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    Paris

    jeudi 17 mars 16.

     

    Beau Cole,

     

    Où as-tu passé ta nuit ? Tu as probablement mieux dormi que moi. Sans l'avoir décidé, j'ai passé ma nuit à attendre tes pas qui ne se sont jamais fait entendre. Je me suis levée triste, je me suis rendue à la cuisine déserte. Alors je suis entrée dans ton bureau pour me mettre dans les yeux ton lit non défait. Tu n'es pas là et je suis triste.

     

    Le mur m'a soutenue le temps que je me souvienne de nous. J'ai ensuite caressé le billard comme tu m'avais touchée alors qu'on y jouait.

     

    Certes je n'ai pas vécu beaucoup d'instant heureux. Mes histoires d'amour étaient toutes des histoires médiocres, même si je n'ai jamais connu l'enfer que certaines femmes s'infligent pour ne pas être seules. Je n'en veux à aucun de mes partenaires car même volontaire et désireuse, il y avait toujours une partie de moi qui restait emmurée. Pauvres hommes, ils partaient tout perdants. Tu vois souvent les gens disent "je voudrais trouver quelqu'un qui m'aime". Connerie. Les personnes qui nous aiment n'ont aucun pouvoir. Ils peuvent frapper à la porte de notre cœur avec poèmes, fleurs, et que sais-je encore, le verrou est à l'intérieur donc si une personne ne trouve pas l'élu qui l'aime c'est juste qu'elle ne s'autorise pas à aimer. Je sais cela depuis des lustres. Un jour j'ai lu une phrase qui résume qui je suis.

     

    Comment pouvoir croire qu'un inconnu nous aime

    alors que nos propres parents ne nous aiment pas?

     

    En substance elle disait cela.

     

    Je n'ai jamais aimé personne. J'avais cru aimer Serge. David aussi un peu. Je le lui ai affirmé. Je lui ai menti car je me mentais. Je n'ai jamais aimé Serge car ce que je ressens pour toi, je ne l'ai jamais ressenti pour lui. Cet homme me flattait, il me faisait vivre, il me sortait de mes romans, ma couture, de mes endormissements. Tu vois ce que j'ai aimé le plus en lui fut sa femme. Et son métier aussi. Il nettoyait des maisons brûlées. Donc entre ses déplacements et sa femme, ses gosses, il était l'homme idéal car on ne se voyait jamais. On se téléphonait beaucoup par contre. Comme on y a ri ! Je l'aimais mieux en son absence que sur le temps de sa présence, il était mieux dans mes scénario inventés que dans la réalité. Et tu sais pourquoi ? Parce quand il était en chair et en os devant moi, je n'étais plus qu'une emmurée. Je crois que je suis cette phrase du livre. Mes parents ne m'ont pas aimés donc personne ne peut m'aimer. Je crois qu'en moi il y a une logique qui se résume de la sorte : Si j'aime Serge, comme mes parents il va finir par vouloir vivre là où je ne suis pas et moi, je n'aurai que des larmes pour compagnie. Alors je jette avant d'avoir été jetée, je jette tellement vite que je ne démarre rien. Une emmurée je te le dis.

     

    Quand nous avons joué au billard je ne l'étais pas. Quand ta main s'égarait sur ma taille, chaque fibre de mon corps aspirait son énergie, sa chaleur, ta forte. Je capte tout de toi. Je suis libre. Je ne sais par quelle magie mais tous mes murs ont disparu. Il n'en reste rien.

     

    Pourquoi, comment j'ai pu casser mon mur parce que toi ? Qui es-tu pour moi ?

     

    Il y a une mythologie ridicule qui raconte qu'au ciel nous sommes par deux comme les grains de café ou les cacahuètes et que quand on descend sur terre, l'union se défait. Vivre devient une recherche de son complément. C'est poétique et con  à la fois. Depuis août 14, depuis que nous nous sommes vus je commence à y croire. Mais alors cela voudrait dire que nous vivons avant la vie. Et surement après la mort. C'est peut-être parce que je t'aime depuis trente mille ans que j'ai explosé mes murs en te retrouvant. C'est peut-être parce que je t'aime depuis trente mille ans que je me suis emmurée pour n'être qu'à toi, même si tu n'es pas là. Là on arrive sur une autre mythologie : Ulysse et Pénélope.

     

    Je t'aime veut dire tu m'as ouverte à la vie. Mon amoureuse est libre. Libre de m'offrir à toi.

