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    Mais Halka a raison !

     

    Il y a combien d'années que je n'y avais pas pensé ?

    Combien d'années que je ne lui ai pas parlée ? Que je ne l'ai pas sortie de sa boite ?

     

    Ma petite Youpi.

    Comment ai-je pu t'oublier, ma petit Youpi ?

     

    Jade Marie avait ses poupées barbies et le cheval barbie. Ken aussi évidemment ! Et le camping-car. Essentiel le camping-car ! J'en ai eu une aussi. Je ne sais plus qui me l'avait offerte. Quelqu'un qui n'avait rien compris. Elle vivait avec celles de ma soeur. Je ne l'ai jamais voulue dans ma chambre. A chacun son territoire.

     

    Certes j'en ai passé des heures allongée au sol entre les barbies, ma soeur, nos copines, à inventer des histoires qui finissent toujours bien. Ce fut de bons moments, mais c'était le monde de ma soeur. J'y entrais avec bonheur mais aussi avec l'assurance d'en ressortir.

     

    A bien y réfléchir j'ai toujours été trop sérieuse. Jade Marie savait jouer avec ses barbies puis les oublier sous le lit, dans un coffre. Elle savait se souvenir que ce n'était que des bouts de plastique articulés. Le respect m'a toujours habitée. Jamais je n'ai su me détourner d'un objet auquel j'accordais de la valeur à un autre instant. J'ai toujours manqué d’innocence, de désinvolture.  Combien de fois en ai-je voulu à ma soeur ? Combien de fois ne nous  sommes nous pas disputées à cause d'elles ? Je ne supportais pas trouver une poupée dénudée, la tête en bas, prise au piège entre deux coussins du canapé, voir mouillée, une jambe à l'envers, sur la pelouse, ou peut-être pire encore, les cheveux coupés et maquillée aux feutres !

     

    Ma soeur était barbie, les cousins étaient playmobil. Soldats américains avec leur fort pour Philippe, animaux de la ferme pour Maxime.

     

    Je lui avais volé une oie blanche. C'est fou la mémoire. J'avais oublié Youpi, mais je me souviens avoir volé une oie à Maxime. Je l'avais volé pour Youpi bien sûr. Elle, ce qu'elle est devenue ? Je n'en sais rien. 

     

    Les poupées pour les filles, les playmobils pour les fils et pour moi, les peluches.

     

    Chaque peluche avait son prénom, un rang dans la grande famille peluche, une place bien définie dans ma chambre. J'étais une enfant mentale, pas physique, j’inventais dans ma tête, je ne sautais pas dans tous les sens comme Jade Marie. Mes peluches vieillissaient dans une paix royale. Je pouvais passer une année entière sans y toucher. Certes, parfois, les jours de grandes décisions, de devoirs difficiles, j'en prenais une pour l'installer près de moi, la prendre dans mes bras.

     

    Chacune avait son rôle à tenir.  Les nuits de larmes, (rares) Cajoline dormait sous les draps, dans mes bras. C'est lui qui avait le rôle le plus "endommagant". Moumoute en a lu des livres avec moi. Tous probablement. Moumoute comme son nom l'indique est un petit mouton. Il était attaché à un porte clés, le jour où on me l'a offert. J'étais grande déjà. Dix - douze ans. Évidemment je l'en ai libéré. Pourquoi était-ce avec lui que je lisais ? Aucune idée. Je l'installais dans ma manche, et on lisait ensemble. Si je n'avais pas de manche, je l'installais sur mes genoux, voir face à moi, et je lisais à haute voix. Plus d'une fois maman m'a demandée lire tout bas. Jamais elle n'a compris que je lisais pour Moumoute. Jamais je ne le lui aurais avoué.  Le reste du temps, il dormait sur les livres. Sa pâture était ma petite bibliothèque.

     

    Il est encore sur un rayonnage de la bibliothèque. Pampam est dans ma voiture avec Soleil. Avant ils vivaient dans mon cartable. Riri Fifi Loulou sont sur mon bureau. Ils entourent ma plante verte sous la fenêtre. Tout le monde sait qu'il est INTERDIT d'y toucher. On peut m'emprunter ma calculatrice, mon agrafeuse, mon téléphone, on peut fouiller dans mes tiroirs, mes dossiers mais mes triplets, on n'y touche pas. 

     

    Mon équilibre de petite fille dépendait de leur sage présence.

     

    J'ai emménagé chemin des Diligences il y a un peu plus d'un mois avec 23 peluches. En 43 ans je n'ai pas du en perdre 3. Je suis fidèle en amour !

     

    Tout le monde connait mon attachement aux peluches. Youpi est mon secret. 

     

    Youpi dort dans un écrin de bois dans ma table de nuit. Je ne suis même pas sûre que Xavier qui a partagé ma vie dix neuf ans, mon logement, presque autant, l'ait vue. Ce qui est sur, c'est que je ne lui en ai jamais parlé. Je la portais sur moi le jour de notre mariage. Il n'en a rien su.

     

    Je ne sais pas pourquoi je l'ai élevé au rang de fée, de déité, d'ange gardien. Je suis incapable de l'expliquer. Sait-on ce qui se passe dans la tête d'une petite fille même quand celle-ci fut nous ?

