• 76

    Sotte,

     

    Tu peux reprendre tes études si tel est ton voeu. Je te les financerai sans problème si tu es dé-argentée mais non, je ne te donnerai pas mon adresse mail, pas plus que mon numéro de téléphone. Surtout pas mon numéro de téléphone. Parce que les avoir te ferait entrer dans une forme de confort que je ne te veux pas. Tu les obtiendras, mais tu as encore du chemin à faire avant. T'en déplaise.

     

    Mickaelle tu me lasses.

    Quand cesseras-tu de suivre tes courants dérivants ? Ne peux-tu donc jamais vivre dans la réalité plus de dix minutes ? Tu me lasses.

    Mickaelle tu viens d'avoir 51 ans. Sois adulte bon sens.

     

     

     

    Tu sais que je gère un orphelinat. Je ne suis pas ta tutrice, la grosse cantinière, je ne me détourne pas des gosses sitôt leur majorité arrivée. Marina, Anastasia et Klavdia sont en France pour leurs études. Études payées par Spasibo. Je finance aussi quelques magasins, un garage et trois restaurants. Je suis la banque des orphelins devenus adultes. Je paie même l'avocat de Vladimir qui n'a aucune chance de sortir de prison avant très longtemps. Je ne lâche pas mes gosses dans la nature comme ça. Quand j'accepte un dossier, c'est pour toujours. Même le coq Nicolaï Butusov qui n'a aucun bleu, mais trois doigts de cassés, je vais l'assumer jusqu'à ma mort même si cela ne me réjouit pas.

     

    J'ai mis les chambres de bonnes de Foch au service d'étudiantes orphelines de Spasibo. Je n'ai pas fait venir trois créatures de Russie pour mes désirs lubriques. J'aide des jeunes à s'élever socialement. Cesse de voir le mal partout.

     

    Elles ont mon adresse mail. C'est exact. L'adresse professionnel. Va sur google, cherche l'orphelinat et tu la trouveras. Alors tu pourras me mailer tout ce qui te passe par la tête.  Enfin change de clavier avant. Parce que l'adresse est en cyrillique. Ah encore une chose. L'administratif est géré par Oleg, évite les déclaration d'amour dans les mails, sa femme n'apprécierait pas. Elle pourrait te le faire payer quand vous vous rencontrerez en Afrique du Sud à Noël. Otkrytie compte sur toi. Je lui ai dit qu'il te verrait cette année. Ne me fais pas mentir.

     

    Dans ma lettre de Lessossibirsk je t'ai parlé de mon passé peu glorieux. Je l'ai regretté dès la lettre postée. Maintenant j'espère que cet aveu monstrueux t'aidera à tuer tes peurs.

     

    Je vais rendre une petite visite à Klavdia. Je ne peux accepter qu'elle te manque de respect. Elle est majeure je ne suis donc plus responsable d'elle mais ses études par correspondance, elle ne peut les suivre que parce que Spasibo  les paie, aussi elle me doit toujours du respect. On ne méprise pas ma femme impunément. Je vais lui faire comprendre qu'il n'y a aucune différence entre toi et moi.

     

     

    Sirène,

    Je serai chez toi le mercredi 4 mai au soir. Jeudi est férié, vendredi est ton jour de congé. J'arrive mercredi et je repars lundi.

     

    Je viens pour te faire très mal. Aussi difficile que soit la vie, nous l'affronterons ensemble. Ensemble.

     

    Tu vas me haïr, tu vas haïr la vie, mais tu dormiras dans mes bras. Mercredi soir je dors dans ton lit, et toi tu seras dans mes bras. En miettes, mais dans mes bras parce que ma femme.

     

     

     Foch - le 29 Avril 2016.

    C.A.T


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  • 75

     

     

    Sirène,

     

    Tu dois être à Foch. Je suis bloqué dans un hôtel en Sibérie. Rien ne se passe comme je l'avais prévu. C'est un fiasco sur toute la ligne.

     

    Oleg et encore plus Evgeny sont furieux. Je n'ai même pas l'assistante sociale de mon côté. A quoi cela sert d'avoir des seconds si ils n'épaulent pas ?

