pourtant je suis heureuse. Ta lettre, Oh Cole, ta lettre... Si ton appartement n'est que luxe soit futilité, la lettre est précieuse pareil à un lingot d'or. J'ai le sentiment que jamais tu ne l'aurais rédigée si tu n'avais pas traversé ce vide. Alors oui, je suis assez monstrueuse pour aimer le mal que je t'ai fait sans le vouloir, car il est à l'origine d'une merveille. Mes mots doivent te choquer. Tu y relates la tragédie de ton père. Mais toutes ses peines et souffrances sont dépeintes dans un délice d'amour qui me touche bien plus que tu ne pourrais l'imaginer. Quel beau fils tu es ! Je ne sais si tu crois ou non à la vie après la mort, mais je te le dis : Comme ton père doit être honoré de t'avoir pour fils, Cole. Je ne suis mère de personne, mais que cela fait du bien de savoir sur Terre un fils beau comme toi.

     

    ( Flash info : Séisme sous le piédestal de C.A.T. Une montagne s'est formée. Le piédestal est maintenant 1800m au dessus du niveau de la mer. )

     

     

    Je m'y suis reprise à dix fois, vingt fois, même peut-être plus. Je m'installais telle une élève studieuse, voir une fille détachée, ou autre guerrière résolue, pour te dire "mon secret".  J'ai ainsi adopté toutes les positions en tous lieux de mon appartement. Une fois même je me suis relevée en pleine nuit pour aller chercher mon bloc, et je suis retournée ensuite très vite sous la couette t'écrire. J'avais tous les mots dans la tête. J'ai même ressorti mon vieux dictaphone, et le long de l'Aulne, le fleuve dont les méandres traversent Châteauneuf-du-Faou, en promenant les filles, je t'ai tout raconté. Mais impossible de le retranscrire. J'ai songé un instant te poster la cassette, le dictaphone avec, mais... MAIS. Il y a toujours un MAIS qui gagne, qui s'impose en dictateur. Et auquel j'obéis car je suis de son avis.

     

    Tu as pleinement raison, aussi fort et troublant que soit ce que j'ai ressenti quand nous nous sommes rencontrés, transportés serait le mot plus exact, ce n'est pas ce qu'y m'a poussée à t'écrire. Tu as raison. Ce que j'ai ressenti je le garde pour moi tel un cadeau merveilleux, une découverte d'un infini plus grand que l'espace charnel. Ce que j'ai ressenti, je le revisite, je l'analyse, le dissèque à l'envie, mais c'est quelque chose de moi à moi, même si je te le dois. Jamais non jamais je n'ai eu envie de le partager avec toi. C'est à moi, juste à moi. Si j'avais du t'en parler, je n'aurais eu qu'un merci à t'adresser. Ce merci ne m'a jamais inspiré une lettre.

     

    Si je t'écris c'est à cause de bien plus que cela, c'est à cause d'un quelque chose bien plus grand, bien plus... Et revoilà le véto qui stoppe l'élan de mes mots.

     

    Oui même si tu ne me crois pas, sache que dix fois, vingt fois je me suis installée à la table à manger, à la table basse, même à ma table de couture ou sur le canapé du salon, voir celui de mon espace lecture. J'ai même poussé les plantes vertes de leur large guéridon sous le vélux, comme si leur sève aurait pu aider mon sang à réduire la force de résistance qui endoctrine mes neurones. Échec total. Chaque fois ce fut l'échec total.

     

    A l'appartement, je n'ai pas à proprement parler de bureau. J'ai bien un téléphone et un ordinateur, mais ils sont juste posés sur la bibliothèque basse, car les prises sont là. Je ne peux même pas ouvrir entièrement mon ordinateur portable tant c'est mansardé là où il est. C'est fou mais j'en n'ai pleinement pris conscience qu'en voyant ton immense et luxueux bureau à Paris. Je crois que j'ai voulu ne pas avoir chez moi ce que j'ai au travail. Je passe ma vie assise derrière un bureau. Ce mobilier n'est pas le bienvenu chez moi.

     

     

    J'ai  parlé de toi  à Maxime.

    Je lui ai aussi dit mon secret. N'en soit ni jaloux ni fâché, cela me peinerait. Ce n'est pas de l’exhibition au contraire c'est de l'expiration. Les mois passent. Chaque jour un peu plus je te porte en moi. Il fallait bien que l'inévitable arrive.

     

    Sur le mois de Septembre nous nous sommes beaucoup parlées elle et moi. Je lui ai tout dit. Je lui ai raconté t'écrire, je lui ai décrit  ton appartement sur Paris. Attention, elle n'a lu aucune de tes lettres, et je ne les lui ai pas résumées. Je lui ai juste confié t'écrire, et avoir l'infini bonheur de pouvoir te lire. Lecture qui m'inspire d'autres mots pour une nouvelle lettre. Mes confidences ont seulement pour conséquence qu'elle ne te nomme plus Tchig mais Colerige. Enfin ! Pourrait avoir pour conséquence, car malheureusement pour elle tu étais et demeure le tueur de tchétchènes. Il y a probablement une note d'humour là où je ne ressens qu'un mépris. Je n'aime pas que l'on t'abime.

     

    Comme toi elle m'a demandé pourquoi j'avais commencé cette correspondance.  A elle j'ai réussi à le dire. A toi, je ne  parviens pas à le noter noir sur blanc. Il me faudrait peut-être commencé à songer à acheter un bic à l'encre mauve. Ok plaisanterie puérile.

     

    Elle a ri. Maxime a ri, pire elle n'a pas su retenir un fou rire. J'en fus blessée et ravie à la fois, car plus je parlais, plus je réalisais que je n'avais pas envie de partager avec quelqu'un ce que je vivais avec toi. Elle a ri. Tu vois ce fut un peu comme si je lui avais vanté le dernier vêtement que j'avais cousu, avec lequel j'irai à l'agence lundi  et qu'elle avait découvert le costume d'un lapin blanc avec de bien belles et grandes oreilles.

     

    Elle a ri et c'est très bien ainsi.

     

    Elle ne m'a pas prise au sérieux, alors j'ai ri à mon tour et j'ai conclus d'un mensonge. Je lui ai déclaré "réponse idiote pour question idiote". J'ai affirmé que la seule raison à mon désir de rentrer en contact avec toi était ce que j'avais ressenti dans tes yeux. Ses propos ne furent plus que divagation. La fille (moi) sage toujours, coincée certains jours et frigide les autres s'est transformée en une malade mentale qui fantasme sur un type sale, mal rasé, sauvage et tueur. Je l'ai laissée aller jusqu'au bout de sa dérision et j'ai tranché d'un "Voilà c'est ça".

     

    Ensuite j'ai commis ma seconde faute. Comprends, j'ai voulu rehausser ton image. J'ai parlé de Paris.

