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    - Tu es vraiment prévisible Arlequin, j'étais sûre de te trouver dehors avec les chamachas.

    - Bonsoir Halka. Le soleil est encore chaud, alors j'en profite pour les faire découvrir l'herbe. Tu as mangé ?

    - Je ne viens pas pour ça. Je veux te montrer une photo. Je nous fais un thé le temps que tu cours après les chamachas, et que tu rentres.

    - OK.

     

     

    - Pas toute jeune cette photo. C'est toi petite ? C'est le jour de tes un an.

    - Le gâteau et la petite bougie au centre sont pour Janko. Le bébé dans la chaise c'est lui. Là c'est Lukasz et moi je suis là.

    - Tu es toute mignonne. Et les deux autres enfants ?

    - Ce sont les voisins.

    - Pourquoi tu veux me montrer cette photo ?

    - J'étais fascinée par la bougie, alors je l'ai soufflée. Bien sûr maman l'a rallumée car c'était LA bougie de Janko pas la mienne. Je crois que tout est partie de là. Oui cela a du me frustrer. Le lendemain j'ai pris la boite avec toutes les bougies dedans. Tu comprends j'étais une petite fille 5 ans et voilà je voulais les allumer juste pour que je puisse dire qu'elles sont à moi, pour les souffler sans me faire engueuler. Alors je suis allée chez la voisine, cette fille là, la fille sur la photo à côté de Lukasz, ma super copine de l'époque.

    - Elle s'appelle comment.

    - Tais toi, écoute moi, ne m'interromps pas, sinon je ne pourrai pas aller au bout. Tais toi.

    - ok.

    - Donc je suis allée avec mes bougies, chez la voisine. Il y avait dans le jardin une cabane en bois, aujourd'hui on dirait un abris de jardin mais bon c'est une cabane en bois. On avait pleins de jouets dedans, presque toutes nos poupées, c'était notre air de jeux, un lieu interdit aux parents.

    Je me souviens très bien avoir été déçue de ne pas y trouver ma copine, mais très bien. Enfin maintenant je n'en souviens très bien. Je voulais lui montrer mon trésor. Mais elle n'était pas là. Alors j'ai changé de logique. j'allais lui faire une super surprise. J'ai disposé toutes les bougies, et bien sûr pour que ce soit encore plus fantastique, je les ai toutes allumées. Mon père fume, il y a toujours eu des briquets qui trainent dans toutes les pièces. Je me souviens avoir eu du mal à avoir une flamme, ou une flamme qui dure assez longtemps pour allumer une bougie. J'ai mis beaucoup d'application pour faire une super surprise à ma copine.

    Mais c'est son frère qui est arrivé. On le détestait celui là, il nous collait tout le temps. Pour nous ce n'était qu'un bébé. On était des grandes filles de cinq ans et lui un tout petit de même pas trois ans. J'ai été très en colère qu'il découvre ma surprise, vraiment très en colère, alors, je n'avais plus eu envie de faire une surprise. J'ai fermé la porte pour qu'il ne me suive pas et je suis allée dans ma chambre, pour bouder probablement, mais le temps de courir, d'une maison à l'autre, je ne boudais déjà plus. Je me souviens très bien m'être mise à dessiner dans ma chambre.

    Quand Lukasz est entré dans ma chambre il m'a trouvée bien sage à mon petit bureau, tirant la langue car je m'appliquais à faire le plus beau dessin du monde pour maman ou papa. Je ne sais pas ce que Lukasz me voulait, je ne sais pas si il me l'a dit, car très vite il a vu de la fumée sortir de la cabane. La fenêtre de ma chambre donnait droit sur la pelouse des voisins. Il était plus grand que moi, il avait neuf ans. A neuf ans on sait ce qu'est le feu, on sait que si on en voit un, il faut vite aller le dire aux parents. Il m'a quittée en courant, et je me suis installée à la fenêtre pour admirer le spectacle. Moi j'avais cinq ans. La maison de bois en fumée c'était  fascinant.

    J'ai vu mon père courir vers la cabane de mes poupées et Lukasz aller chez les voisins, dans leur maison. Le papa de ma copine en est sorti. C'est lui que Lukasz avait été chercher. Ensuite les deux hommes ont laissé Lukasz tout seul devant les flammes. Ils sont revenus avec le tuyau d'arrosage. J'ai vu aussi maman plaquer Lukasz contre elle. Il était devenu trop grand pour qu'elle le porte.

     

    J'avais déjà dit à maman que je faisais des cauchemars depuis des semaines, que je voyais des flammes, mais elle n'y avait pas vraiment réfléchi. Comme toi Kara Ann elle pensait que suite à l'incendie de ma maison, il n'y avait rien d'étrange à cela. Seulement maintenant que je dors chez elle, que je la réveille la nuit en hurlant c'est différent.

    Alors elle m'a raconté le lendemain des un an de Janko. Elle a retrouvé cette photo. Ses souvenirs ont réveillé les miens. Papa aussi s'est additionné à nous. On passe nos soirées à revivre le lendemain de l'anniversaire de Janko. Plus on en parle, plus notre mémoire est vive.

     

    Donc j'étais à ma fenêtre et j'avais vu sur Lukasz plaqué contre maman. Je lui voyais les bras qui gesticulaient. Je crois que j'ai rigolé, c'était marrant, il y avait le dos de maman et des bras qui leur sortaient de chaque côté de la taille. En fait Lukasz, quand il s'était retrouvé seul, il avait du entendre le môme qui pleurait dans la cabane.  Maman a fini par comprendre ce qu'il voulait lui dire et elle l'a répété aux hommes. Papa n'a pas hésité, il a tourné le jet vers lui, il s'est tout mouillé et il a été ouvrir la porte.

