• JC - Maman, mais tu t'écoutes quand tu parles.

    MN - Je n'ai rien dit de mal.

    JC - Ce n'est pas ce que tu dis mais comment tu le dis. Tu es excitée. Tu te comportes comme à la fête foraine. Une gamine de dix ans sait mieux se tenir que toi. Ce n'est pas du sang que tu as dans les veines, c'est une colonie de puces sauteuses. Arrête les perles et passe au collier anti-puce.

    MN - Mais mon chéri, ce bébé est merveilleux. Tous les bébés sont merveilleux, mais celui-là l'est encore plus. On aurait du avoir cette piscine quand vous étiez bébés. Comme François Xavier l'aurait adoré, lui qui gesticulait tout le temps. Ce bébé rit aux éclats. Il n'y a rien de plus merveilleux que de voir un bébé rire aux éclats. Il adore l'eau. Tu l'as bien dit à Charlotte qu'il adore l'eau.

    JC - Oui je le lui ai dit et oui aussi je lui ai dit qu'elle pouvait compter sur toi pour le garder autant de fois qu'elle en aurait besoin.

    MN - Tu lui as dit qu'elle devait penser à sa carrière, songer à retrouver un travail.

    JC - Maman elle mène sa vie comme elle veut.

    MN - Bien sûr mon chéri, mais c'est important pour une femme de travailler.

    JC - Je lui ai dit que tu étais la nounou la moins chère du marché.

    MN - Gratuite, je suis gratuite. Et toujours libre.

    JC - Je le lui ai dit aussi.

    MN - C'est très bien. Viens, viens, voir mon chéri. Regarde ce que j'ai sorti.

    JC - Tu as imprimé des peluches, des vêtements de bébés.

    MN - Mais parce que ainsi cela va être beaucoup plus simple. Tu as vu comme tu étais chargé quand tu as ramené le petit Loulou. Le plus simple est qu'il ait des affaires ici. Et regard ça, qu'est-ce que tu en penses ? Dit le moi, franchement. Si tu n'aimes pas, tu n'hésites pas à me le dire, tu sais que je peux tout entendre.

    JC - C'est quoi ça ?

    MN - Du papier peint mon chéri. Regard, regard. Attend où l'ai-je mis ... Ah il est là. Regard, que penses-tu d'un mur avec ce papier peint et contre le mur, ce petit lit là ? J'ai pensé que pour les autres murs on pourrait les peindre comme la couleur des ballons. il y a trois ballons avec trois couleurs différentes pour trois murs. Tu vois ce serait du plus bel effet.

    JC - Que tu veuilles faire chambre séparé avec papa, cela ne me regarde pas.  Je doute juste que tu sois très à l'aise dans un lit si petit.

    MN - Que tu es bête, mon fils, mais que tu es bête. Ce n'est pas pour moi, c'est pour Loulou. Cet après-midi, il a fait la sieste sur le canapé, mais c'est parce que Charlotte m'a prise au dépourvu. C'est la première fois que je le garde. Je dois m'organiser pour la prochaine fois. Il y aura une prochaine fois. Tu es son parrain, bien sûr qu'elle me le re-confiera. Ce serait ridicule d'aller payer une nourrice qui ne saura pas l'aimer autant que moi.

    JC - Maman. Charlotte t'a demandée de garder son fils cet après-midi. C'est tout. C'est gentil à toi de lui signaler qu'elle peut à nouveau compter sur toi. Mais ce n'est peut-être pas la peine de transformer toute la maison... Et c'est quoi ce truc là ?

    MN - Tu ne le trouves pas beau ! Il est tout mignon à croquer. C'est un petit pingouin.  Tu vois tous les boutons qu'il a sur le ventre, et bien ce sont des mélodies différentes. Elles ont bien changé les boites à musique. Moi j'avais une petite danseuse qui tournait dès qu'on ouvrait le couvercle. Pour un petit garçon, un pingouin c'est bien. Mais je n'arrive pas à savoir si il bascule d'un pied sur l'autre ou si il ne bouge pas. Je vais aller dans un grand magasin pour les jeunes mères. Ils doivent en avoir.