     

    Les gens sont sans idées mais condamnent celles des autres. Pourquoi les gens s'engluent lamentablement dans la médiocrité ? Pourquoi se donnent-ils si rarement la chance de s'élever ? Pourquoi ne se rendent-ils même pas compte qu'ils sont leur pire ennemis ? Mickaelle pourquoi restes-tu de leur nombre ? Pourquoi tu ne comprends rien ? Tu vas finir par me rendre fou à la fin.

     

    Je ne lui ai pas fait faire tout ce chemin pour qu'il n'en apprenne rien. La douceur n'a jamais construit personne. Elle endort.

     

    En parlant de dormir je me verrais bien, à cette heure, contre ton corps dans mon lit à Foch. Toi qui me pense un don d'ubiquité !!! Si seulement je le possédais à ta place, car tu l'as sans l'ombre d'un doute. Tu passes du réel à l'imaginaire en une fraction de seconde. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi suis-je si laid dans ton monde inventé ? Cesse de me créer plus de défauts que je n'en ai déjà. Oui je suis un être laid, mais pas aux laideurs que tu écris.  Les miennes ne valent pas mieux, mais elles sont miennes. Cesse aussi d'avoir le fier toupet de me dire beau. Regarde moi vraiment, ne m'invente pas.

    Y parviendras-tu un  jour seulement ?

     

    J'ai toujours considéré Otkrytie suiveur de Nicolaï. J'avais tout faux. Arrivé chez les Panchenko, il n'en menait pas large. Certains six ans sont plus matures que lui qui en a huit.

    Nicolaï a eu une réaction à l'opposé, alors je l'ai laissé là-bas. D'où la colère de tous.

     

    Une maison de bois et de taules pas plus grande qu'un garage avec une table recouverte jusqu'au plafond de couvertures, vêtements, draps, humides et puants la moisissure, trois matelas crasseux et miteux à même le sol de terre battue, une grange avec un alambic trafiqué, de la boue, de la misère, des gens ivres à n'en pas  tenir debout, pour lui c'est le paradis. Si tu l'avais vu ! Un coq sur son tas de fumier aussi fier que si il était au sommet de la cathédrale saint-sauveur-du-sang-versé. Alors je suis reparti sans lui en promettant à la mère qu'elle aura des pommes de terre et des choux si elle me le garde quinze jours. Elle a accepté quand j'ai ajouté quelques paquets de cigarettes. Il ne s'est même pas senti humilié. Quand il aura eu froid, faim, qu'il aura été battu car soupçonné à tord ou à raison d'avoir touché à l'alcool, on verra si il reste sur l'idée qu'il est mieux là-bas qu'à l'orphelinat.

     

    Mercredi au lieu de reprendre l'avion j'ai conduit Otkrytie dans une école privée de Lessossibirsk pour ne pas l'avoir toute la journée sur les bras.

     

    Depuis que je dirige l'orphelinat je donne des ordres, des directives, refuse des dossiers, et en accepte d'autres. Mais les gosses je ne les approche pas. Ce n'est pas mon job.  A chacun le sien. Pavel se suicide et je me retrouve enfermé dans un hôtel avec un môme qui cherche en moi un père. 

     

    Il est pommé ce gosse, alors je raconte n'importe quoi pour le raccrocher à la vie. Je ne suis pas fait pour être père. Je n'ai que les lettres du mien pour modèle et je ne tiens pas du tout à devenir lui.

    Retrouver sa folie en toi me perturbe assez comme ça, déjà.

     

    Pourquoi cette certitude toujours que la mère est l'être aimant nécessaire à la vie ? Quand on voit ma mère, la tienne, celle de Ekaterina, on a là trois femelles sans émotionnelle. Il faut absolument que je parvienne à faire comprendre à Otkrytie que l'être aimant n'est pas la mère mais la femme. Il faut qu'il sache tout l'amour dont une femme est capable. Il faut qu'il sache que l'avenir est devant. Comment lui faire comprendre que les parents sont des chaînes qui attachent au passé, qui entravent la personnalité ? Bucheron puisque fils de bucheron. Coiffeurs de génération en génération. Cuisiniers de père en fils. Naître sans parents c'est naître libre de devenir soi, et ensuite, pleinement soi, arrive La femme, celle qui aime, celle qui nourrit, celle qui console, celle qui nous fait demeurer sur le droit chemin. Quels mots utiliser pour le lui faire comprendre ?

     

    Je ne suis pas fait pour être père.

    Je n'ai jamais voulu l'être.