    Moi j'étais toute sage à la fenêtre, je regardais le spectacle.

    Papa a disparu dans la cabane, maman elle, a couru vers la maison des voisins sans lâcher la main de Lukasz. Elle m'a dit qu'elle s'était précipité sur le téléphone pour  appeler les pompiers.

     

    Papa est ressorti de la cabane avec Samuel dans les bras. Il l'a posé au sol et son père est tombé à genoux à côté de lui. Alors papa a récupéré le jet d'eau abandonné au sol et il a arrosé Samuel. Il pleurait. Samuel pas papa. Je l'entendais pleurer, hurler. Ce sont ces cris, ces pleures là qui me réveillaient chaque nuit. Depuis que je l'ai compris, je ne les entends plus, ils se sont tus. Je dors très bien maintenant. C'est cynique ! Je suis un être cynique et immoral en plus d'être coupable d'avoir brûlé un enfant.

    Bref.

    Je voyais bien qu'il avait bien mal, vraiment très mal, mais je n'ai pas bougé. J'étais à ma fenêtre devant un spectacle interdit aux enfants.  Le papa de Samuel plié en deux, la tête dans l'herbe, pleurait très fort lui aussi. Maman a mis des couvertures sur Samuel. Elle les avait volés dans un lit.  Papa  lui  continuait d'arroser la cabane.

    Lukasz est arrivé dans ma chambre et il m'a mis les mains sur les yeux pour que je ne vois rien, mais lui voulait tout voir, alors on n'a pas bougé. Il m'a dit que c'était maman qui lui avait dit qu'il devait s'occuper de moi.

    Les pompiers sont arrivés. Là j'ai eu le droit de voir le camion, les hommes en rouge. Ils ont mis Samuel dans le camion et il sont partis avec la sirène qui hurlait. Un autre camion de pompier est resté, et un pompier a remplacé papa pour éteindre la cabane en feu. Alors Papa  a pris Georges dans ses bras pour le relever et ils sont partis dans la voiture de papa.

    Plus tard maman est venue nous chercher dans ma chambre. Elle avait Janko dans les bras. Nous sommes allés tous les quatre nous s'asseoir bien sagement dans la cuisine des voisins. C'était très grave, je l'avais bien compris alors je restais bien sage comme tout le monde. On a attendu longtemps. J'ai eu envie de faire pipi et quand j'ai ouvert la bouche pour le dire, maman m'a criée dessus et puis elle a fondue en larmes. Alors je me suis levée et je l'ai prise dans mes bras, Janko était sur ses genoux, et j'ai pleuré avec elle, et j'ai fait pipi dans ma culotte alors j'ai encore plus pleuré.

    Maman n'a su que hier que j'avais fait pipi dans ma culotte. Elle se souvenait bien avoir fondu en larmes, mais elle ne se souvenait pas pourquoi nous étions passés du silence aux larmes. Maintenant elle sait.

    Ma copine et sa maman nous ont trouvés tous les quatre enlacés et en larmes dans leur cuisine. Moi j'ai vu Mickaelle avec ses cheveux coupés. Elle était bien triste Mickaelle de ne plus avoir ses beaux cheveux longs. Elles revenaient de chez le coiffeur.

    Mickaelle est venue avec nous à la maison parce que Solange est repartie avec sa voiture. Elle est allée à l'hôpital.

    Mickaelle a dormi plusieurs nuits avec moi dans mon lit. Elle est restée vivre avec nous un peu. Mais nous avons déménagé ensuite et même si Mickaelle et moi avons pleuré beaucoup vraiment beaucoup, elle n'a pas pu rester avec nous pour toujours.

     

    Sur la photo la fille c'est Mickaelle elle a cinq ans comme moi et le garçon c'est Samuel. Le lendemain il brûlait dans la cabane à cause de moi. Mickaelle était chez le coiffeur avec sa mère. Chez le coiffeur. Avec sa mère. Personne n'a jamais su que c'était moi qui avait allumé les bougies, parce que j'étais bien sage à dessiner dans ma chambre. Pour maman et papa, Samuel avait du allumé le feu tout seul.

    Ils sont au courant de ma culpabilité depuis trois jours. Et cela fait trois jours qu'ils doutent que ce soit vraiment moi, pourtant, c'est bien moi qui ai volé les  bougies, qui les ai allumé, et qui est enfermé Samuel dans la cabane pour qu'il ne me suive pas. Il a du bougé, les faire tomber et l'incendie s'est propagé dans les poupées, les peluches, les livres d'enfants. Mais c'est une victime, juste une victime , l'unique coupable c'est moi.

     

    Nous avons déménagé très peu de temps après, et quand maman a eu besoin des bougies d'anniversaire, comme elle ne les trouvait pas, elle a accusé le déménagement.

    Mais c'est moi. Depuis trois soirs maman, papa et moi nous ne parlons que de ça, nous ne pensons plus qu'à ça, alors on a de plus en plus de détails.

     

    Je vais te laisser maintenant, je reprends  la photo. En voilà une version scannée. Je pense que tu vas aimer l'avoir quand tu iras voir Solange qui n'a pas de fille.

    Tu veux bien garder Geaidydy encore un peu, il déteste le chien de mes parents.

    - Bien sûr.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 18 Avril 2016 à 09:31

    Ah là c'était prenant. Bêtise d'enfant, bien entendu mais le ton présent, longtemps après est troublant. J'ai aimé ce chapitre.

    2
    Lundi 18 Avril 2016 à 11:48

    Le 29 y est collé, tu verras.

    Moi je trouve que ça sent la fin de roman .... Je ne sais pas trop combien de chapitre il reste mais je doute qu'il y aura le n°40.

    Méééé (Ah! je me trompe de blog) Mais le roman suivant est près à démarrer.

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