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    Mr Tchigrenkov,

     

    La nuit est tombée. Je devrais aller me coucher mais je reviens une nouvelle fois, prendre une nouvelle page blanche, car bien sûr celle mise sous enveloppe va passer au panier comme toutes les précédentes. Les écrire me permet d'évacuer ma colère contre vous, de mettre en lumière l'évolution de ma réflexion.

     

    J'ai commencé, super furax par un énorme "pauvre con", ensuite je me suis gonflée d'orgueil, je vous ai noté toutes les raisons que vous pouviez avoir à vous méfiez de moi, bien plus que moi de vous. Ensuite encore, j'ai découvert que votre dernière lettre (je n'ai pas gardé les enveloppes des précédentes) avait été posté à Paris, dans le XVIème. Vous avez donc eu le droit à mes sentiments les plus contradictoires sur ce nouveau sujet aussi.

     

    Mais tous cela est sans importance. La nuit est tombée, je me suis apaisée. Je vais allée au lit en n'ayant plus qu'un seul reproche à vous faire : Vous avez réveillé mon frère, enfin pas lui puisqu'il est mort, mais ma culpabilité de l'avoir tué. Dans ma première lettre, je vous ai écrit quelque chose du style : tueur pour tueur, vous ne me faire pas peur, j'ai tué aussi. Comme si je devais me comparer à vous !

     

    Les heures ont passé, les lettres se sont additionnées en morceaux au fond de ma poubelle et ne reste que mon frère dans mon esprit.

     

    J'ai mis des années pour parvenir à vivre une simple journée sans me demander comment j'avais pu le tuer. Et puis un jour j'y ai pensé moins, puis encore moins, jusqu'au jour où je n'ai plus pensé que je n'y pensais plus. D'une certaine façon je devrais peut-être vous remercier de me l'avoir remis en mémoire, car j'ai réalisé comme je l'avais oublié.

     

    Alors merci et pas merci.

     

    Merci de me faire voir comme j'ai vraiment progressé. Je n'ai pas du songer à lui depuis le début de l'année. Nous sommes le 16 mai. Je peux être très fière de moi.

     

    Pas merci car c'est douloureux d'être dans la peau d'une fille qui a tué son frère. Ce n'est pas seulement son assassinat, c'est aussi toute la suite, ma condamnation à perpétuité qui est lourde à porter. Vous voyez c'est un peu comme... Non je n'en écrirais pas plus car 1) vous vous en indifférez et 2) je ne veux pas argumenter pour couler un peu plus mon moral alors que je dois aller me coucher.

     

     

    C'est fou, j'ai lu et relu votre lettre vingt fois, peut-être trente et je ne me souviens de rien, il ne me reste qu'une profonde tristesse, celle de ma condamnation à vie. 

     

    Nous sommes samedi soir, bien qu'il soit 23h dépassés les lampadaires sont encore allumés, aussi je vais aller poster cette lettre sans même la relire.

     

     

    Recevez respect et gratitude.

    Mickaelle.

     

     

     

     

    Mr Tchigrenkov, je n'attends qu'une seule chose de vous : Que vous fassiez ce que vous avez envie de faire.

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 12 Juin 2016 à 08:11

    Il est certain que la lecture de "il brûle" aide à comprendre cette lettre.

    Bien décalée la Mickaelle tout de même

    2
    Dimanche 12 Juin 2016 à 11:55

    Qu'entends tu par  " Décalée " ?

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    3
    Dimanche 12 Juin 2016 à 16:19

    Le "ton" général qu'elle emploie, tantôt affecté tantôt très léger 

      • Lundi 13 Juin 2016 à 20:24

        Je rajouterai un mélange d'empathie et d'indifférence ...

    4
    Lundi 13 Juin 2016 à 21:08

    J'aime tes 2 comm, ils me prouvent que j'arrive à faire passer l'état d'esprit que je voulais pour Mickaelle.

    Merci.

    5
    Mardi 14 Juin 2016 à 07:41

    Alors c'est réussi

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