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    6h56.

    Le 2 mai 15.

     

    Mr Tchigrenkov,

     

    Jamais de ma vie je ne me suis levée sur l'heure de 6 h. Nous sommes dimanche et je me lève avant 7 h. C'est vraiment à donner envie de retourner se coucher. Si j'avais eu la présence d'esprit de jeter un œil sur le réveil, j'aurai rabattu la couette sur moi, je n'aurai jamais posé le pied au sol.

     

    Mais je suis debout alors j'élimine la corvée : vous écrire. Oui c'est une corvée pire un dégoût. C'est très moche ce que l'on m'a dit de vous, ce n'est donc pas de gaité de cœur que je vais vous en faire un résumé. Je vais le faire sans rien omettre pour répondre à votre volonté. Ensuite en consolation avec mes filles j'irai acheter des croissants pour un petit déjeuner chez Stoyan. Les filles vont adorer et lui aussi j'en suis sûre, même si je le sors du lit. Avec lui, je saurai oublier cette horrible lettre que j'aurai posté avant d'entrer à la boulangerie.

     

    J'aimais bien Tchig comme nom (sans vouloir vous offenser) mais Tchigrenkov fait plus classe. Plus russe aussi. Je comprends mieux pourquoi les gens vous imaginent russe, votre nom de famille ne vous rend pas très grecque, encore que je ne sais pas comment sonnent les noms Grecs n'en connaissant aucun. Ah si Nikos Aliagas. Que de culture générale !!!! Pauvre de moi. Mais le C de votre prénom peut être Casius ce qui vous ferait africain ou Calogero qui vous ferait italien. Et le A qu'est-il ? Votre prénom est Casius Alfred ? Claude Albert ? On a quoi comme prénom russe commençant par C ? Si vous êtes vraiment russe le A c'est le prénom de votre père avec une terminaison  en vich. C'est ça non ? Antonovich ? Bon j'arrête d'écrire n'importe quoi pour ne pas commencer l'aveu désolant.

     

    Et puis zut, c'est vous qui l'avez voulu donc vous l'aurez. Je me lance.

     

    En effet on m'a dit que vous étiez un russe qui avait tué des tchétchènes. On m'a aussi parlé de votre scooter des neiges, mais n'allez pas croire que j'ai mené une enquête sur vous.

     

    Maxime et moi avions loué une chambre chez l'habitant. Nous y avons dormi 5 nuits très exactement. Le matin au petit déjeuner nous demandions conseil pour l'excursion du jour et le soir, autour d'un bon repas nous évoquions ce que nous avions admiré. Le matin du 23 août Françoise nous a invitées à rouler jusqu'au lac de la Zattig puis à suivre le chemin de randonné qui nous conduirait à  sa source, sa chute d'eau glaciale. Elle ne nous avait pas prévenu qu'entre le lac et la chute d'eau il y avait un hameau, aussi le soir nous l'avons évoqué. Je n'avais aucune arrière pensée. Je ne me suis pas voulue détective privée. De plus c'était notre dernier soir, donc ce ne fut pas l'unique sujet. Vous n'avez pas été "sur la table" plus d'un quart d'heure. Mais ce fut suffisant pour en apprendre trop.

     

    Voilà donc ce que mes oreilles ont entendu.

     

    Bertrand nous a dit que le hameau était habité par un fou dangereux. Il a parié que si nous vous avions vu, nous vous avions forcément vu en train de construire un mur. Maxime l'a confirmé. Il a dit qu'à l'origine il y avait 5 maisons. (Sur mes photos je n'en distingue que 3).

     

    Donc, a-t-il dit voilà une quinzaine d'année un hélicoptère a fait plusieurs allers-retours au hameau de la Zattig, hameau abandonné depuis plus de vingt cinq - trente ans.

    Pour certains vous démolissez les maisons pour récupérez les pierres afin de construire un bâtiment pour votre hélicoptère, alors que pour d'autres vous faites un mur d'enceinte.

     

    Vous ne parlez que le russe, vous ne savez pas un mot de français, même pas MERCI ou BONJOUR.

     

    Je trouve que vous maitrisez drôlement l'écrit pour quelqu'un qui ignore tout de l'oral.

    Mais c'est vrai que quand nous nous sommes rencontrés vous n'avez pas répondu à notre bonjour. Attention ce n'est pas un reproche, c'est juste un constat qui nous a permis de ne pas mettre la parole de Bertrand en doute.

     

    Vous êtes un type sanguinaire et violent toujours selon Bertrand. Vous avez battu un enfant de Beaufort.

     

    Il parait que des villageois suite à cette histoire, et voyant l'indifférence de la police, sont montés chez vous mais ne vous y ont pas trouvé. Il parait qu'ils sont alors entrés en cassant un carreau et qu'ile ont découvert une maison comme au siècle dernier sans eau courant, sans électricité avec juste une table bancale et une chaise, un vieux lit de fer d'une personne sous un édredon poussiéreux. Vous n'aviez même pas de draps dans votre lit. Vous vivez comme un fugitif, un sauvage. Il parait qu'ils ont fouillé la maison mais qu'ils n'ont pas trouvé d'argent alors qu'ils sont persuadés que vous êtes richissime. Vous spoliez les tchétchènes.

     

    Françoise dit qu'ils ont tout cassé à l'intérieur et qu'ils ont même sorti des choses pour y mettre le feu. Bertrand qui n'était pas de ceux qui sont montés chez vous affirme qu'ils ont juste mis un peu de bazar, rien de plus.  

     

    Il parait que vous disparaissez pendant plusieurs semaines en hélicoptère et que vous revenez ensuite pour casser un autre bout d'une des maisons afin de prolonger votre mur.

     

    Vous n'avez rien de civilisé, vous ne descendez jamais à Beaufort, vous ne parler à personne, vous n'essayez pas d'apprendre le français.

     

    Vous êtes un russe tueur de tchétchènes en fuite et vous vous faites discrets. Quand l'hélicoptère vient vous chercher, c'est qu'une nouvelle mission vous a été donnée. Pour les uns vous êtes un tueur professionnel et pour les autres un agent secret protégé par le gouvernement français ce qui expliquerait votre scooter et l'absence de réaction de la police française quand vous avez tabassé l'enfant.

     

    Voilà vous en savez autant que moi.

     

    Je tiens juste à dire que si j'y avais cru, je ne vous aurais pas écrit puisque je me serais dit que vous n'auriez pas réussi à me lire puis ensuite à me répondre en  français.

     

    7h52.

    C'est fou le temps que j'ai mis à ne pas vouloir écrire ce torchon.

    Je déteste cette lettre.

     

    Une Mickaelle malheureuse qui ne va même pas se consoler en allant acheter des croissants : il pleut.

    Cette journée démarre vraiment très très mal.

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 5 Juin 2016 à 12:25

    Quelle relation extrêmement trouble entre ces protagonistes

    Admiration - répulsion ? Et comme moi des questions sur  initiales

    Continue comme ça, j'aime le ton de ce roman

    2
    Dimanche 5 Juin 2016 à 14:11

    Au fil des lettres ils vont peut-être finir par trouver un ton commun ????

    Moi en tout cas je m'amuse bien et comme CAT n'est pas "bavard" les chapitres s'additionnent vite.

    Il va te falloir encore 5 ou 6 chapitres avant de savoir les lettres absentes de C..... A.... Tchigrenkov. Comme Mickaelle tu peux naviguer dans  ton imaginaire tout juin.

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