     

    Cole mon amour, je peux mourir aujourd'hui car je sais maintenant ce qu'est l'infiniment beau. Il porte ton empreinte.

     

    Ce matin je suis bien restée une heure appuyée contre le mur, les yeux perdus dans notre soirée autour du billard. Je t'imaginais plus grand. Absurdité totale. J'aime que ta bouche soit à la hauteur de mon oreille quand tu viens te coller contre moi. J'aime que ton visage ne m'échappe pas.

     

    Tu sais combien de fois tu m'as touchée alors que les boules du billard attendaient d'être sorties du tapis vert ? 78 fois. Oui j'ai compté. Pas en février, ni ce matin, mais entre les deux. Chez moi, je me suis au moins repassée le film de notre soirée des dizaines de fois aussi je peux te dire avec exactitude que tu m'as touchée, effleurée, caressée, chatouillée, dessinée, arrêtée 78 fois.

     

    Pourquoi m'avoir repoussée Cole ?

     

    Pourquoi quand j'ai voulu t’embrasser Cole, pourquoi as-tu serré des mâchoires, oui tu as serré des mâchoires, avant d'affirmer qu'il était temps que j'aille me coucher, avant de m'abandonner dans ton bureau ? Tout de toi disait que tu en avais autant envie que moi. Alors pourquoi ?

     

    " Je crois qu'il est temps que tu ailles te coucher Mickaelle. Bonne nuit."

     

    Pourquoi as-tu dit cela ? Pourquoi as-tu fait ça ?

     

    Et maintenant pourquoi n'es-tu pas là ?

     

    Aujourd'hui je suis allée au salon du livre en prévu. J'y suis allée comme si c'était une corvée alors que j'en rêvais depuis des années. Une fois sur place je me suis sentie ridicule au milieu de cette foule immense. Je t'entends me dire "tu ne sais pas ce que tu veux". Ce n'est pas ça. Tu es mon essentiel, le reste est devenu secondaire, même mes plus vieilles priorités.

     

    Je sais ce que je veux. Ce dont j'ai besoin. Je veux ton torse. J'ai besoin d'une cure de toi. J'ai besoin de me blottir contre toi et d'y rester collée le temps de me ressourcer. Je suis comme une batterie déchargée qui a besoin de demeurer brancher des heures pour retrouver son optimum.

     

    Oui tu m'as fait casser mes murs mais maintenant je dépends de toi, je ne suis plus à moi.

     

    Cole pourquoi n'es-tu pas là ?

     

    Jeudi s’achève. Tu ne seras pas là sur les trois jours qui viennent non plus. Je ne suis pas sotte, je l'ai bien compris. Pourquoi tu me fais ça ? Qu'attends-tu que j'y comprenne ? Qu'attends-tu que j'y vive ?

     

    Demain je n'irai pas au salon du livre. J'ai acheté mon entrée pour rien. Demain je me noierais dans le dernier Jean Christophe Grangé que je n'avais pas encore. Il a une écriture plus forte que ta présence absente Cole. Enfin je l'espère. Grangé me sauvera ma journée. Je veux y croire. Et je vais aussi prendre le temps de regarder en détail mon cadeau de noël offert par Charles Welch.

     

    Non je n'ai pas acheté J.C.Grangé au salon du livre, je me suis arrêtée dans une librairie. C'est là aussi où j'ai pris  les trois autres livres. Je n'ai rien acheté au salon à cause de la foule. Elle m'a toujours tenue en retrait. Enfin elle n'est coupable de rien, c'est moi qui ne m'y mélangeais pas. Pas de force pour ça. Preuve que j'ai besoin d'une cure de toi. Je m’éteins peu à peu. A la fin du week-end il ne restera plus rien de moi.

     

    Minuit dépassé, je vais me coucher.

    Cole, mon amour, passe une bonne nuit où que tu sois allongé.

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 4 Septembre 2016 à 13:02

    Comment dire ? 3 jours qui restent ? Il viendrait au dernier moment que ...

    Une forme de distance, non pas froide mais pour conserver du recul ?

    J'attends voir ses futures explications, une lettre après une autre brève rencontre ?

    Ps : j'ai noté l'allusion à Serge et aux maisons qui brûlent, pas un hasard je pense

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    2
    Dimanche 4 Septembre 2016 à 17:41

    Il n'y a jamais aucun hasard dans un livre, tout est détail pour la suite.

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