• - Pas la peine de me présenter, madame me connait. Bon ok je joue le jeu. Alors Bonjour lieutenant, sergent, je ne sais jamais ce que vous êtes. C'est nul les grades de la police, y'a que les flics à savoir à quoi ils correspondent. Vous devriez avoir un badge avec le mot écrit, je dis ça moi je dis rien mais bon ce serait plus simple, parce que bon, vous n'aimez pas que je dise madame, mais je ne sais pas qui vous êtes.

    - Sous brigadier de police.

    - Alors madame la sous brigadier de police vous avez déjà tous de moi.

    - Moi pas, alors vous recommencez : nom prénom, adresse,profession, quels sont vos liens avec madame Malacorne et à quand remonte la dernière fois que vous l'avez vu. Nous vous écoutons.

    - Ok non stress. Yohann Marcellin. né le 10 mars 83 et interdit bancaire pour cinq ans, donc jusque juin 2019, tout ça parce que Cécile m'a piquée mon carnet de chèque pour s'acheter des conneries. Elle, elle s'en fout, elle est mère donc blanche comme neige. Elle a les gosses, elle les montent contre moi, ils ne veulent plus me voir mais je dois payer une pension alimentaire. Une salope. Moi je vous le dis, avec tous mes respects madame la sous brigadier , les femmes elles ont du vice et elles savent toujours tout gagner tout le temps. La Elvira elle est pareil. Elle a un salaire comme trois fois comme le mien, moi qui trime en cuisine trois fois plus qu'elle qui se pavane sur ses talons dans la salle. Elle est la fille du père Igor. Un chouette mec, un patron super, c'est con qu'il ait pris sa retraire. Elvira elle n'a pas changé du tout avec le changement de patron, mais je le sais bien qu'elle a sucré son salaire quand Bernard a débarqué. Igor c'est mon pote mais il n'a pensé qu'à sa fille. Moi je suis cuisto ici depuis sept ans, et bien Elvira rien, que dalle, je ne sais rien sur elle, pas de mec, pas de copine, pas de vacances, elle est comme sans vie cette fille. Vous pouvez demander à Arno et Odile, ils sont potes, et bien, ils vous diront, cette fille elle est pire que son père, il n'y a que le restaurant dans sa vie. Tous les soirs après le service on reste un peu, on mange un truc ensemble, tous, enfin pas avec Marie José, elle, elle a son mari qui l'attend qu'elle dit. Dans ses moments là on cause, Elvira aussi elle cause, mais elle raconte les clients, jamais rien d'elle. Sept ans je vous dit et jamais elle n'a dit je suis allée au ciné, ou j'ai fait un bowling ce week-end. Je suis sûre que vous allez découvrir des trucs pas bien réglo quand vous allez fouiller son ordinateur. Je sais pas quoi, mais je suis d'avis qu'il y a des trucs dingues derrière l'image de la fille à papa parfaite.  Parfois quand ma voiture ne démarre pas, je rentre à pieds chez moi, je la raccompagne chez elle, parce que c'est ma route, j'habille de l'autre côté de la voie ferrée. Et bien jamais elle n'a voulu m'offrir un verre. Il y a deux voitures sur le parking de sa maison. Vous avez vu sa maison ? Sûr qu'elle a du fric, une maison de 3 étages en centre ville de Royan c'est pas tout le monde qui peut se l'offrir. Un soir j'ai vu de la lumière chez elle et un autre soir j'ai vu une fille ouvrir la porte d'entrée, même qu'un chien a bondi et a fait la fête à Elvira. La femme, une girafe, un vrai déménageur la fille, sûr que c'est elle qui fait le mec, au lit. La girafe elle rigolait de voir Elvira et le chien dans la rue. Elvira est entrée dans la maison avec le chien. Pouvez vous qu'elle m'aurait fait entrer ? Non. Elle m'a même pas présenté à sa mef, comme si pour elle j'ai plus de puce que son chien. Vous l'avez vu son dalmatien ? ça vaut des tunes ce genre de clebs.  Le lendemain, j'ai voulu être cool avec elle, j'ai  dit qu'il n'y a pas de mal à être deux filles dans le même plumard,  moi, je voulais bien deux filles ensemble dans mon pieu. J'ai dit un truc comme ça, qu'avec un grand cheval comme sa mef dans le lit c'est la chevauché fantastique tout les soirs. Elle m'a regardé comme si j'étais qu'un merdeux pour elle. Elle est la fille du patron, même quand le patron c'est plus son père. Le Bernard, il sait pas qu'elle est de l'autre bord, c'est dommage, parce que si il savait, il ne penserait pas comme Igor. Igor non plus il ne sait pas que sa fille, enfin vous voyez quoi.  Igor si il savait ça, ça lui collerait un coup au moral, sur qu'il préfèrerait la voir marier avec Bernard. Je comprends pas pourquoi il n'a pas vendu son resto à sa fille, Arno et moi c'est qu'est-ce qu'on lui a dit : " vend à ta fille ", mais bon l'autre il est arrivé avec son fric et il a raflé le pactole, sur que c'est plus la même ambiance depuis Bernard. Bernard c'est un génie ce mec, un génie. Il faut le voir bosser, un génie. Il veut une étoile au restaurant, non deux et après trois. Avec ce mec ce n'est pas de la cuisine que l'on met dans les assiettes, c'est de l'art. Vous avez goûté ? C'est de l'art je vous dis. Putain comme c'est bon d'avoir un boss pareil. C'est un génie, un génie.