     

     

    Sirène, tant et tant de pages pour finir aussi mal. Je déteste ta lettre.

     

    Je ne sais pas être autrement que je suis. Si tu as peur dans mes bras, je ne peux rien pour toi. Je refuse de te promettre que je ne te toucherais plus. Ce n'est pas l'avenir que je me veux.

     

    Gavée de livres romantiques, tu as posé sur moi, tes fantasmes jamais satisfaits mais aussi toutes tes peurs. Je ne suis ni Dieu ni Diable. Si tu savais comme je ne vaux rien. Je ne peux pas changer qui je suis. J'ai assez de laideurs en moi sans que tu m'en ajoutes. Je ne suis pas celui que tu crois, pas plus séducteur qu'homme violent. Admet-moi comme je suis, je t'en pris.

     

    Otkrytie a besoin que je le guide, que je lui prouve que vivre vaut le coup, alors je lui parle de l'homme qu'il sera, de la femme qu'il serrera dans ses bras, et pour y parvenir j'ai besoin de toi. Tu détruis tout avec tes chimères misérables. Je suis déjà si laid, n'en rajoute pas.

     

    Fils d'un père au goulag et d'une mère étrangère. Américaine ! La nationalité la pire de toute. Fils d'un détraqué sexuel. Voilà ce qui est écrit dans mon dossier à l'orphelinat. Fils d'un détraqué sexuel.

    Je fus un enfant d'apparence sage qui misait sur l'avenir, qui attendait son tour.

     

    A la sortie de l'orphelinat j'ai continué en faculté grâce au fond Dominic. J'ai suivi des études d'architecture. Bien plus tard j'ai su qu'il n'existe aucun fond Dominic, qu'il n'y a juste que les sbires des Welch.Je me croyais du talent, j'avais des grands-parents. A vomir. Je les ai vomi sur les femmes, les femmes comme ma mère, cette trainée que mon père à sublimer pour ne pas sombrer.

     

    A 28 ans, adieu l'architecture, William Welch me rapatrie au État Unis, pour devenir sbires au milieu des sbires.  Par Charles, ennemi de la première heure, j'ai appris l'histoire de mes parents. J'ai récupérè les lettres de mon père. Que veux-tu que j'en pense ? Elles me donnèrent envie de vomir. Il était comme toi, noyé dans un monde d'envolés romantiques. Que veux-tu que j'en pense ? Que c'était un pauvre type. Misère devant, misère dedans. Aucune aptitude à la lucidité. Ma mère n'avait rien de l'amoureuse qu'il décrit, elle n'était qu'une sale gosse de riche qui à l'age de seize ans s'était déjà envoyée en l'air avec la moitié du Missouri. Mon père se mourait au goulag coupable d'avoir détruit la virginité d'une mineure alors qu'il n'a connu qu'un trou aussi large qu'un tunnel pour camions. Jour après jour il lui écrit tout son amour alors qu'il est en train de crever et qu'elle s'en fout.

    De moi aussi elle s'en foutait.

     

    Arrivé au État Uni j'ai été présenté comme le petit fils de William, l'héritier. Il m'a fait obtenir la nationalité américaine pour que je puisse siéger au conseil général de l’agglomérat Welch. De pauvre et crado comme tu notes, je suis devenu riche. Du fric en veux-tu en voilà. De moche, petit, gauche et repoussant, je suis devenu le gendre idéal. Alors je suis devenu le fils parfait de ma mère. J'ai baisé avec toutes celles qui passaient sous mon nez et j'ai renié mon père. Oh non pas un séducteur. Un nom, un porte-monnaie et encore plus de mépris. De l'indignité et de l'insolence, de l'avanie et de l'humiliation. Pour aucun plaisir récolté, juste le besoin de recommencer.

     

    Un rejet global de moi. Me détruire en écrasant les autres. Ceux qui ne sont rien mais surtout ceux qui se croient tant. J'avais tant attendu mon avenir, qu'une fois dedans je l'ai massacré, je m'y suis piétiné. Et je ne l'ai pas réalisé.

     

    Oui j'ai couché avec la maitresse de Charles et même celle de William, bien plus jeune que celle de Charles, d'ailleurs. Si tu savais comme ce monde est immoral, vulgaire et pourri.

     

    Et puis William est mort laissant son maudit testament. J'y étais trop dedans. Et Charles pas assez. Alors il m'a dit pour ma soeur.

