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L'attachement.
Un petit mammifère abandonné cesse d'explorer,
il augmente ses activités orientées sur son propre
corps, dès qu'il est privé de la présence sécurisante
d'une figure familière. Désormais, il réagira à la
moindre émotion par une auto-agression. Cet être
vivant totalement sain va tomber malade de la
privation d'altérité.
Ces observations, mille fois constatées, éclairent un
problème philosophique : quand on a besoin d'un autre
pour devenir soi-même, on peut tomber malade de la
privation de cet autre.
La neuro-imagerie animale et humaine photographie
les altérations cérébrales provoquées par une telle
privation affective. Le lobe préfrontal peu stimulé
diminue son arborisation synaptique qui paraît ainsi
atrophiée. Tandis que les cellules du système limbique
de la mémoire et des émotions sont éclatées à cause de
l'excès de cortisol que le petit sécrète en abondance
puisque, insécurisé par son isolement, toute information
devient pour lui une agression.
La période sensible du poussin ne dure que quelques
heures, à cause de son développement extrêmement
rapide.
Chez le chien, ce moment où il peut s'attacher à toute
figure qui l'entoure et le sécurise dure plusieurs semaines.
Le chiot peut ainsi prendre la double empreinte, celle de son
espèce avec sa mère et celle des humains qui l'adoptent.
Mais lorsqu'il est isolé, souvent pur des raisons commerciales,
au cours des premières semaines, son développement altéré
provoque des troubles de la socialisation avec la famille
humaine qui l'adopte.
Chez les primates non humains, la période sensible dure
plusieurs mois, ce qui, en cas de malheur, rend les troubles
résiliables, à condition de proposer au petit une niche
affective de substitution.
Nous, êtres humains, pouvons souffrir deux fois : une
première fois dans le réel quand nous sommes abandonnés
et que notre niche affective s'appauvrit au point de ne plus
stimuler notre cerveau, comme chez les animaux ; Et une
deuxième fois, dans notre monde de représentations verbales,
quand nous faisons le récit de ce qui nous est arrivé et que nous
nous demandons quel crime nous avons dû commettre pour
être ainsi puni. La parole qui crée le monde humain de
l'artifice n'est pas toujours une bonne affaire, elle peut
nous faire souffrir une deuxième fois, autant qu'elle peut
nous réparer.
Boris Cyrulnik
neurologue, psychiatre & éthologue.
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Commentaires
C'est une approche très intéressante, cela me donne envie d'aller un peu plus loin dans cette réflexion