    JC - Tu es ridicule maman. Ridicule. Enfin si cela peut te faire ranger les affaires de Xav, alors vas y fonce, aménage une chambre pour Lou-Evan, je suis de tout coeur avec toi.

    MN - Jean Charles ! Il est hors de question que l'on change quoique ce soit à la chambre de ton frère. Non la chambre de Loulou, je pensais la faire dans la chambre bleue. Elle est laide. Personne n'y va jamais. Et regarde ça. Tu en penses quoi ? N'ai pas peur de me contrarier, si tu n'aimes pas, tu me le dis.

    JC - C'est rose ! Tu as bien dû lui changer les couches. Lou-Evan a un zizi, c'est un garçon. Même une tapette n'en voudrait pas de ta chambre.

    MN - Jean Charles, comment oses-tu prononcer ce mot là, toi ? Je sais bien que Loulou est un petit garçon. Je viens de te montrer son lit. Non là c'est pour une petite fille. Pas un bébé, mais une petite fille. Parce qu'il ne faut pas rêver pouvoir adopter un bébé. Avec les temps d'attente, même si vous trouvez un nouveau né, le temps de tout finaliser, il saura marcher, enfin elle saura marcher le jour où elle entrera dans la maison. Que dis-tu de Anne Katelle ? Ou alors j'ai pensé aussi à Louise Sophie. Louise c'est très beau Louise. Bien sûr elle aura un nom de son pays, mais dans notre famille nous en avons tous plusieurs, et puis si elle veut faire de grandes études un prénom français pourrait lui être utile.

    JC - Tu veux adopté un enfant ? Tu en as parlé à papa ?

    MN - Mais non pas moi, grand sot. Tu ne m'écoutes pas. Je n'ai plus l'âge d'être mère. Même si je peux encore faire des enfants. Je pense à ton avenir. Je parle de toi et Titouan. Vous allez adopter une petite fille.

    JC - Maman.

    MN - Non pas " Maman" , je suis là pour t'aider, arrête de t'interdire tout, sous prétexte que tu as eu ton accident et parce que tu es homosexuel. Tu formes un très beau couple avec Titouan, c'est un garçon formidable. J'ai bien vu comment tu regardes Loulou, comme moi tu fonds littéralement devant lui. Tu as le droit de devenir père autant qu'un autre. Songe que si vous vous y prenez maintenant, Anne Katelle aura le même âge que Lou-Evan son cousin. Les enfants ont besoin de frère et soeur. On peut faire la chambre de Loulou dans la chambre bleue qui ne serre jamais et celle de ta fille dans celle qui à la petite salle d'eau. Il y a onze pièces dans celle maison, ce serait bien le Diable, si nous n'arrivions pas à caser tout le monde. Tu veux que je te dise mon fils, je pense que ce serait encore mieux que tu changes de chambre, que ce soit toi qui investisses celle à la salle d'eau, comme çà  on pourrait casser la cloison qui sépare ta chambre de la salle de jeux où tu ne vas plus depuis longtemps. Regard ça comme c'est grandiose. On dirait une entrée de château. Tu vois les deux escaliers en arc de cercle. C'est majestueux. Un lit en bas, un lit en haut, des tours de châteaux forts pour ranger les livres et deux escaliers arrondis. Tu ne trouves pas que l'on dirait une entrée de château ? Ce doit être très traumatisant de changer de pays. Déjà n'avoir ni papa, ni maman, la pauvre petite. Alors partir à l'autre bout du monde, chez des inconnus, avec sa seule petite valise... Le pauvre ange. Il faut avoir le coeur dur pour infliger ça à une toute petite fille. C'est pour ça que j'ai pensé que ce serait mieux pour elle si elles étaient deux. Si il n'y a pas de vraies soeurs, on peut prendre des copines. Tu adoptes Anne Katelle et Titouan Louise Sophie. Tu vois c'est une chambre pour deux princesses.