     

    Bon je te fais une confidence. C'est moche, mais c'est moi !!! Je suis une véritable calamité parfois. Enfin vu des yeux des autres car des miens, je suis bien. Cela s'appelle s'assumer. Mais non je ne m'assume pas car je crois que tu vas me détester.  Je suis maso, je te tends le fouet pour me battre.

     

    Je ne parviens pas à te dire mon secret essentiel alors je vais t'avouer mon secret ridicule. Là pas de doute, il va y avoir aussi un séisme sous mes pieds, mais je vais tomber dans une faille et me retrouver 1 000m, 10 000m sous le niveau zéro.

     

    J'ai fait sentir ton parfum à Maxime.

     

    Je n'ai pas volé ta bouteille, tu es à Paris, tu vois bien qu'elle est toujours à sa place. Non ce que j'ai fait, de retour à Quimper, c'est que je suis entrée chez Sephora pour avoir ton parfum. Mon ventre se noue en te l'écrivant, tu vas me trouver idiote, et bien voilà je le suis. Je ne suis pas une femme parfaite, je suis une pauvre idiote.

     

    J'ai voulu un peu de toi chez moi.

     

    J'ai acheté Allure de Chanel pour homme et aussi Allure de Chanel pour femme puisque cela existe. Et j'ai aimé que la version féminine existe. J'y ai vu là un signe. Merci de ne pas me demander de quoi. J'assume ma folie. Depuis Paris je porte Allure de Chanel pour femme chaque jour, et ma bouteille passe sa journée à la droite de la tienne.

     

    Non je n'ai pas relevé ta pointure pour mettre une paire de charentaises à ta taille sur ma descente de lit. Je n'ai pas de descente de lit. Et non il n'y a pas de brosse à dent qui t'attend dans un verre sur le lavabo de ma salle de bain.

     

    J'ai décrit à Maxime ton salon au mur 100% miroir tellement impossible à oublier quand on est dans la pièce, tes paniers d'accueil, ton couloir large comme ma cuisine, ton manteau au tombé merveilleux et je lui ai fait sentir ton parfum. Je voulais qu'elle t'aime un peu, qu'elle comprenne que tu es une glace à la vanille non un ermite néandertalien. Malheureusement tu es juste passé de la case tueur de tchétchènes à celle de tueur de tchétchènes payer par la mafia russe.

     

    Je ne lui ai pas parlé des Welch pour lui éviter de te croire de la CIA aussi. Je ne lui ai pas plus avoué être ta femme pour la concierge, car de toute façon après lecture de mon histoire de parfum, tu vas contacter ton avocat pour un divorce rapide.

     

     

    En vérité Maxime s'indiffère de toi. Donc de moi. Comme dit Mauriac, le père non le fils "mon pire défaut est ma lucidité".

     

    Passer le jour où j'ai commis la double bêtise de lui parler de toi, elle n'est jamais revenue sur le sujet. Seule sa vie la préoccupe. Début octobre elle a donné son préavis à son travail. On se connait car elle travaille pour le cabinet de comptabilité qui gère les finances de l'agence immobilière. Tous les jeudis elle passe à l'agence faire un point sur les chiffres. Elle me manquera. 

     

    Avant d'écrire sa lettre de démission pour son patron, en fait sa patronne, il n'y a pas un seul homme à son cabinet, et elle a entamé une procédure de divorce. Son mari était toujours le premier à recourir à la menace du divorce chaque fois qu'ils se criaient dessus, mais maintenant que ce n'est plus du vent, il n'est plus du tout d'accord. Ses deux filles, ne sont toujours pas au courant, à moins que Roger leur en ait parlé et qu'elles n'osent pas aborder le sujet avec leur mère. Maxime ne sait pas comment leur exposer son choix, donc elle le leur tait encore. Pourquoi divorce et démission ensemble ? Non elle n'est pas dingue, je ne déteins pas sur elle. Ma folie n'est pas contagieuse.

     

    Maxime veut aller vivre avec son père pour reprendre la boulangerie familiale. Elle est très sérieuse. Le projet la rend heureuse. J'en suis ravie pour elle, même si nous allons forcément nous perdre un peu. Quoiqu'elle ne part pas vivre en Suisse non plus. D'ailleurs ne l'ai-je pas déjà perdue ? Il y a des années que je ne lui ai pas parlé d'un homme, je lui apprends t'écrire, elle en conclue que je suis folle d'amour et folle tout court mais ensuite, elle ne cherche pas à en savoir plus, à savoir comment évolue notre correspondance. Si nous nous sommes revus. Je l'ai déjà perdue un peu, je suis lucide.

     

     

    Bref, à elle j'ai pu avouer la raison qui m'a insufflé assez de courage pour parvenir à te poster mes premiers mots et elle a rit. J'ai passé ça pour du délire et donc ma vérité s'est transformée en farce. Sauf que c'est bien ma vérité, ma réalité, le fondement de mes actes .

     

    Colerige Alesh je ne peux pas. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, je ne le peux pas. Excuse moi mais je ne peux pas te dire ce que tu veux savoir même si ta demande est légitime. Je suis désolée, infiniment désolée, je ne le peux pas.

     

    Tu vois c'est un peu comme si tu me demandais d'ouvrir ma peau pour  te montrer ma colonne vertébrale. C'est très grave. Un rire de toi et BOOM elle n'est plus que tas d'os au sol. Je ne m'en relèverai pas.

     

    Tu vas me dire que toi, tu ne vas pas rire. Au fond de mes tripes je le sais, oui j'en suis certaine. Tu vas le prendre avec gravité, et ce sera encore pire, car tu vas en faire une forteresse. Je n'aurai plus une colonne vertébrale mobile, j'aurai une barre de fer dans le dos, je ne serais plus qu'elle et j'en serais paralysée.

     

    Cole oui j'ai très peur de ta réaction. Tu es même capable de débarquer chez moi. J'ai encore besoin de me tenir éloignée de toi. Il faut que je parvienne à détruire ton maudit piédestal.

     

    Je t'en supplie, laisse moi du temps.

     

    Colerige Alesh cela fait sept mois que j'évite d'y songer, puis deux mois que je tourne le problème dans tous les sens : je ne le peux pas. Que tu ris ou que tu me prennes au sérieux, les conséquences seront trop lourdes pour moi. Je ne peux pas. Alors s'il te plait, laisse moi du temps pour parvenir à te l'écrire. Bien sûr qu'un jour tu le sauras, je te le dois...

    2027 me semble bien.

     

    Cole, je me suis assise face à une feuille blanche, ce soir, pour répondre à ta demande. Oui j'ai pris mon crayon pour te raconter mon mariage. Seulement les mots se sont additionnés, des mots qui ont aussi leur importance, et les pages se sont noircies sans que je n'arrive à Lionel. Minuit est dépassé, je travaille demain, aussi je vais stopper là cette lettre déjà épaisse. Demain je vais te la poster pour qu'elle soit à Paris au plus tôt. Je ne veux pas que tu penses que je t'oublie.

