• 160 - Partie 1 - Jour 3 (2).

    - Avant de l'appeler, nous devons accorder nos violons. Viens voir, tu vas mieux comprendre.

     

    Marie José ne saurait dire ce qui la mettait le plus mal à l'aise chez cette femme. Le vol de la clé, ce nouveau tutoiement, ou son insistance pour mentir à la police ?

     

    Philippine n'avait aucune envie de rencontrer un policier. Si son nom venait à apparaitre dans une quelconque enquête, même en simple témoin, dans l'heure  son ex mari réapparaitrait dans sa vie. Non vraiment, elle n'avait aucune envie d'être mêlée à une quelconque histoire impliquant la police.

     

    Appeler la police parce qu'une personne adulte fait le choix de ne pas se présenter à son travail, lui semblait relever de la sottise. Il est des patrons qui méritent d'être remis à leur place et Bernard est l'un de ceux-là. Depuis plusieurs semaines Elvira s'était mise à répéter qu'il devrait y avoir un mur entre la France et la Bretagne, pour qu'ensuite tous les bretons soient reconduits à la Frontière. Trump avait ses mexicains, Elvira son breton. 

     

    Philippine n'en avait rien dit à Igor. Les hommes soutiennent les hommes. Bernard, Igor : y avait-il réellement une différence entre eux ? Leurs plastiques ne pouvaient se confondre mais à l'intérieur qu'existait-il pour qu'ils ne soient pas perçus tel des clones ?  Elvira devait le savoir aussi. Philippine n'en doutait pas.

     

    Marie José ne lui parlait pas de Bernard, elle se taisait, donc elle aussi. A tord peut-être.

     

    Elle la connaissait par coeur, Elvira. Une obsédée de la propreté, du rangement, de la fonctionnalité, de l'organisation.

     

    Une place pour chaque chose

    et chaque chose a sa place.

    Agence et dispose

    pour l'harmonie de l'espace.

     

    Tout son opposé en somme. Les spontanéités de Elvira naissent suite à trois années d'étude de dossiers. Elle n'était rien d'autre qu'une calamité sortie de ses routines, de ses repères.

     

    - Tu as choisi autisme en deuxième langue, toi, rassure moi !

    - Et pendant douze ans j'ai été première de la classe.

    - Tu m'étonnes.

     

    Un jour elle lui avait demandé pourquoi elle donnait toujours douze en nombre d'années. " Parce que cela fait 3 ". Parce que cela fait 3 ! La réponse ne l'inspira pas de creuser plus profond.

     

    En attendant que Marie José approche du réfrigérateur, Philippine se remémorait l'un des grands  classiques de ses échanges avec Elvira. La dernière formulation survint suite au refus pour cause de mauvaise couleur. Elvira ne le voulait pas car il était vert. La mémoire est étrange parfois, Philippine n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'elle était montée offrir à Elvira et que celle-ci avait refusé parce qu'il était vert.

     

    Quand Philippine débarquait chez elle avec un DVD, des chips, des petites saucisses pour Helmut, deux plaids, et du coca, en lui disant : il est génial, il faut que tu vois ça, ( ce qu'elle faisait dix fois l'an), Elvira posait un véto ferme et définitif. Elle avait une autre chose de planifiée, il fallait fixer un rendez-vous. Le programme n'avait jamais rien d'urgent : lire un livre, nettoyer l'intérieur d'un meuble, faire l'inventaire de ses vêtements... Oui oui, l'inventaire de ses vêtements. Elvira tenait un cahier où elle notait tout ce qu'elle possédait, et elle en faisait l'inventaire une fois l'an, ou deux fois peut-être bien. Il est des choses qu'il  faut mieux ne pas essayer de savoir.

     

    L'une était aussi coincée, bloquée et paralysée que l'autre était spontanée, excentrique et simple. Deux extrêmes aussi faits pour se mélanger que l'eau et l'huile. Toujours portée par son enthousiasme, Philippine passait outre aux objections. Elle s'installait avec Helmut qui était toujours volontaire pour vider un bol de petites saucisses fumantes. La télévision et le lecteur DVD se trouvait à l'étage, dans la chambre. Philippine rassemblaient les deux poufs, les collait au canapé, elle enlevait la petite plante de sur le guéridon pour y placer son plateau repas, tout en criant à Elvira de se dépêcher, qu'elle allait rater le début. Un chapelet de NON NON NON NON NON s'élevait jusqu'à eux. Entre chaque NON un argument qu'elle jugeait irrecevable formait la chaîne du chapelet.  Au final Elvira s’asseyait de l'autre côté de Helmut en silence. Et en conclusion générale elle reconnaissait une heure ou deux heures plus tard, que Philippine et Helmut avaient bien fait de monter la bousculer un peu.

     

    - Je dois dire quoi pour ça ?

     

    Quand Marie José fut au niveau du réfrigérateur, Philippine ouvrit la porte du compartiment congélateur. Il était rempli de barquettes en aluminium, de sacs plastique.

     

    - Elvira a disparu depuis trois jours, nous venons de découvrir son sac à main, ses papiers, les clés de sa maison chez elle et vous, Philippine, vous, vous  pensez à manger !

    - Mais non. Mais on dit quoi pour ça ? Tu sais comment sont les flics, ils fouillent même les poubelles. Alors on fait quoi ? On leur dit quoi ? Je jette tout ?

     

    Sur chaque emballage Marie José reconnue l'écriture minuscule de Elvira. Sardines gratinées - Sandre au paprika - Saint-Jacques et homard au safran - Rouleaux de saumon fumé - Raie à la crème. Étrangement lire l'écriture de sa collègue lui faisait du bien.

     

    - Alors on dit quoi ? Il faut que l'on accorde nos violons. Déjà que je ne suis pas pour appeler les frics, au moins que je ne cause pas de problèmes à Elvira.

    - Nous avons le droit à quatorze assiettes par semaine. C'est Yohann qui nous les prépare et tient le registre. Elvira n'est pas une voleuse si c'est cela que tu veux savoir.

    - OK cool. Bon alors j'appelle Benoit. Et je ne te dis pas merci.

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 1er Octobre 2017 à 13:47

    Mante l'opposition entre les deux. Elles devaient donc se rencontrer. 

      • Dimanche 1er Octobre 2017 à 16:48

        Montre ...!

    2
    Lundi 2 Octobre 2017 à 22:28
    Dani et ses Chats

    Elles sont tout de même étranges,

    et je pense qu'Elvira aussi.

    Surtout le comportement qu'elles ont entre elles.

    J'aime bien ta phrase "tu as pris autisme en 2ème langue"  ^-^

     

      • Mardi 3 Octobre 2017 à 12:00

        Etrange en quoi ?

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    3
    Samedi 7 Octobre 2017 à 21:43
    erato:

    Deux caractères opposés qui cohabitent ...... pourquoi pas?

      • Samedi 7 Octobre 2017 à 22:24

        Elles ne cohabitent pas, elles ont 2 appartements séparés.

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