    JC - Maman, cette fois le doute n'est plus possible : tu es folle.

    MN - Et toi tu t'interdit d'être heureux. Titouan passe ce soir. Il vient nager comme tous les soirs, je suppose. Je lui en parlerais. C'est un garçon beaucoup moins fermé que toi. Tu verras qu'il sera enchanté.

    JC- Maman je t'aime mais tu merdes complètement là. Arrête, arrête.

     


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  • Au déjeuner sur le pouce.

     

    Comment ai-je pu oublié ? Comment n'y ai-je pas pensé alors que je sais la librairie fermée ?

     

    Quand le magasin de chaussures a baissé son rideau, j'ai agi telle une bornée. Je me suis démenée comme une malade. Plans, devis, expertises, j'ai tout fait. Je suis devenue folle furieuse, ensuite, quand j'ai su que cela allait devenir un restaurant.

     

    Ouvrir en Bretagne un restaurant offrant une cuisine des îles, quelle hérésie. Tout cela pour fermer un trimestre plus tard. Je le savais que cela ne pouvait pas marcher.

     

    En même temps ces gens venus de Guadeloupe, de Martinique ou va savoir d'où, ne sont que des ânes. Ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient. Non mais ils croyaient quoi ! Qu'on allait changer nos modes de vie, qu'on allait se mettre à manger exotique à chaque repas. Des idiots prétentieux et fainéants. Ils ouvrent - ils ferment. On ne met pas la clé sous la porte au bout d'un trimestre, on persévère. Fidéliser une clientèle c'est un travail de toute une vie. Ils pensaient s'enrichir en trois mois ! Quelle prétention, quelle arrogance. 

     

    Maintenant la vitrine est couverte d'un grand drap blanc - ridicule- et ils vendent leurs plats dans une fourgonnette. On dit que cela marche. Je doute que leurs livres de comptes soient aussi optimiste. Encore des gens qui vivent des aides sociales. Ils doivent avoir faire un dépôt de bilan, et vendre maintenant le reste de leur stock sans autorisation.

     Ils ont bien de la chance que personne ne les dénonce.

     

    Après la fermeture, j'ai à nouveau remué ciel et terre pour récupérer le fond de commerce, mais impossible de les déloger. Le maire et le notaire doivent être manipulés par une grosse légume. Le crédit agricole aussi. Je voudrais bien savoir qui est l'individu qui se cache derrière eux. D'ailleurs qui les a fait débarquer à Saint-Méen-le-grand ? Du jour au lendemain voilà une quinzaine de semi-noirs qui débardent. Trois étages de chez Barbançon sont loués, l'école gagne cinq enfants en maternelle et autant au collège. Du jour au lendemain comme ça, voilà, on leur ouvre les bras et ils passent avant tout le monde. Et tout ça pour quoi ? Pour un drap blanc et une fourgonnette qui sillonne la campagne. Bon résultat.

     

    Si j'étais mauvaise, je les aurais dénoncé au fisc. Impossible que des gens pareil respectent les lois françaises. Ils ont de la chance que je sois bonne.

     

    Et puis Charlotte nous a annoncé sa grossesse.

    Un enfant sans père ! Dans notre famille ! Une honte. Un véritable cauchemar.

    Tous les mois suivants ne furent qu'enfer. Mais de qui tient-elle un caractère pareil  ? Je ne l'ai pas élevée comme ça.

    L'homme marié qu'elle cache a réduit ma fille en esclavage, pire, en zombie. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Jamais avant elle n'avait eu de secret pour moi, sa mère. Nous nous sommes toujours tout dit.

     

    Sûr que le jour où je découvrirai l'identité du type qui a mis ma fille enceinte, je lui rendrai la monnaie de sa pièce. Il ne l'emportera pas au paradis. Si il croit que l'on peut souiller ma  famille comme ça, il n'a rien compris. Cela me prendra le temps qu'il faudra, mais il divorcera, reconnaîtra mon petit-fils et épousera ma fille. Si il croit que l'on peut déshonorer une Brahic / Truiten comme ça, il n'a rien compris. Non vraiment rien compris. Il va le payer très très cher.