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  • - Voici le sous-brigadier de police Fiona Barbosa. Quant à moi je suis Corentin Echouafni brigadier chef. Nous sommes là dans le cadre de la disparition de Elvira Malacorne, qui travaille avec vous. Je vous remercie d'avance de venir à tour de rôle nous rejoindre dans la véranda. Dans un premier temps il vous faudra vous présenter, puis vous nous direz tout ce qui vous semble important au sujet de Madame Malacorne. Merci de votre collaboration.

     

    Alors qu'ils sortaient de la salle du restaurant pour entrer dans la véranda, le silence densifia l'espace. Le lieu ne se prêtait pas à l'intimité, le mur entre les deux pièces n'étant constitué que de verre. Sur la partie gauche, néanmoins un mur en dur au papier peint bleu avec des plumes blanches futuristes, permettait de se soustraire aux regards. Les faits, les faits, rien que des faits se répétaient Fiona toujours anxieuse quand elle se retrouvait en binome avec PACA. Le brigadier avait été surnommé ainsi à cause de ses origines. Des faits rien que des faits, pas de jugement. "Si il y a un doute, c'est qu'il y en a pas". PACA répétait cette phrase autant de fois qu'il y a d'heure dans une journée à chaque rédaction de procès verbal. Elle avait un doute que ce fut des plumes, donc ce n'était pas un fait, mais un jugement. Déjà le papier peint annonçait à Fiona que l’enquête n'allait pas être simple. Pour sa première affaire de disparition cela commençait bien mal.

     

    Alors qu'elle cherchait à comprendre le papier peint, son supérieur avait réquisitionné une table entre deux hautes plantes vertes et déjà une personne refermait la porte de la véranda derrière lui.

     

    Blanc. Grand. Svelte. Brun. Coupe courte, raie sur le côté gauche. Chemise et pantalon noir. Aucune ceinture. La petite quarantaine. Aucune timidité. Maitre des lieux. Des faits rien que des faits. Enlever la petite quarantaine, c'est un jugement. Aucune timidité et maitre des lieux aussi. Ce sont des jugements. Les faits juste les faits. Si il y a un doute, il n'y en a pas.

     

    Le plus discrètement qu'elle le put, Fiola alla prendre place autour de la table ronde où les deux hommes s'étaient déjà assis après s'être serrer la main.

     

    - Bernard Julizec'h né le 9 juillet 77 à Ploermel dans le 56.

     

    Il avait commencé à parler sans voir qu'elle lui avait tendu la main. Sur son petit carnet Fiona nota " Misogyne ? Raciste ? ", alors qu'elle archiva au fond d'elle " Pauvre con ".