     

    Un jour j'ai vu Youpi sur le sable d'une plage, cette petite oie blanche aux bouts des ailes et du croupion jaune pale, au bec du même jaune, posé bien sagement sur le dos, avec un petit ruban en tissus bleu. Elle n'était pas plus grande qu'une prune. L'arrondie de son crâne l'empêche d'entrer dans une coque double de kinder-surprise. Elle était à demie ensevelie. Dès que mes yeux se sont posés sur elle, j'ai su qu'elle avait un pouvoir, j'ai su que je devais la protéger du monde, garder son existence secrète.

     

    Youpi dort dans un écrin de bois dans ma table de nuit. Je ne suis même pas sûre que Xavier qui a partagé ma vie dix neuf ans, mon logement, presque autant, l'ait vue. Je la portais sur moi le jour de notre mariage. Il n'en a rien su. J'ai passé ma vie à la cacher de tous.  Personne n'a su qu'elle était avec moi. Ma Youpi aux mille pouvoirs.

     

    Youpi. Comment ai-je pu t'oublier ?

     

    - Je pars trois minutes et tu rigoles toute seule ! Il se passe quoi là ? J'ai raté quoi ?

    - Rien du tout. Je repensais juste à ce que tu m'as dit, et tu as raison. Tous les enfants, à un moment où un autre rêve d'avoir un animal.

    - Tu vois. Alors raconte. T'as emmerdé tes parents pour avoir quoi ?

    - Ils ne sont pas au courant, je ne m'adressais qu'au père Noël. Chaque année, je pense que cela à bien durant dix ans, je lui demandais une oie.

    - Une oie ! T'étais  tordue comme gosse ! Une oie. On ne va pas mettre une oie sur la pelouse. Aglaé et Sidonie. Tu ne voulais pas la truie avec ? Solange et Aglaé ! Elle va nous faire une syncope, la voisine.

     

    Halka a toujours une façon très personnelle de détourner les situations.

     

    Non bien sûr je ne vais pas inviter une oie sur la pelouse. Mais alors que je n'étais encore qu'une toute petite fille, et même quand je ne fus moins, oui j'aurai aimé que ma toute petite oie de porcelaine aux mille pouvoirs, se transforme en une oie en chair et plumes. En fait je crois que je ne l'aurai pas voulu tout le temps. J'aurai continué à la transporter dans ma poche dans sa version miniature de porcelaine et alors que nous aurions été seules, elle se serait transformée en être vivante et bien sûr parlant le français.

     

    Je n'ai jamais voulu une oie, je voulais Youpi autrement, plus puissante. Pour tout dire, je n'ai même jamais vu d'oie en vrai, face à moi. Je ne sais pas trop la taille qu'elles font.

     

    Non je ne veux pas d'animaux chez moi. Mais Halka a raison, il serait peut-être bon de construire une clôture entre chez Solange et chez moi. C'est bien pratique qu'elle tonde tout l'espace pelouse en une seule fois, mais c'est vrai aussi qu'elle a tellement l'habitude que chez moi soit chez elle qu'elle arrive sans prévenir trop fréquemment. Elle est mon amie. J'ai déménagé pour me rapprocher d'elle, seulement il y a Halka.

     

    Halka qui monologue sur Aglaé & Sidonie. Elle me tend sa tablette avec le dessin animé que s'y donne. Agénor le coq. Ce dessin animé n'éveille en moi aucun souvenir. 

     

    J'ai envie de rentrer dans son jeu.

     

    - Oui vraiment tu me donnes envie de réaliser mon rêve d'enfant, Halka. Tu as raison, je ne vais pas utiliser l'argent de tous tes loyers pour offrir des arbres à Geaidydy . On va clôturer la pelouse et prendre une oie, mais on ne l'appellera pas Sidonie. On peut trouver mieux.

    - Solange ?

    - C'est déjà pris.

    - C'est vrai tu as dit trouver mieux.

    - Pour qu'elle ne soit pas seule, ma petite oie, on va prendre chacune notre poule pondeuse. Quand tu partiras, tu prendras ta poule. Geaidydy est d'accord avec moi. Tiens, imagine, juste là, à gauche, je vois déjà leur maison. Lukasz va bien nous fabriquez ça. Imagine une jolie petite cabane en bois avec

     

    -NOOOOOOOON.

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Décembre 2015 à 17:58

    La partie centrale de ce chapitre est assez touchante je dois avouer. Et maintenant ?   

    2
    Mardi 8 Décembre 2015 à 21:59
    erato:

    J'aime beaucoup ce monologue , souvenir d'une enfance sérieuse , une enfance rêveuse .  Ces amours ,  ces amis de petite fille qui le restent en grandissant  et qui apportent autant de bonheur. 

    Ces rêves là , vont-ils se réaliser?

    Belle soirée Sereine

    3
    Mercredi 9 Décembre 2015 à 20:14

    Y aura t-il une vraie Youpi dans sur la pelouse ????

    Est-ce que Guénady aura une oie pour amie ou ennemie ?

    .... Il va falloir avancer dans l'histoire.

    Je m'y remets donc ...

     

    Pour info, je vous ai déjà trouvé les 2 nouveaux sujets de "texte pluriel" vous allez devoir faire preuve d'imagination. RDV le 11 puis le 26.

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