     

    La librairie, l'emplacement de la librairie :  Comment n'y ai-je pas pensé ? C'est mille fois mieux que le magasin de chaussures.

     

    Au déjeuner sur le pouce.

    J'ai ce nom depuis au moins vingt - vingt cinq ans.

     

    Papa était boucher et n'a jamais voulu  faire autre chose.Yves est parvenu à ajouter une dimension traiteur. Papa ne le supportait pas dans ses pattes, ainsi il l'a éloigné. Dire qu'il nous a fait avoir une partie boucherie pour nous aider à tenir financièrement ! Aujourd'hui 25% de sa surface de vente est en traiteur et lui fait, enfin me fait, 42% du chiffre d'affaire. Et si dans la boutique traiteur, nous avons gardé ses 25% de la surface en boucherie, ils ont bien du mal à représenter 10% du C.A. Je les garde pour faire plaisir à trois quatre vieux. La loi des 20 - 80 se vérifiera toujours. 20 % du stock représentent 80% des ventes. Mais si on enlève les 80 qui ne nous font gagner que 20%, les clients sont mécontents. L'être humain est idiot. Il achète toujours la même confiture de fraise mais il veut qu'elle soit entre les confitures de mirabelles, cerises, myrtilles, oranges... qu'il n'achètera jamais car il ne les aime pas alors qu'il n'y a jamais gouté.

     

    J'ai toujours fait ce que papa voulait, puis ce que Yves voulait, mais mon rêve à moi, juste à moi, c'est "Au déjeuner sur le pouce". Les gens n'ont plus aucun savoir vivre, aux États-Unis ils mangent en moyenne quinze fois par jour. Il faut cesser de penser : Repas = midi + soir. Aujourd'hui les gens mangent de 10h à 24h. Ils mangent dehors, les yeux et les doigts sur leur startphone.

     

    Moi j'ai toujours voulu offrir un troisième choix. Que la logique  sandwich ou  Mc Donald perde du pouvoir. Il y a aujourd'hui entre les deux une minuscule fissure qui demain sera un gouffre. Il est plus que temps d'être en lieu et place. Il faut ouvrir un lieu où on puisse s'arrêter pour manger à dix heures, à midi, à quatre heures, où on puisse s'assoir ou emporter, où on puisse manger avec les doigts ou avec une fourchette, et où même Titouan puisse manger. Parce que des marginaux comme Titouan, il y en a des milliers. Les végétariens, sont pareil aux homosexuels. Ils ne peuvent pas se reproduire pourtant à chaque génération ils sont de plus en plus nombreux. Il y a une contagion invisible mais véritable. Le monde est en pleine décadence. Celui qui sait mettre de côté ses valeurs, est au pied d'une mine d'or. Je suis au pied d'une véritable mine d'or.

     

    Au déjeuner sur le pouce va dépasser toutes mes espérances.

     

    Et Claudine va m'y aider.

    Savoir perdre un peu pour gagner gros. Je dois pouvoir faire coup double. Il nous faudra du pain. Mille fois Claudine s'est plainte que Émile et elle ne sont que salariés pour son père. Je vais prendre Émile en associé. Bien minoritaire, mais associé. Elle on la casera à l'arrière. Elle est trop fermière pour rester derrière un comptoir. Max ne pourra pas tenir sa seconde boulangerie ouverte sans eux, et avec une boulangerie de moins, les gens passeront au complexe que je vais ouvrir.

    Maman tu es un génie d'avoir ramener mon projet sur la table.

    Je vais réalisé mon rêve et Maxime tu repartiras. Crois moi, tu vas pleurer. Je suis mille fois plus forte que toi, je vais te dégommer. Tu retrouveras les bas fond.


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