     

    - Diplômé du lycée hôtelier Yvon Bourges de Dinard. C'est le meilleur. Sorti premier de ma promotion chaque fois. BEP, Bac pro, et BTS je parle. Quatre années au service de la marine militaire comme cuisinier, inutile de le préciser je pense.  De Février 2002 à Décembre 2014 j'étais à la tête de La Succulente, un restaurant dans le vieux Rennes. J'ai fait une très bonne affaire en le revendant. Je l'ai vendu pour acheter celui-ci. Royan est une très belle ville qui méritait une gastronomie supérieure. L'eau à la Bouche comme son propriétaire devenait vieillot. J'y ai mis du sang neuf. Igor Malacorne, pauvre vieux fou, un homme fort sympathique au demeurant, m'a demandé de garder sa fille. Son visage est légèrement ingrat. Elle porte d'immenses lunettes qui semblent avoir été créer dans les années cinquante. Je vais vous faire une confidence : je me suis trompé. Je n'ai pas vraiment eu le choix, j'ai du garder cette fille pour devenir le nouveau propriétaire et franchement cela ne m'enchantait pas. A cause de son physique j'entends. Et voyez vous, ne me demandez pas pourquoi, mais elle plait. C'est incompréhensible, mais elle plaît. Je me suis trompé. Je le reconnais. J'avais cru récupérer un boulet et je me suis découvert propriétaire d'une perle. Je ne sais pas ce que les gens lui trouvent, mais ils lui trouvent. L'importance est là. Il faut qu'elle revienne, si son absence s'ébruite, le chiffre d'affaire va en prendre un coup. Là j'ai bien fait passé le mot : elle est en vacances. Mais son absence ne peut pas se prolonger éternellement. Vous me la retrouvez c'est tout ce que je vous demande.

     

    Bernard se leva. Pour lui, il avait tout dit, il avait fait son devoir de citoyen, il pouvait laisser la place à un autre. Le temps c'est de l'argent. Le restaurant ouvrait dans une heure trente, il était hors de question que les premiers clients trouvent des uniformes chez lui.

     

    -Mais quelle relation vous entretenez avec elle ? se permit Fiona en tournant la tête vers PACA pour lui demander une autorisation tardive.

    - Aucune. Je fais mon bulot, elle le sien, c'est tout ce que je lui demande. Jusqu'alors elle le faisait très bien. Là elle déconne complet.

     

    Fiona transforma son con en connard.

     

    Corentin resta de marbre. Il était comme la machine devant lui, il archivait toujours tout sans jamais émettre la moindre réaction.


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  • - Avant de l'appeler, nous devons accorder nos violons. Viens voir, tu vas mieux comprendre.

     

    Marie José ne saurait dire ce qui la mettait le plus mal à l'aise chez cette femme. Le vol de la clé, ce nouveau tutoiement, ou son insistance pour mentir à la police ?

     

    Philippine n'avait aucune envie de rencontrer un policier. Si son nom venait à apparaitre dans une quelconque enquête, même en simple témoin, dans l'heure  son ex mari réapparaitrait dans sa vie. Non vraiment, elle n'avait aucune envie d'être mêlée à une quelconque histoire impliquant la police.

     

    Appeler la police parce qu'une personne adulte fait le choix de ne pas se présenter à son travail, lui semblait relever de la sottise. Il est des patrons qui méritent d'être remis à leur place et Bernard est l'un de ceux-là. Depuis plusieurs semaines Elvira s'était mise à répéter qu'il devrait y avoir un mur entre la France et la Bretagne, pour qu'ensuite tous les bretons soient reconduits à la Frontière. Trump avait ses mexicains, Elvira son breton. 

     

    Philippine n'en avait rien dit à Igor. Les hommes soutiennent les hommes. Bernard, Igor : y avait-il réellement une différence entre eux ? Leurs plastiques ne pouvaient se confondre mais à l'intérieur qu'existait-il pour qu'ils ne soient pas perçus tel des clones ?  Elvira devait le savoir aussi. Philippine n'en doutait pas.

     

    Marie José ne lui parlait pas de Bernard, elle se taisait, donc elle aussi. A tord peut-être.

     

    Elle la connaissait par coeur, Elvira. Une obsédée de la propreté, du rangement, de la fonctionnalité, de l'organisation.

     

    Une place pour chaque chose

    et chaque chose a sa place.

    Agence et dispose

    pour l'harmonie de l'espace.