     

    Je te promets que demain soir, je reprends mon bloc note pour te parler de Lionel. Je te le promets. Cette seconde lettre sera posté mardi, au pire mercredi. Je te le promets.

     

    Excuse moi encore.

    A demain.

    Mickaelle une folle à lier mais pas à enfermer.

     


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  • 54

     

    Bonjour Mickaelle,

     

    Dans les années 1950, un rituel s'est installé au sein de la famille Welch de Jefferson City USA. Sur Mai ils vont se reposer en Grande-Bretagne, puis en Juin ils passent en Italie et ils finissent leur périple sur Juillet en Russie. Charles, sa femme Jessie et leurs enfants Susanne et Robert perpétuent toujours la tradition. Susanne est pourtant devenue Madame Hap Townes et est mère des jumeaux Jason et Ryan.

     

    En 1964, Alesh Sergueïevitch Tchigrenkov avait 27 ans. Celui qui devint mon père était employé dans un grand Hôtel à Saint Pétersbourg. J'ignore le poste qu'il y occupait, je sais juste qu'il n'en était ni le directeur ni son second, qu'il était du nombre du petit personnel utile et invisible.

     

    Au début des années soixante si les Welch possédaient une résidence en Grande-Bretagne et une seconde en Italie, ils n'avaient toujours pas investi en Russie, aussi ils  séjournaient chaque année dans l'hôtel où travaillait mon père.

     

    Juillet 1964 fut très délicat pour les entreprises Welch. William dut rentrer précipitamment à Jefferson City. Bertha sa femme l'y rejoint fin juillet comme à l'ordinaire. Ce qui ne le fut pas par contre, c'est qu'elle laissa  derrière elle sa fille Maude âgée de 19 ans et son fils Charles de 6 ans son aîné.

     

    En 1964 Maude et Alesh se connaissaient depuis des années. 5 ans à en croire les lettres de mon père. Mon père avait donc  être embauché dans cet hôtel en 59 alors qu'il avait 22 ans, car les Welch y descendaient déjà sur 55 voir 53. Maude n'avait encore que 14 années quand mon père posa les yeux sur elle pour la première fois.

     

    Pourquoi en 1964 Bertha laissa ses enfants dernière elle à Saint-Pétersbourg ? Rien n'est dit dans les lettres de mon père que je relis en guise de consolation. ( Pourquoi n'ai-je plus le droit de te lire Mickaelle ?) Charles que j'ai interrogé il y a quelques années déjà, n'en a pas souvenance. On ne peut donc qu'émettre des hypothèses. L'âge des enfants ? La confiance en eux ? Le désir de les garder éloignés des USA où William restructure l'affaire familiale ? Je ne le saurais jamais.

     

    Ce que je sais parle de moi.

     

    Libéré de sa mère, Charles ne joua pas les chaperons de sa soeur, aussi ce fut des plus librement que Maude prit Alesh pour amant. Aucun détail ne me manque. Je sais toutes leurs premières fois. Premiers mots échangés, premières rencontres d'un hasard bien trafiqué, premières mains unies, première joue caressée, embrassée, premier baiser d'elle, de lui, et bien sur première fois qu'il la déshabilla, qu'il lui fit l'amour. Sur les pages de mon père il y a plus d'amour que de mots.

     

    Quand William et Bertha Welch ont eu connaissance de la grossesse de leur fille, ils ont rapatrié Charles au USA mais n'ont pas séparé les amoureux.

     

    J'avais 29 ans soit 2 années de plus que mon père, quand j'ai eu pour la première fois ses lettres entre les mains. Il note que le départ précipité de Charles, et l'autorisation à Maude de demeurer à l'hôtel, ont été pour eux, preuve que  William Welch consentait à leur union, à ma conception.

     

    Mon père était amoureux, je suis riche de la connaissance de leur avenir, mais je n'arrive pas à croire que j'aurai réagi comme lui, comme eux. Si William et Bertha consentaient au choix amoureux de leur fille, pourquoi éloigné Charles ? Pourquoi ne pas au contraire rencontré Alesh ?  Pourquoi ne pas le faire entrer aux états unis avec Maude ?

     

    Maude et Alesh mes parents n'ont vu que de la liberté là où moi je sais qu'il n'y avait que danger. Sur les neuf mois de ma conception ils ont vécu comme vivre tous les amoureux libres de s'aimer.

     

    Je suis né le 11 avril 1965 à 2h32 du matin. Dans la matinée de ce même 11 avril 65, mon père coupable d'avoir couché avec une mineur américaine, a été arrêté à l’hôpital maternité  et a été conduit au goulag d'où il n'est ressorti que mort le 27 septembre 1979 soit 14 années, 5 mois et 16 jours plus tard, à l'âge de 42 ans.

     

    Durand ces 173 mois 1/2 il a écrit à ma mère 741 lettres. Il les a toutes postées à l'adresse de la demeure des Welch à Jefferson City où il nous croyait ma mère et moi.

     

    Certaines sont assez courtes, pas plus d'une demie-page mais la majeure partie dépasse les trois feuilles format A4. Elles sont rédigées en écriture cyrillique, ce qui fait qu'aucun Welch n'a pu les lire. Les premières, même pas une dizaine sont ouvertes, mais ensuite personne n'a eu la curiosité de les décacheter. Je suis le seul à avoir lu mon père.

     

    Il n'y parle jamais de lui. Je n'ai donc aucun détail sur ses activités au Goulag, sur sa santé, sur ses relations avec ses geôliers ou ses co-détenus. Les lettres ne sont jamais datées. Certaines ont la même date sur le cachet de poste comme si la personne qui les lui postait, attendait d'en avoir plusieurs ou ne pouvait se rendre à la poste que certains jours.

     

    Alesh mon père ne sut jamais que le jour même de ma naissance je fus enfant de l'orphelinat Spasibo de Saint Peterbourg et que six jours plus tard ma mère épousait sur l'ordre de son père, à Plooysburg en Afrique du sud un certain James Robinson, un homme de 48 ans.

     

    Si ma mère avait reçu les lettres elle aurait du faire appelle à un traducteur car elle ne parlait pas le russe et l'écrivait encore moins.

     

    Mon père connaissait les formules de politesse américaines et les mots les plus couramment entendu dans un hôtel, mais il n'était pas bilingue. En Russie les élèves apprennent l'anglais en première langue étrangère et le français en seconde, mais je doute que mon père est suivi de longues études. Il ne semble pas qu'il était à l'hôtel en tant que personnel à mis-temps pour payer ses études. La vérité est que je ne sais rien de lui. Il n'apparait pas dans les archives de l'hôtel alors qu'il écrit à plusieurs reprises qu'il avait vu ma mère dès 59, preuve qu'il y fut employé au minimum 5 années. Quant aux archives du goulag, autant vouloir retrouver trace d'une arête de poisson au fond de l'océan. J'ignore tout de ses parents, de sa possible fratrie. C'est même miraculeux que j'ai réussi à retrouver sa tombe, enfin ... son lien d'enfouissement.