     

    J'ai cru que enfin j'allais avoir quelqu'un à aimer, quelqu'un avec qui partager, enfin savoir la valeur du mot Ensemble. Je l'ai cherchée, cherchée, cherchée. Je la cherchais en haïssant ma mère qui avait foutu mon enfance en l'air et celle de ma soeur aussi, pourtant  je ne valais pas mieux qu'elle. Misogyne jusqu'au bout du gland. Oh non pas séducteur ! Je n'avais rien de charmant.

     

    Je vais te dire ce que j'ai fait de pire à une femme. Non je ne l'ai pas frappé, mais cela ne vaut pas mieux, voir c'est encore pire. Je ne sais pas son nom, pour moi c'était juste une pute, une black génial au lit. Un soir je l'ai voulu. Une autre avait pris son bout de trottoir, car elle s'était faite exploser la mâchoire par un minable client comme moi. Tu veux que je te dise qui est Colerige Aleshandrovich Tchigrenkov ? Un pauvre type qui a voulu savoir quand elle serait de retour pour qu'elle suce sa trique. J'ai chosifié cette femme et tant d'autres au plus vil des degrés. Sans état d'âme. Fier de ma queue blanche, du fric dans mes poches.

     

    Et puis j'ai trouvé ma soeur. Et j'ai eu sous les yeux l'image de ce que la prostitution,  la drogue, le sida engendrent. Ce que j'avais fait à toutes les femmes, d'autres hommes l'avaient fait à ma soeur. Elle était le concentré de mes horreurs.

     

    Ma soeur, celle avec qui ma vie allait enfin commencée était allongée détruite par le sexe. Je voulais que ma vie commence avec la rencontre avec ma soeur. D'une façon oui je suis né d'elle. Le 27 septembre 2007 j'ai vomi tripes et boyaux, j'ai chialé comme un môme et je me suis relevé en me promettant que plus jamais je ne toucherai le corps d'une femme. Plus jamais. Et j'ai tenu jusqu'à toi.

    Ton Lionel que j'ai tant critiqué est un vrai gentleman en comparaison de moi.

     

    Je ne sais ni les gestes, ni les mots, je ne suis pas bien élevé.Je sais juste que j'ai vieilli et qu'aujourd'hui j'ai la chance de te connaitre. Je t'en supplie reste en vie. Je ne sais pas dire les mots qui pourraient me défendre pour te retenir. Tu as peur dans mes bras. Je ne voulais pas ça.

     

    Je voulais juste avoir une soeur, juste avoir une soeur. Mais ma vie me l'a enlevé en lui infligeant toute les souffrances que j'avais semer sur la Terre. Je me croyais passer du destin sexualisé de ma mère à celui de condamné à perpétuité de mon père, mais un jour dedans mes yeux il y eut toi.

     

    Bien sûr je ne peux pas dire à Otkrytie le monstre que je fus, mais je lui raconte le bonheur d'être vivant dans les yeux d'une femme aimante.

     

    Je n'ai qu'une richesse : La chance de te connaitre.

    Je n'ai qu'une intelligence : Admettre le lien d'amour de moi à toi.

     

    Je ne sais pas être autrement que je suis. Je sais juste que tu es ma femme. Une femme qui m'aide à trouver les mots pour parler à un môme qui réalise qu'il est responsable de la mort de Pavel.

     

    Dimanche je le laisserai à Kseniya et je retournerai chercher Nicolaï Butusov chez les Panchenko. Y aura-t-il appris quelque chose ? Si il est couvert de bleus, Oleg & Evgeny vont me tuer si je sors vivant des griffes de Kseniya. Panseras-tu mes plaies ou me donneras-tu le coup de grâce si ils ne tuent pas complétement ?

     

    Théoriquement nous sommes à l'aéroport de Krasnoïarsk lundi 18. Sauf si Nicolaï a fugué et qu'il reste introuvable. Avec lui maintenant je m'attends à tout.

     

    J'entends la respiration de Otkrytie. Il dort. Je devrais aller me coucher à mon tour, mais il me reste une chose à préciser pour répondre à la question majeur  de ta lettre roman noir.

    Quand fus-tu indifférente ?

