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    Le 22 Mai.

     

     

     Mr Tchigrenkov,

    Colerige,  Mr Colerige,

     

    Ce matin, en allant au courrier, (je ne travaille jamais les vendredis) si la rampe n'avait pas été là, je serais tombée dans l'escalier de mon appartement. Je n'avais pas allumé, Kaume était assise sur la première marche, je ne l'avais pas vue, j'ai cogné dedans, cela lui a fait peur, elle a fuit entre mes jambes, cela m'a déséquilibrée. Je serais tombée en avant si la rampe n'avait pas été là.

     

    Au retour, le courrier à la main, je suis tombée en arrière, je me suis assise sur les marches quand j'ai vu ton court texte. Je suis passée en apnée prête à encaisser le coup de poing que les mots allaient me donner.  Je m'étais préparer à de la haine, j'ai reçu de l'humanité et même plus que çà.

     

    Et j'ai reçu ton prénom, ton prénom.

     

    J'en suis tombée à la renverse.

     

    Il est beau. Il fait très américain collé à un patronyme russe, mais il est géant comme toi que j'ai placé sur un piédestal.

     

    Tu as un tel pouvoir !

     

    J'en suis mille fois plus touchée que je ne l'aurai imaginé. Un prénom qu'est-ce qu'un prénom ? Un petit rien. Le tien me semble tant.

     

    Kaume encore elle, est venue me rejoindre sur les marches. Je l'ai calée sur mes genoux et nous sommes restées aussi un long moment. Ensuite je me suis levée car Stoyan arrivait. Kaume m'a abandonnée pour courir à lui. Moi j'ai préféré fermer ma porte d'entrée et monter chez moi. Je ne pense pas te l'avoir déjà dit mais ma porte d'entrée d'appartement se situe au premier étage, alors que je vis au second, d'où l'escalier privatif.

     

    Pourquoi je commence par te raconter cette double anecdote arrivée ce matin ?  Parce que tu m'as donné ton prénom.

     

    C'est vraiment la première chose que tu m'offres de toi. Merci.

     

    J'en suis infiniment touchée et parallèlement profondément gênée par ce que tu écris sur ma vie. Je ne peux te laisser continuer à me croire une femme mariée, avec filles et amant. Oui j'ai été l'épouse de Lionel mais cela fait bien longtemps. Pour ce qui est de Stoyan, il est en couple avec Jérémy et ils sont mes voisins du dessous. Quant à mes filles ... Kaume et Ayatt mes filles ne sont pas ce que tu crois, je ne les ai pas mises au monde, ce sont des teckels à poils longs. Je les nomme mes filles mais elles sont des chiens, je n'en suis pas la mère.

     

    Je ne pouvais pas te laisser plus longtemps croire à une version diamétralement opposée à la réalité.

     

    Conclusion je suis triste.

     

    Tu m'as offert enfin un peu de toi, et je sens que j'ai tout gâchée.

     

    Mais qu'est-ce que je croyais ? Personne ne sort jamais de sa condition !!!

     

    Je te vois refermer l'anorak que tu avais commencé à ouvrir, par ma faute. Je me sens d'un coup misérable dans tes yeux. Aussi non, je ne me mettrai pas à nue devant toi, pour exhiber ma plus grande cicatrice : mon frère, sa mort.

     

    Je suis désolée, c'est trop grave, je ne supporterais pas de te savoir riant.

     

    Je ne suis pas du tout guérie, je suis handicapée à vie.

     

    Quand j'ai posé mes yeux dans les tiens, l'été passé, quand tu m'as laissé m'y reposer, m'y nourrir, tout mon corps s'est senti vivant dans ta lumière. Nous sommes restés comme aimantés dix secondes, dix heures, mille ans. Il n'y avait plus toi, plus moi, par mes yeux tu étais en moi, par les tiens j'étais riche de toi. Instant infini sublime. Tu as touché celle que je suis, celle qui sommeille au fond de l'automate qui donne l'illusion au monde que Mickaelle Kervelou existe. Sous ta lumière je me suis redressée, j'ai ouvert paupières et coeur, et je t'ai senti caresser mon âme. Tu m'as vue. Tu m'as vue.

     

    Ensuite quand Maxime m'a tirée par le bras, que le lien de nos yeux s'est cassé, que je t'ai recherché à nouveau, une fraction de seconde j'ai cru comprendre que toi aussi tu nous voulais encore. Oui là j'ai eu la confirmation que tu m'as vue, que tu m'as vue. Et que je t'ai plu.

     

    C'est pour ça que j'ai osé t'écrire.

    C'est pour ça que ce que d'autres prendraient pour détail (ton prénom), moi je le reçois tel un cadeau géant.

     

    Mais voilà j'ai rêvé trop fort. Je suis comme un homme en fauteuil roulant qui regarde un écran. Il s'y concentre tellement qu'il en oublie ses jambes mortes, qu'il se sent vivant jusqu'aux orteils, qu'il se voit entier comme les gens dans l'écran. Seulement voilà, quand il veut se lever la réalité lui rappelle sa condamnation à perpétuité.

     

    Je n'ai jamais voulu te tromper. Pardon.

     

    Je n'ai ni mari, ni amant, ni enfant, ni famille, je suis trop handicapée pour ça.

     

    Merci de m'avoir fait me sentir vivante une minute en août dernier.

    Merci de ne pas en avoir ri.

     

    Dans tes yeux il y avait une lumière si belle, si belle, si belle qu'elle m'avait fait rêver que ... Mais je reste une condamnée à perpétuité.

     

    Je n'aurai jamais du commencer à t'écrire.

     

    Je ne te parlerais pas de mon frère. Je l'ai tué car je suis un montre. Il n'a jamais été méchant envers moi, je ne suis pas sa victime, je ne suis que son bourreau.

     

    Seuls les poissons rouges me supportent car ils n'ont pas le choix, ils sont comme moi des emmurés vivants. Mes filles, elles me prennent pour une nounou chez qui elles doivent rester quand Stoyan n'est pas là.

     

    Adieu Colerige.

    C'est mieux aussi.

    Plus tu  en sauras sur moi, plus tu me détesteras. Et ça je ne le veux pas.

     

     

    Mille mercis pour tout.

    J'ai rêvé trop fort.

    Pardon. Pardon de t'avoir entrainer sur un chemin qui ne mène nul part.

    Adieu Colerige, adieu bel homme d'Amour.

     

    Mickaelle.

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  • Commentaires

    1
    Mardi 21 Juin 2016 à 07:48

    Ah oui, en effet : un sacré stock de découvertes aujourd'hui. Les "filles", le mari, les amants (on dirait un titre de film).

    Et la réaction de Mickaëlle ... qui se dévoile

    J'attends celle de Tchig, je n'ai p)as d'a priori su sa minière de réagir,  on verra

    2
    Mardi 21 Juin 2016 à 20:17

    RDV ce week-end.

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