     

    Monsieur William Welch, l'homme que Madame Fioux trouvait si humain quand elle le rencontrait dans les escaliers de l'immeuble avenue Foch a géré sa fille comme n'importe quel autre contrat. James Robinson pour mettre Maude dans son lit a lâché une mine de Diamants en Afrique du Sud. Elle est propriété de Charles aujourd'hui.

     

    Mon père a écrit 741 lettres à ma mère sans jamais recevoir de réponse. Il n'a jamais cessé d'affirmer que sa vie valait la peine d'être vécu car il avait l'amour d'elle en lui, de lui pour elle en lui.

     

    Mickaelle je ne suis pas mon père, répond moi. C'est toi qui a commencé cette correspondance, tu n'as pas le droit de me condamner au silence. Je suis sans nouvelle de toi depuis début Août, écris moi. Parle moi de l'amour que ton mari n'a pas su te donner.

     

     

    Paris- le 6 Octobre 15.

    C.A.T

     

     

    PS:

    J'ai trouvé le cadeau que tu m'avais laissé. Merci de l'attention.

     

    Madame Fioux m'a demandé si tu allais me rejoindre ici, je lui ai répondu que tu ne raterais le salon du livre 2016 pour rien au monde. Si je ne retourne pas au hameau avant le mois de mai, je te fais la promesse que je déserterai l'appartement pour te le laisser sur mars. Les affaires m'obligent à monter en Russie fréquemment, quand tu seras à Paris, j'y serai donc. 

     

     

    Réalise ton rêve même si tu as décidé de ne pas assouvir mon vœu de te lire encore. Tu te le dois.


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  • 53

    Mickaelle,

     

    Je n'ai pas souvenance précise du contenu de mon courrier mais il est impossible en toute bonne fois de le résumer tel que tu l'as fait.

     

    Il y avait une accusation de silence de ton fait. Précieuse insolente tu continues à taire l'unique raison de cette correspondance.

     

    Mickaelle,

    Pourquoi m'écris tu ?

    Que me caches-tu ?

    Tu te joues grande dame mais tu te dérobes encore. Ne fais pas diversion, cela ne marchera jamais avec moi.

     

    Pourquoi as-tu voulu cette correspondance ?

     

    J'exige la vérité. Maintenant. Ne crois-tu pas qu'il est temps d'assumer qui tu es ?

     

     

    Le hameau, le 19 Août.

    C.A.T


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  • 52

    Châteauneuf-du-Faou

    Le Jeudi 13 Août 2015.

     

     Monsieur Colerige Alesh Tchigrenkov,

     

    J'ai relus ta lettre plusieurs fois. J'avoue qu'elle me peine. Passé le choc, je pense qu'elle se résume en deux parties.

     

    1)  Tu m'envoies à la tête un gros bloc de glace . Je ne vois pas d'autre explication que l’hypothèse que je t'ai blessé. J'ai du faire ou écrire à Paris quelque chose de mal à tes yeux et tu me renvois ta colère. OK.

     

    Tu as le chic pour me faire passer par toutes les cases de la palette des émotions, toi.

     

    Qu'ai-je fait de mal ? Une femme de ton rang social ne parle pas à une concierge ? C'est ça ? Et bien la prochaine fois que tu la verras tu lui annonceras notre divorce et tout rentrera dans l'ordre.

     

    2)  Me répondre que je suis la propriétaire de l'appartement c'est vraiment ridicule. Dis moi que je n'ai pas à le savoir, ou ne reviens pas sur la question comme tu as su si bien le faire sur une demie douzaine de questions, écris"jocker" mais ne me prend pas pour une dinde, c'est ridicule. Je sais très bien ne pas être propriétaire de cet appartement. Et j'ajoute en être ravie, les taxes d'habitation et foncière vont bientôt tomber, celles de mon petit appartement me suffisent.

     

     

    Hier je me suis "engueulée" avec Stoyan à cause du bassin. Il dit que je ne sais pas ce que je veux. Aujourd'hui c'est toi qui a des choses à me reprocher. Et on dit que ce sont les femmes qui sont compliquées !

     

    Mickaelle.


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  • 51

    Mickaelle,

     

    A quoi  joues-tu TOI ?

     

    Welch est le nom de jeune fille de ma mère. Il  figure sur mon extrait de naissance mais pas sur mon passeport. Il est malheureusement bien utile parfois.

     

    Je ne mens jamais.

    Tu es bien mal placée pour me faire la moral, Sirène.

     

    Tu passes ton temps à me mentir. Tu me crois assez naïf pour gober ton histoire de midinette : Nos yeux dans les yeux blablablabla. J'ai vécu l'instant autant que toi. Jamais tu ne me feras croire que c'est ce qui a motivé cette correspondance. Alors commence par être honnête avant de m'accuser de mensonge.

     

    Tu peux peut-être duper Stoyan et faire ton patron répondre à tous tes caprices de petite fille, mais cela ne marchera pas avec moi. Si tu ne l'as pas encore réalisé c'est que tu es stupide, et ça vois-tu je n'y crois pas une seconde.

     

    Grandie Mickaelle, l'enfance est finie depuis longtemps.

     

    Le 30.07.15 -

    CAT.

     

    PS : Cet appartement est à toi, pas à moi, à toi.


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  • 50

    Ton antre

    Le 20 juillet 2015.

     

     

     

     Bonsoir Monsieur mon mari,

     

    Comment je t'appelle dans l'intimité : Bébé (trop tarte), mon amour (trop long) Chéri (certainement pas, je déteste). Et toi, dis moi, quand tu veux un petit plaisir rapide entre deux rendez-vous, tu me nommes comment ? Ah je sais, poupée ou poulette mais en russe. Oui au lit tu dois parler russe. Ce doit être terrible pour toi d'avoir épousé amnésique.

     

    Tu me fais peur Tchig. Je ne rigole pas, tu me fais vraiment peur.

     

     

    Il y a onze mois je marchais sur un sentier de randonné dans le beaufortain en compagnie de Maxime. Passé un virage la perspective s'ouvre. En fermeture d' horizon sous de maigres nuages,  devant un ciel d'un bleu dilué, une lourde montagne coupée à la hache, et en avant plan d'elle, comme logé au fond d'une cuvette en herbe grillée par le soleil, un minuscule groupe de petits points qui semblaient constituer un hameau. 

     

    Nous n'avions pas été prévenues qu'il existait des habitations entre le lac et sa source, la chute d'eau,  but de notre expédition.