    Oui, même si tu ne me crois pas il me fut dur de te repousser au billard, si dur que je suis allé t'attendre sur le canapé ensuite. Je suis demeuré plus d'une heure dans le noir avec l'envie de toi qui me hurlait sous la peau, et toi, toi, tu dormais. Je t'ai envoyée au lit, c'est vrai, mais tu y as été sagement et ensuite tu as dormi aussi paisiblement que Otkrytie actuellement. Si tu m'avais voulu tu n'aurais pas dormi. Si ton corps appelait le mien comme le mien le tien, tu ne serais pas parvenue à trouver le sommeil. A force d'attendre je suis devenu fou, alors je suis entré dans ta chambre. Ta tresse s'élevait au sommet du lit, ton visage sous les draps n'apparaissait pas. Tu dormais. J'ai écouté ton souffre. Tu dormais madame l'indifférente.

     

     

    Dernière chose aussi.

    Pour ce qui est du silence sur le chemin de retour.

    Au restaurant, par la vitre, dans ton dos, j'ai eu sous les yeux un aveu que je ne te fais pas. Moi qui t'ai tant reproché d'avoir un secret, j'en ai un aussi. Je sais qu'il faut que je te le dise. Je te le dois. Mais je ne le peux pas. Pas encore.

    Mickaelle, laisse moi finir le problème Panchenko, revenir en France. Ensuite, j'attaque le dossier. Je veux le compléter avant de t'en parler, de te faire pleurer, hurler... me frapper. Tu sauras tout. J'ai juste besoin de temps. Je ne suis pas lâche, je ne te l'écrirais pas, tu le sauras de ma voix.

     

     

    Lessossibirsk - le 15 Avril 2016.

    C.A.T

     

     

    Ps : Je ne projette pas de mourir prochainement. Je n'ai ni tumeur ni maladie. Enfin si j'ai une maladie incurable, la pire et la plus belle. Elle porte ton nom. Aide moi à l'apprécier.


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  • 74

     

    Paris

    Vendredi 15 Avril 2016.

     

     

    Colerige Alesh,

     

     

    Tu aurais dû me le dire. J'ai horreur de passer pour une conne. Et encore plus quand cela te nuit aussi.

     

    Hier soir, alors que  j'étais dans la cuisine comme maintenant, j'ai entendu sonner, mais pas à la porte d'entrée à l'autre bout du couloir, à la porte de la cuisine, celle qui donne sur la sortie de service.

     

    J'ai ouvert. Si j'avais su...........

     

    Elle a été aussi surprise que moi. Elle attendait à te voir toi. Elle venait pour toi. Qui es-tu pour elle ? Si tu avais vu comme son visage s'est défait quand elle a découvert le mien ! Pire qu'un gosse qui repère au pied du sapin de Noël une boite avec le dessin du cadeau rêvé et qui en l'ouvrant, trouve un pull tricoté par la grand-mère.

     

    Elle a formulé une phrase en russe. Il n'y avait pas ton nom dedans, enfin je ne l'ai pas entendu. Évidemment je lui ai répondu ne pas parler autrement que français, et donc elle m'a déclarée dans un très bon français qu'elle te voulait. Oui elle a articulé "je veux Mr Tchigrenkov". Sur l'instant je n'ai pas apprécié son exigence, mais maintenant je comprends que le français est une langue étrangère pour elle, elle ne dispose donc pas de l'étendu du vocabulaire, je vois bien quand un anglais passe à l'agence, comme il est difficile de résumer les idées sans mots.

     

    Sur l'instant je n'y ai pas songé, donc je me suis glacée un peu. Dans un sourire artificiel, je lui ai annoncé que COLE n'était pas là.

     

    Voilà ma grosse boulette.

     

    Elle croyait ton prénom être Alesh. Non elle savait qu'il l'était.

     

    Mademoiselle pétase russe sait ton prénom car elle est intime avec toi, et moi cruche française, j'en invente un pour lui donner l'illusion de te connaître un peu. Voilà le résumé parfait de ce qu'elle m'a fait comprendre.

     

    Elle a convenu que rares étaient les gens à Saint Peterbourg à te nommer autrement que Monsieur, que seuls quelques privilégiés étaient autorisés à te dire Alesh.

     

    Elle m'a humiliée, elle a voulu m'écraser de son savoir. Ton prénom est Alesh, elle figure sur la liste de tes favorites.