     

    Tout son opposé en somme. Les spontanéités de Elvira naissent suite à trois années d'étude de dossiers. Elle n'était rien d'autre qu'une calamité sortie de ses routines, de ses repères.

     

    - Tu as choisi autisme en deuxième langue, toi, rassure moi !

    - Et pendant douze ans j'ai été première de la classe.

    - Tu m'étonnes.

     

    Un jour elle lui avait demandé pourquoi elle donnait toujours douze en nombre d'années. " Parce que cela fait 3 ". Parce que cela fait 3 ! La réponse ne l'inspira pas de creuser plus profond.

     

    En attendant que Marie José approche du réfrigérateur, Philippine se remémorait l'un des grands  classiques de ses échanges avec Elvira. La dernière formulation survint suite au refus pour cause de mauvaise couleur. Elvira ne le voulait pas car il était vert. La mémoire est étrange parfois, Philippine n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'elle était montée offrir à Elvira et que celle-ci avait refusé parce qu'il était vert.

     

    Quand Philippine débarquait chez elle avec un DVD, des chips, des petites saucisses pour Helmut, deux plaids, et du coca, en lui disant : il est génial, il faut que tu vois ça, ( ce qu'elle faisait dix fois l'an), Elvira posait un véto ferme et définitif. Elle avait une autre chose de planifiée, il fallait fixer un rendez-vous. Le programme n'avait jamais rien d'urgent : lire un livre, nettoyer l'intérieur d'un meuble, faire l'inventaire de ses vêtements... Oui oui, l'inventaire de ses vêtements. Elvira tenait un cahier où elle notait tout ce qu'elle possédait, et elle en faisait l'inventaire une fois l'an, ou deux fois peut-être bien. Il est des choses qu'il  faut mieux ne pas essayer de savoir.

     

    L'une était aussi coincée, bloquée et paralysée que l'autre était spontanée, excentrique et simple. Deux extrêmes aussi faits pour se mélanger que l'eau et l'huile. Toujours portée par son enthousiasme, Philippine passait outre aux objections. Elle s'installait avec Helmut qui était toujours volontaire pour vider un bol de petites saucisses fumantes. La télévision et le lecteur DVD se trouvait à l'étage, dans la chambre. Philippine rassemblaient les deux poufs, les collait au canapé, elle enlevait la petite plante de sur le guéridon pour y placer son plateau repas, tout en criant à Elvira de se dépêcher, qu'elle allait rater le début. Un chapelet de NON NON NON NON NON s'élevait jusqu'à eux. Entre chaque NON un argument qu'elle jugeait irrecevable formait la chaîne du chapelet.  Au final Elvira s’asseyait de l'autre côté de Helmut en silence. Et en conclusion générale elle reconnaissait une heure ou deux heures plus tard, que Philippine et Helmut avaient bien fait de monter la bousculer un peu.

     

    - Je dois dire quoi pour ça ?

     

    Quand Marie José fut au niveau du réfrigérateur, Philippine ouvrit la porte du compartiment congélateur. Il était rempli de barquettes en aluminium, de sacs plastique.

     

    - Elvira a disparu depuis trois jours, nous venons de découvrir son sac à main, ses papiers, les clés de sa maison chez elle et vous, Philippine, vous, vous  pensez à manger !

    - Mais non. Mais on dit quoi pour ça ? Tu sais comment sont les flics, ils fouillent même les poubelles. Alors on fait quoi ? On leur dit quoi ? Je jette tout ?

     

    Sur chaque emballage Marie José reconnue l'écriture minuscule de Elvira. Sardines gratinées - Sandre au paprika - Saint-Jacques et homard au safran - Rouleaux de saumon fumé - Raie à la crème. Étrangement lire l'écriture de sa collègue lui faisait du bien.

     

    - Alors on dit quoi ? Il faut que l'on accorde nos violons. Déjà que je ne suis pas pour appeler les frics, au moins que je ne cause pas de problèmes à Elvira.

    - Nous avons le droit à quatorze assiettes par semaine. C'est Yohann qui nous les prépare et tient le registre. Elvira n'est pas une voleuse si c'est cela que tu veux savoir.

    - OK cool. Bon alors j'appelle Benoit. Et je ne te dis pas merci.

     


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