     

    Le chemin nous a obligé à passer au plus près du hameau. Alors je t'ai vu sur ton mur. J'ai découvert un homme aux épaules puissantes portant un vieux jeans et un T-shirt jaune douteux au col tunisien qui tout autant que le jeans méritait bien plus la poubelle que la machine à laver. J'ai vu un homme mal rasé avec un bandana noir noué sur une chevelure grisonnante et fournie. J'ai constaté une paire de baskets montantes à la semelle décollée. Et je n'oublie pas les lourds gants de chantier qui semblaient te momifier les mains.

     

    Nous nous sommes regardés sans honte et sans espoir, juste retenus par le sublime qui émanait d'un nous improbable. Quand je repense à cet instant oui, je peux dire qu'alors tu n'étais que liberté, générosité et confiance offertes,  que cet homme était celui là même qui, il y a quelques jours a placé ses clés d'appartement dans une boite pour moi.  Là maintenant je le réalise. Ce geste fou, démesuré est totalement en accord avec la pleine bonté qui se dégageait alors de ton être. Si je n'avais pas oublié qui tu es vraiment, découvrir les clés n'aurait pas du m'étonner. Si j'en fus si désorientée c'est seulement que je suis bien incapable d'autant d'humanité désintéressée.

     

    Qu'y avait-il entre nous ? 3 mètres ? Seulement 2. Tu étais à cheval sur ton mur, moi au sol sur le sentier. Il m'est impossible de me souvenir de la couleur de tes iris, la distance n'a jamais du me permettre  de le savoir. Je sais juste qu'une énergie inconnue, qu'une puissance de toi est entrée en moi. Je ne sais par quel pouvoir tu es parvenu à me figer sur place, à m'hypnotiser, à me désinhiber au point de me transformer en une femme libre d'accorder du temps à son désir de contemplation pour une dégustation quasi charnelle. C'était un peu comme si le socialement correct s'était déactivé de mon gouvernail mental.

     

    Avec toi, il n'y a plus de loi, plus de norme, plus de socialement correct. Avec toi il y a juste un divin lien d'amour astral. En un autre lieu, en un autre temps, il est possible que nous nous serions croisés sans nous isoler du décor, mais là, plus que de nous faire nous remarquer, nos âmes se sont désincarnées pour fusionner et par là même, nous enrichir de la substance de l'autre.

     

    Sur des heures, j'en ai senti  les effets. Tu m'avais rendue  vivante et belle comme jamais. Merci.

     

    Maxime n'a pas capté ton  pouvoir magnétique, elle est restée sur le plan matériel, superficiel, elle a eu peur de toi. Tout comme moi maintenant.

     

    Tchig tu n'imagines pas les efforts que je produis pour m'accrocher à mes souvenirs d'il y a onze mois. Il me semble qu'il n'existe pas d'autre solution pour réduire cette peur.  Tchig tu me fais peur. Là, maintenant si je te voyais apparaitre devant moi, je ne serais que débordement de panique.

     

    Ensuite au village, on nous a raconté que tu étais un tueur de tchétchènes, un sale individu violent qui se cachait. Je n'y ai pas cru. Aujourd'hui je ne sais plus.

     

    On nous a aussi dit que suite à une agression d'enfant, de ta part (chapeau l'artiste) les villageois furieux étaient montés chez toi et qu'ils en étaient revenus sans t'avoir vu, avec des images de chalet miséreux. J'avais bien vu qu'aucun fil ne reliait ta maison aux réseaux d'électrique ou de télécommunication. Il parait que  tu ne possèdes même pas l'eau courante. Riche de ces informations j'imaginais ton antre parisien du même acabit.

     

    Tu m'as confié avoir été élevé dans un orphelinat, que ton père pendant ce temps était au goulag, et comme tu te nomme Tchigrenkov, je t'ai cru un russe émigré en France, un sans papier peut-être même. J'ai pensé que Mr Welch était comme toi, un cabossé de l'existence. J'ai pensé que vous partagiez une chambre de bonne. Stoyan quand il est arrivé en France, il s'est retrouvé avec d'autres bulgares qu'il ne connaissait pas, des bulgares qui comme lui venaient du même réseau,  pour faire le même job saisonnier. Je ne me suis pas questionnée plus, j'ai posé sur toi, son passé. Welch ne me semble pas très russe comme nom, mais qu'en sais-je ? Quand j'ai rencontré Stoyan j'aurai juré qu'il était un africain du nord (Algérien - Tunisien) et non un homme de l'est.

     

    Dans ta lettre tu notes "dernier étage". Les chambres de bonnes sont toujours au dernier étage, au moins dans tous les livres que je lis.

     

    Entre la maison d'Henriette et mon appartement atuel, j'ai connu les chambres chez l'habitant, les appartements de 18 m², alors je m'imaginais ouvrir une porte sur quelque chose du même genre, avec peut-être un peu moins de peinture, un peu plus de moisissure. La TV présente tant et tant de reportages sur les logements insalubres à Paris, que j'ai cru prendre le train pour aller dormir dans un lieu guère mieux.

     

    De tenir tes clés dans mes mains , c'était déjà tellement d'émotion que pas une seconde je n'ai songé à déplier le papier sur lequel tu avais écrit l'adresse. Il faut dire que j'ignore tout de Paris, donc un chiffre d'arrondissement, un nom de rue ou d'avenue ne m'aurait rien dit.

     

    J'aurai du aller sur mappy et y taper ton adresse.

     

    Si je l'avais fait, jamais, tu m'entends JAMAIS je ne serais là assise par terre, à t'écrire les coudes appuyés sur ta table basse. Non, jamais je n'aurais pris le train. Jamais.

     

    Dans le train justement j'ai déplié le papier et j'ai demandé à la femme assise à mon côté si le 16ème arrondissement était loin de la gare Montparnasse. Elle m'a toisée avec mépris et ne m'a pas répondu. J'ai traduit que c'était le pire arrondissement et que c'était pour ça qu'elle ne voulait pas m'adresser la parole. Je me suis dit "Encore une qui vote Le Pen" et dans mon coeur je t'ai défendu. "Oui c'est un immigré sans papier, mais c'est quelqu'un de très bien". 

     Tu dois te marrer.

     

    Paris 16ème !

    23 avenue Foch.

     

    J'ai lu 23 avenue Foch Paris 16ème. Pour moi cela ne voulait rien dire.

     

    J'ai passé toute mon enfance en banlieue de Limoge, je sais très bien m'orienter en centre ville. Tous les arrêts de bus ont des cartes. C'est mille fois plus facile de se repérer en ville qu'entre les champs de la Bretagne profonde où je vis maintenant.

     

     

    Il faisait beau, j'y suis allée à pied. Gare Paris Montparnasse, avenue Foch.