     

    Je n'ai eu aucune répartie, j'ai baissé les yeux. Je sais qu'elle a tord, j'ai vu les papiers de l'appartement, toujours il est noté Colerige Aleshandrovich Tchigrenkov. Je sais qu'elle se trompe, que j'ai raison. Mais le coup avait été porté, j'étais au sol. Je suis toujours la gamine que l'on a éduqué à filer se terrer dans un coin invisible. Je n'ai ni ta force, ni ton charisme. Deux coups d'épées, une goutte de sang et je m'évanouis. Adieu je sors de ta vie. Je suis un petit chien bien docile.

     

    Elle a compris qu'elle était bien plus forte que moi. Elle a insisté. Elle m'a prise pour ta bonne ou quelque chose d'autre du même niveau sous-peuple. Puisque j'étais chez toi, tu ne pouvais qu'être là. Que j'aille sur le champ te chercher.

     

    Elle m'a donnée son prénom. Cela finit par Dia. Je n'ai pas retenu le début. Je ne l'avais jamais entendu. Elle l'a prononcé si vite.

     

    Que veux-tu que je dise ? Cole est-ce qu'elle est ta maitresse ? En même temps tu ne me dois aucune explication. Je n'ai aucun droit sur ton corps. Je ne suis pas naïve, nous nous écrivons depuis 16 mois, non je ne suis pas naïve au point de croire que tu les as vécu sans ... Ce n'est pas parce que moi je... Que toi tu... Je vis enfermée dans mon appartement, le nez dans mes romans, mais toi tu parcours le monde et tu es tellement séducteur et séduisant. Comme dit la chanson de Brel, il faut bien que ton corps exulte. Le mien... Qui s'en soucie ? Pas même moi.

     

    Elle se sentait si forte face à moi, que je me suis dit que seule une maîtresse pouvait à ce point se croire supérieure. Tu vois Cole, je me suis dit que si tu tiens à elle, je ne peux pas la faire fuir, je ne veux pas que tu m'en veuilles. Mais si elle est ta maitresse, pourquoi est-ce moi qui ai les clés de ton appartement, car visiblement elle ne les a pas, et si elle est ta maîtresse, pourquoi ne lui as-tu pas dit que tu étais reparti ? Je le savais bien moi.

     

    Mon Dieu comme elle est belle. Tellement belle !

     

    J'ai dit que j'étais chez moi, car ta femme.

     

    Pardon, c'est méchant, c'est de la jalousie pure. Je sais, je sais. J'ai été agressive avec elle. Ce n'est pas bien, mais j'ai été agressive avec elle parce qu'elle m'a fait si mal en me replaçant face à la réalité : Je ne suis personne dans ta vie.

     

    C'est de ta faute aussi, si j'ai sorti ça, tu le répètes à tout le monde : ta concierge, l'installateur de l'aquarium, la vendeuse de manteaux, même la serveuse du restaurant, alors voilà, cette fois c'est moi qui l'ai dit. Malheureusement  j'ai du le dire à la seule personne qui ne devait pas l'entendre.

     

    Elle a éclaté de rire. Je te jure elle a éclaté de rire. Comme si je n'étais pas assez bien pour toi.

     

    Je lui ai claqué la porte au nez. C'est minable, puéril, j'en ai bien conscience, mais sa supériorité, son mépris, son rire. Cole je suis désolée d'être nulle, mais elle m'a blessée.

     

    Pourquoi ne m'as tu pas parlées d'elles ? J'ai l'air ridicule, et donc je te ridiculise.

     

    Cole ce mensonge va trop loin. Je ne suis pas ta femme. Ce mensonge va finir par nuire à ta vie. Ici à Paris je ne suis personne, je peux m'amuser, me prendre au jeu, mais ici toi tu as ta vie, tu connais des gens. C'est dangereux pour toi. Cole sans vouloir te blesser je pense que ta boutade finira en boomerang, elle t’explosera à la figure, tu m'en voudras alors que tout est né de toi.

     

    Le rire de cette si belle femme m'a profondément blessée. En fait il m'a remis à ma place : je ne suis rien. Comme l'aqua, je suis juste du vide dans tes murs vides.

     

    Heureusement à mon poignet j'avais la gourmette que tu m'as choisie pour mon anniversaire.

    Je n'avais pas compris le PS de ta dernière lettre, mais quand j'ai vu la gourmette avec son mot en cyrillique, j'ai compris que tu y avais fait gravé Mickaelle. Jolie délicatesse.