     

    Quand j'ai vu l'arche de Triomphe, je ne suis dit que je m'étais trompée, mais j'avais le panneau sous les yeux.  Avenue Foch Paris 16.

     

    Je me suis sentie pauvre en descendant l'avenue, en longeant les grilles , en levant les yeux sur les immeubles grands luxes. Pauvre pour ne pas dire minable. Non jamais je ne serais montée dans le train si j'avais été sur mappy avant.

     

    L'immeuble avant le 23 est une ambassade. Une ambassade ! Tes voisins sont les ambassadeurs de l'Angola. Moi mes voisins sont laborantins ou intérimaires. Et oui, j'habite contre le mur du laboratoire d'analyses médicales. Enfin c'est à vendre, il a été transféré sur Landerneau. Mais l'agence intérim ne manque pas de chômeurs.

     

    J'ai osé pousser la grille du 23 en me raccrochant à l'idée que j'allais aller me terrer dans ta chambre de bonne. J'avais même envie que Mr Welch soit là. Je me sentais tellement étrangère, miséreuse. Tu vois je crois que j'aurai même adoré que ce soit Mademoiselle Welch ta mademoiselle plaisir au lit. C'est vrai pourquoi n'avais-je pas pensé que tu puisses avoir une petite amie sur Paris ? Mais parce que Mr est mon mari et que Mr mon mari n'est pas homme à regarder ailleurs.

    Tchig c'est quoi le but de ta manœuvre ? Tu me fais peur Tchig.

     

     

    Bien sur la grille n'a pas bougé quand je l'ai poussée. On ne rentre pas comme ça chez les gros riches. Alors j'ai pensé à l'interphone. J'ai regardé et j'ai trouvé ton nom. En tout premier Welch-Tchigrenkov. De lire Tchigrenkov m'a rassurée. La clé a fonctionné, et elle a re-fonctionné pour la porte de l'immeuble.

     

    On ne voit ça que dans les films. Le hall d'entré est immense, l'escalier est en marbre, ou un truc comme ça. Il est recouvert d'un tapis (on dit moquette ?) rouge d'une épaisseur incroyable. Je n'ai pas fait la pauvre, je ne l'ai pas touchée. Enfin si mais seulement une fois là-haut quand plus personne ne pouvait me voir. 

     

    Et l’ascenseur ! L'ascenseur ! Une merveille, une pièce de musée. Un escalier en colimaçon avec en son centre, un ascenseur en fer forgée. Je sais que tu sais tout ça, je sais que mon vocabulaire ne doit pas être adapté. Mais songe à ce que cela m'a fait d'arriver dans ce hall, moi qui vit sous les toits d'une commune quelconque d'une région agricole, moi qui pensais découvrir un immeuble insalubre.

     

    Je suis montée par l'escalier en suppliant les Dieux que je ne croise personne avant d'être enfermée en sécurité dans ta chambre de bonne. Mais bien sûr que je suis sotte. Les bonniches ont un escalier ailleurs, un truc raide en ciment brute. L'escalier aux marches plus larges que ma cuisine ne peut pas aboutir sur des chambres de bonnes.

     

    Tu as écrit que je ne peux pas me tromper, que c'est la porte à droite. Il n'y a aucune autre porte. Il y a juste une porte, la tienne. Donc en effet, je ne pouvais pas me tromper.

     

    Tu crois que j'ai ressentie quoi quand j'ai ouvert la porte est que j'ai vu un couloir d'appartement aussi long que l'immeuble, et aussi large que les pièces de mon appartement ? Tu crois que j'ai ressenti quoi quand j'ai regardé par la première porte vitrée ouverte et que j'ai vu un salon de 80m² avec un mur entier en miroir ?

     

    C'est horrible Cole d'être assise seule sur le canapé pour 12 en cuir blanc et d'avoir face à soi, soi assise sur le canapé en cuir blanc. C'est pour ça que je t'écris assise par terre avec le miroir dans le dos.

     

    Il mesure combien cet appartement ? 200 - 250 m² ? J'ai ouvert toutes les portes sans entrer dans aucune pièce. J'ai cherché une chambre . J'ai vu les 3 bien sûr. Chaque chambre est un appartement. En plus d'un lit il y a toujours un bureau et un canapé.

     

    Et puis j'ai sursauté. Quelqu'un a sonné à la porte. J'ai eu peur.  C'est con mais j'ai eu peur. J'ai eu peur que ce soit toi. Tu te rends compte, j'ai eu peur que ce soit toi. C'est moche. Je sais c'est moche mais j'ai eu peur que ce soit toi.

     

    Devais-je aller ouvrir ?

    Pourquoi tu sonnes alors que tu as les clés ?

    J'étais incapable de bouger.

     

    Cela a re-sonné. Je me suis dit que tu m'avais donné les clés que je n'étais pas une voleuse, alors j'ai rassemblé mon courage et j'ai retraversé le couloir (j'étais dans la cuisine avec sa table pour 28 , ok pour 8) et je suis allée ouvrir.

     

    Voici la conversation ( à quelques mots près, excuse moi, elle te la relatera ultérieurement peut-être avec plus de justesse)  :

     

    - Bonsoir Madame Welch Tchigrenkov, honoré de faire votre connaissance.  J'espère que vous avez fait bon voyage ?

    - Oui... Merci... Bonsoir.

    - Comme votre mari me l'a demandé, je suis allée vous acheter une collation pour ce soir. J'ai tout rassemblé dans ces deux papiers. Celui-ci est particulièrement lourd. Voulez-vous que j'aille vous le déposer à la cuisine. Par exemple ?

    - Euh non, non.

    - Je vous souhaite la bienvenue à Paris Madame Welch Tchigrenkov. Si vous avez besoin d'autre chose, n'hésitez pas à me le demander. Votre mari tient à ce que votre séjour soit des plus agréables. Il a bien appuyé sur ce point. Bonsoir.

    - Attendez Madame. S'il vous plait.

    - Oui, il vous manque quelque chose Madame Welch Tchigrenkov ?

    - Non non tout est parfait, mais, je vous dois combien ?

    - Pardon ?

    - Pour les paniers. La facture.  La facture est dans l'un des paniers ? On fait comment ? Je vous paie maintenant, juste le temps que j'aille chercher mon carnet de chèques ou demain matin cela ira.

    - Mais madame, votre mari monsieur Welch Tchigrenkov s'est occupé de tout. Vous ne me devez rien. Je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance, je ne savais pas monsieur marié. Il faut dire qu'il n'est pas homme à exposer sa vie. C'est un être très discret. Je vous souhaite une bonne soirée encore Madame Welch Tchigrenkov.

     - Pareillement.

     

     

    Tu avais écrit : Un peu de riz, des nouilles et des boites de sardines. Je n'ai trouvé aucun des trois. Par contre,  j'ai des fruits pour une semaine si je m'en fais une orgie et si j'ai encore faim après avoir consommer les pains, les fromages, les beurres, les charcuteries, les salades composées et bien sur bu toutes les variétés de thé, café et tisane, sans omettre le vin. Tchig tu lui as fait en acheter pour un régiment.

     

    J'ajoute qu'elle n'a pas oublié la bouteille de champagne et les roses. Monsieur mon mari est délicat.Tortionnaire avec sa concierge mais délicat envers son épouse adorée.

     

    Tu me rappelles depuis quand nous sommes mariés s'il te plait. J'oublie comment j'ai tué mon frère, j'oublie comment mon mariage fut célébré... Je suis lamentable.

     

    J'essaie d'y mettre de l'humour, mais je suis moins sûr de moi que j'ai voulu le faire croire à ta concierge. Je panique en vrai. Je suis venue à Paris torturée par la question : je poste ou non les cartes que Maxime m'a donnée, et maintenant je me demande si je n'aurai pas du prévenir la concierge que je ne suis que Mickaelle Kervelou. Tchig j'ai joué ta femme pour ne pas te discréditer mais encore plus car tu me fais peur, même à distance, tu me fais peur. Et ta concierge ne semble pas non plus très à l'aise face à toi. Maxime, Stoyan, personne ne sait  que je t'écris, personne ne sait où je loge ce soir. Je regrette de n'avoir rien dit. Je regrette encore plus d'avoir pris le train.

     

    Qui es-tu  Tchig ? Tu me fais peur. Comment peux tu être propriétaire de cet appartement ? As tu vraiment du sang de tchétchènes sur les mains ? Tu es de la mafia russe ? Question ridicule, si tu l'étais tu ne l'avouerais pas.

     

    Cole je ne suis pas du tout à l'aise dans ce géant silence.  Je reste accrochée à mon stylo car en pensant à toi, celui de la Savoie,  j'oublie ce qui m'entoure.

     

    Tu es trop riche Tchig, beaucoup trop riche. Cole comment peux-tu vivre à la fois en Savoie dans un hameau sans confort et dans un appartement avenue Foch ?

     

    Cole pourquoi à chaque nouvelle lettre tu as un nom de plus ?

    Pourquoi Welch maintenant ?

     

    Tchig pourquoi tu lui as menti ? Pourquoi lui as-tu dit être mon mari ? Si tu lui mens, sur quoi m'as-tu mentis aussi ? Qu'est-ce que tu attends de moi. On croit toujours que les accidents n'arrivent qu'aux autres, qu'on est plus intelligent que ces bêtas qui tombent dans les arnaques. Tchig j'ai peur. Tu attends quoi de moi ? Tchig je ne veux pas me retrouver en prison, je ne veux rien savoir de tes affaires, je ne veux pas savoir comment tu as eu tout cet argent. Tchig tu me fais peur.

     

    Cole je ne vais jamais parvenir à être à l'aise dans cet appartement.

    Qu'est-ce que tu attends de moi ?

    Cole ne me fait pas mal, s'il te plait.

     

     

    Le 21.

     

    J'ai passé une mauvaise nuit. A tous les instants j'étais aux aguets. J'ai l'impression que tu me fais passer un test. Pour prendre une douche je me suis enfermée à clé dans la salle de bain et la chambre était elle aussi fermée à clé. J'ai peur de te voir arriver, pire de voir un inconnu entré.

     

    Et à la fois, c'est ça la folie, une partie de moi voudrait que tu sois là.

     

    Plus le temps passe, plus je songe que tu ne m'as pas ouvert ton appartement par gentillesse, mais pour une raison bien particulière. Ce matin j'ai donc regardé tout autour de moi, j'ai fait un tour d'inspection très lentement, sans rien toucher. Je suis même entrée dans ton bureau suite à ta chambre. J'étais à la recherche d'un indice, d'un je ne sais quoi qui m'aurait fait dire " voilà il m'a fait monter à Paris pour ça". Mais rien.

    Cole pourquoi voulais-tu que je vois cet appartement ?

     

     

    On ne va pas chez les gens mes mains vides, aussi j'avais dans mes valises des petits riens à partager avec Mr Welch si il avait été là, que tu aurais trouvé plus tard, si il ne l'avait pas été.

     

    Quand je compare mes cadeaux à tes  paniers, j'en ai presque honte.

     

    Je me dis que tu as les moyens,  que tu es un homme délicat, que comme me l'a dit ta concierge, tu veux que mon passage à Paris soit réussi, mais trop c'est trop. Tu vois, j'aurai bien plus apprécié une rose sur un panier que ce magnifique bouquet, une boite de sardines au fond d'un placard que les trois terrines achetés chez un traiteur.

     

    Qu'est-ce que tu attends de moi ? Je ne me sens pas à la hauteur.

     

    Qui es-tu ?

     

    Il y a un tel décalage entre les costumes de ton armoire et le jeans que tu portais en Savoie. Je t'aimais mieux pauvre.

     

     

     

    Le 23.

     

    J'ai choisi la chambre la plus proche de l'entrée.

    J'ai préféré celle au lit à baldaquin sans rideau. Les poteaux du lit sont magnifiques, je ne sais pas dans quel bois ils ont été tournés, mais ils sont magnifiques. Comme elle donne sur ton bureau je l'ai supposée tienne. Pour m'en assurer j'ai ouvert l'armoire. Je ne sais plus si je t'ai déjà dit, mais je couds tous mes vêtements. Je connais donc très bien les matières. Je n'ai rien sorti de l'armoire, j'ai juste touché les tissus. Les matières sont de très grandes qualités, tes costumes valent une fortune. Et ton manteau !!! Quelle merveille ce tombé !

     

    Qui es-tu Cole ? Tu gagnes ta vie comment ? D'où te vient tout cet argent ?

     

    Je ne suis toujours pas à l'aise chez toi, je vis entre "ma" chambre, sa salle de bain et la cuisine.

     

    Aujourd'hui j'ai passé une assez bonne journée car je suis entrée dans trois grands magasins de tissus. Pour moi j'ai fait des folies, mais pour toi ... Enfin c'est le SDF heureux d'avoir acheté une table chez Ikéa et qui le dit à un type qui n'a que du Roche Bobois chez lui.

     

    Chez toi je ne me sens pas à ma place, dans les rues ça va mieux mais Paris ne me plait pas. Il y a beaucoup de richesses sur les murs, dans des vitrines mais l'air est polluée et surtout les gens sont pauvres. A Châteauneuf comme à Quimper les extrêmes ne sont pas aussi visibles.