     

    Colerige c'est dure d'être chez toi sans toi. Cole que suis-je pour toi ? Je m'accroche à l'aveu de tes yeux, mais par temps de tempête, il n'est pas assez fort pour m'empêcher de tomber. Cette magnifique jeune femme russe m'a fait tomber bien bas.

     

    J'étais venue relever les paramètres de l'aquarium. Le taux de nitrate est bas donc bon, mais celui de nitrite encore un peu élevé.

     

    Après le départ, enfin la non entrée de la belle inconnue, je suis retournée m'assoir face à l'aqua et je te jure que je me suis demandée ce qu'était notre avenir. Pas le tien et le mien Cole, ça j'ai bien compris qu'il n'y en avait pas, je parle du mien et de celui du 2300.

     

    Je me sens comme lui.

     

    Tu es responsable de notre présence à Paris mais pourquoi ? Je te jure que je ne trouve aucune réponse. Tu cours le monde sans jamais passer par le point Bretagne. Il faut être lucide. Il n'y aura jamais de nous.

     

    C'est à pleurer. Je pleure.

     

    Aujourd'hui vers 13h la sonnerie de la même porte a re-sonné. Je te jure que j'ai détesté, j'ai cru qu'elle revenait pour m'écraser à nouveau. Mais ce n'était pas la même femme, celle-là était boulotte.

     

    Je sais l'avenir que je me veux, grâce à Marina. Je veux reprendre mes études. Elles possèdent ton adresse mail, droit que je ne détiens pas , donc je vais reprendre mes études, et en tant d'étudiante, tu me la donneras. Merci d'avance. Pourquoi l'ont-elles et pas moi ?

     

    Je suis persuadée qu'elles connaissent aussi ton numéro de téléphone.

     

    Marina m'a présentée des excuses au nom de XXXDia qui a sonné chez elle ensuite et qui lui as raconté qu'une vieille cruche française avait osé se prétendre ta femme. Elle m'a expliquée que XXXDia était fille au pair sur Paris, qu'elle suivait des cours de commerce international par correspondance. Elle m'a aussi expliquée les trois chambres de bonnes que tu avais transformé en deux logements avec salle d'eau commune. Elle m'a parlée d'Anastasia qui depuis la fin de l'année passée prépare sa thèse dans une université sur Paris. J'ai retenu qu'elle faisait des recherches sur la chimie des matériaux. Tu sais assurément mieux que moi de quoi il retourne. Marina m'a aussi parlé de ses trois années dans un hôpital parisien.

     

    Moi je n'ai rien dit.

     

    Elle est gentille cette jeune femme, je n'ai pas eu le cœur de lui mentir. J'ai juste affirmé que je te laisserai un mot pour que tu contactes la fille au pair dès ton retour, mais Marina m'a appris qu'elles trois possédaient ton adresse mail, donc  mon mot n'aurait servi à rien.

     

    Pendant neuf ans j'ai été la maîtresse d'un homme marié. Serge. Je te l'ai déjà écrit il me semble.  Il ne m'a jamais présenté personne, donc je ne me suis jamais sentie réduite à l'ombre de son chien. C'est la première fois de ma vie que je me prends une grande claque. Je m'étais crue quelqu'un. Dans tes yeux je m'étais crue quelqu'un. Tu m'as tenue la main dans la rue Cole. Je m'étais crue quelqu'un pour toi.

    Mes yeux coulent.

    Il fallait bien que je me réveille un jour. Le bonheur n'est pas fait pour moi.

     

    Tu m'as pourtant bien fait voir comme tu n'étais qu'un séducteur professionnel. Une partie de moi savait que ce n'était que chimère. Mais je me suis mise à rêver que j'étais vraiment ta femme. Parce que je te porte tellement en moi. Tellement.

    Comment vais-je réussir à vivre un après toi ? Comment Cole? Comment ?

     

    Tu as une maîtresse magnifiquement belle. Je n'en suis pas étonnée. Non je ne suis pas étonnée qu'une femme si jeune puisse te désirer. Tu es si géant, si puissant, si lumineux. Tu es beau Cole, tu ne m'as pas touchée, tu lui es resté fidèle. Tu es quelqu'un de bien. ça je le savais déjà.