     

    J'ai posté les cartes de Maxime. Je m'étais promis de ne pas le faire, mais suite à la conversation avec Madame Fioux ta concierge, je l'ai fait. En remontant de chez elle, j'ai regardé la salle à manger, sa table aux 24 chaises. 24 ! Je me suis amusée à imaginer notre repas de mariage, toi à un bout et moi à l'autre, d'un côté tes invités et de l'autre les miens. J'avais donc 11 invités à trouver. Stoyan, Jérémy, Madame Tillyou, Maxime. Il me reste des chaises vides. Je n'ai pas hésité à placer Maxime preuve qu'elle est toujours importante pour moi. Aussi même si je ne suis pas d'accord avec elle, j'ai fait ce qu'elle voulait, j'ai posté ses cartes postales.

     

    Pourquoi suis-je allée chez Madame Fioux ?

    Les paniers, à qui sont-ils ? A elle ou à toi ? Au début je les avais mis dans le couloir, à l'entrée. Je ne savais pas si elle avait les clés, si elle faisait le ménager en ton absence. Donc j'ai mis les paniers bien en évidence pour qu'elle les reprenne, mais elle n'a jamais du entrer car ils n'ont pas bougé.

     

    Tu lui as fait acheter trop de charcuterie et surtout trop de fromages. Ce midi en sortant je suis descendue lui rendre ses paniers et j'en ai profité pour libérer ton réfrigérateur d'une terrine, des abricots et de trois fromages. Elle a été gênée. Je lui ai bien précisé pourtant qu'il ne fallait y voir aucune générosité, je voulais juste qu'ils ne finissent pas à la poubelle. Elle a été gênée. Gêner par 400g de fromage, 1 kilo d'abricots et une barquette de 250g de pâté. Cela m'a fait sourire. Je la comprends tellement. Si une personne peut être gênée pour si peu, comprends comme je le suis pour les clés, les paniers, les fleurs, et les 250m² grand luxe.

     

    Sache que tu peux lui offrir une belle prime à Noël, elle est vraiment LA concierge parfaite, jamais elle ne dira de mal de toi, mais c'est flagrant, elle te craint. Elle ne l'a pas dit, moi oui. Comprends, je n'ai pas dit "j'ai peur de lui" mais "il vous fait peur". Dans son regard j'ai compris que j'avais vu juste. Elle a répondu que tu étais, enfin "votre mari" est un homme très discret, secret, il n'est en rien comme Mr Welch, lui il s'arrêtait dans le couloir pour discuter, il avait toujours une blague. Ce monsieur Welch ne parlait qu'anglais mais il savait  demander des nouvelles des enfants, de sa soeur, du quartier. Mr Welch Tchigrenkov maitrise très bien la langue français, a-t-elle ajouté, il est très poli mais il est discret, il ne pose aucune question, il ne parle que pour des choses précises.

     

    Je ne sais pas pourquoi, mais après l'avoir saluée, remerciée, sur le bas de sa porte, je me suis retournée et en une tirade, j'ai ajouté la métaphore suivante. Je lui ai affirmé que tu n'étais qu'un tsar de glace. 

     

    Si j'avais été une cousine, la vendeuse de légumes elle aurait confirmé mais face à moi, ta femme... " Votre mari est d'une apparence assez froide en effet" a-t-elle réussi à lâcher.

     

    L'an passé, quand Maxime m'avait arrachée à toi en me tirant par le bras, que je m'étais détournée pour te voir encore alors que j'avançais, elle avait articulé "Ce mec me glace les os". Je l'ai répété à ta concierge, oui je lui ai raconté sans détail,  que la première fois que ma meilleure amie t'avait vu elle m'avait dit que tu lui glaçais les os.

     

    Madame Fioux devait se demander si je voulais la tester ou si j'étais franche. En début elle n'a rien dit, et puis, elle s'est comme détendue, elle m'a sourie et a avoué  qu'elle  avait été  désorientée. Son mot fut "désorientée", quand je te dis qu'elle est la concierge parfaite ! Donc elle a été désorientée  de passer d'un monsieur  Welch sachant dépasser la limite de l'exubérance, à toi monsieur mon mari qui continus ton chemin sans une attention, un regard, un sourire.

     

    Alors, je l'ai interrogée. Lui arrivait-il parfois d'être triste ou déprimée, d'avoir envie, besoin de se blottir sous une couette sur le canapé, face à un bon film avec une glace vanille ou à la pistache voir au chocolat? Une glace c'est très froid lui ai-je fait remarquer, le froid peut brûler, mais derrière cette apparence fumeuse dangereuse, il n'existe sur terre aucune création plus délicieuse, plus réconfortante et qui  sache mieux inspirer les envies d'encore.

     

    " Monsieur Tchigrenkov est un tsar de glace à la vanille, madame Fioux, songez à cela la prochaine fois que vous le verrez monter l'escalier dans son manteau à la coupe impeccable".

     

    Tu dois remuer la tête en songeant "quelle petite sotte". Penses de moi ce que tu veux, si je ne te retranscris ce qui me vint sans réfléchir c'est que vous êtes condamnés à vous revoir, aussi  je ne veux pas que votre relationnel soit décalé à cause de moi.

     

    J'ajoute :

    Elle me croit ta femme, je n'ai jamais démenti.

     

     

    Pourquoi te vouloir une femme que tu n'as pas et surtout pourquoi me choisir moi ?

     

    Le 24.

     

    J'ai tout bien rangé, nettoyé, j'ai même passé l'aspirateur. Même dans les pièce où je n'ai pas vécu. Il n'y a que ton bureau dans lequel je n'ai pas osé pénétrer.

     

    Tu trouveras sur le plan de travail de la cuisine la bouteille de champagne ainsi que la bouteille de vin blanc, je n'ai pas eu envie de les déboucher et je ne savais vraiment pas où les ranger.

     

    Merci pour ta proposition de valise, mais mes tissus et mes livres entrent dans mes sacs et valises.

     

     

    Colerige Alesh j'ai vraiment besoin que tu répondes aux questions suivantes:

    Pourquoi avoir dit que nous étions mariés ?

    Pourquoi avoir transformé la boite de sardines et le kilo de riz entamé par 300€ de fruits et compagnie ?

    Pourquoi es-tu dans un chalet sans eau ni électricité alors que tu disposes d'un appartement avenue Foch ?

    Qui est le propriétaire de cet appartement ?

    Pourquoi tu signes depuis le début C.A.T non C.A.W.T ? Autrement dit pourquoi Welch ?

    Pourquoi voulais-tu que je vois cet appartement ?

    Qu'attends tu de moi ?

    Je t'en supplie, aide moi à comprendre.

     

    Je vais maintenant rejoindre la gare Montparnasse. J'ai déjà repéré une poste pour y timbrer cette lettre.

     

     

    Merci pour ce séjour très très déroutant. A l'heure qu'il est je ne sais que deux choses : Si j'avais regardé sur mappy je n'aurai jamais pris le train et pourtant je vais garder les clés comme tu me l'as conseillé. Pourquoi je n'en sais rien.

     

    Colerige, s'il te plait, ne me fait pas mal.

     

     

    Mickaelle.

     


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