     

    J'ai voulu enlevé l'eau de l'aquarium. Il est vraiment moi, 100% fait de larmes. L'eau sera encore là à ton retour. C'est le syndrome de la mort. D'abord on la refuse. Il est mort mais en nous il n'y a qu'un NON qui hurle. C'est ce non qui a conservé l'eau.

     

    J'ai aussi songé à  te laisser les clés de l'appartement dans la boite aux lettres. Mais ... Même NON, même effet.

     

    Je n'aurai jamais dû chercher à entrer dans ta vie.

     

    Pardon pour tout le mal que j'ai pu te faire.

     

    Je t'aime Cole.

    Il y a longtemps que je sais que l'amour ne suffit pas toujours.

     

    Merci pour la gourmette. Mon prénom y sera effacé bien avant que mon amour pour toi soit mort.

     

    Sois heureux Cole. Prends soin de toi.

    Pardon.

     

    Une Mickaelle qui s'était laissée rêver qu'elle aurait pu être ta femme et qui pleure en se réveillant.


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  • 73

    Mickaelle,

     

    Tu es atteinte de la même folie que mon père. Tu es la fille qu'il aurait dû avoir à ma place.

     

    Combien d'heures as-tu passé à écrire les 16 feuilles de ta dernière lettre ? Je me la garde pour l'avion demain. Je ne serais pas étonné d'être à Saint Peterbourg avant d'avoir touché ton point final. Tu es folle. Totalement folle. Mais qu'est-ce qui t'as inspirée autant ? Tu es folle.

     

    Merci pour le rire que ton enveloppe a réveillé en moi. Cela me sort du dossier Pavel.

     

    Pavel Panchenko est né en Sibérie près de l'Ienisseï inférieur, dans une campagne isolée, au nord ouest de Lessossibirsk. Il y a 5 000 km entre Saint Péterbourg et Lessossibirsk, ville sans aéroport. Nous allons devoir atterrir à Krasnoïarsk, puis louer une voiture pour remonter vers Lessossibirsk à 300 km plus au nord. Nous ne sommes que début Avril, la neige est encore bien présente. J'ai eu Kseniya Krassovski au téléphone pas plus tard que ce matin (matin pour moi - après-midi pour elle), elle affirme que les routes sont assez dégagées pour oser le voyage.

     

    Je compte couvrir l'aller retour sur trois jours. Pour les gosses cela va être éprouvant. J'en ai conscience, mais le but n'est pas de les ménager. Je ne leur offre pas des vacances. Oleg et Evgeny pensent qu'ils devraient rester à Spasibo. Je ne suis pas d'abord, ils viendront. Ils apprendront plus de ce voyage que leurs camarades de classe sur les trois même jours.

     

    Pardon, Mickaelle, tu ne dois rien comprendre.

     

    Kseniya Krassovski est une assistante sociale. Elle passe dans les hameaux isolés pour parler de contraception, pour fournir des plaquettes de pilules aux femmes qui le désirent, pour les inspirer à prendre un rendez-vous au dispensaire pour une pose de stérilet. C'est comme cela qu'elle a connu Ekaterina, la mère de Pavel.

     

    En Russie il y a des orphelinats d'état. Les mômes sont conditionnés par deux milles, comme je l'ai été. Et il y a aussi quelques rares orphelinats privés, ce qu'est Spasibo. Nous n'avons une autorisation que pour 70 enfants.

     

    Les orphelinats de Sibérie ont refusé de prendre Pavel. Son dossier comprend un point faible : Il n'est pas pleinement orphelin. Pavel a encore sa grande-mère, mère de sa mère et deux des frères de Ekaterina. Kseniya soupçonne que l'un d'eux est aussi le père de Pavel. Ekaterina qui était leur esclave, leur souffre douleur ne l'a jamais prononcé mais à demi-mot les femmes se sont comprises. Ekaterina était la petite dernière d'une fratrie de 8 gosses. Ceux qui restent avec la mère sont les aînés.  La mère est un tyran largement aussi alcoolisée que ses fils selon Kseniya. Leur maison n'est rien d'autres qu'un taupis qui pue le samogon (vodka frelaté faite maison).

     

    La vodka est un alcool à 40°, mais celle que les hommes comme les frères Panchenko fabriquent peut monter à 70, 80°. Beaucoup de Russes s'adonnent au zapoi du matin au soir. Comprends qu'ils boivent non stop. Autant te dire que les consommateurs deviennent vide de véritables épaves.

     

    Kseniya Krassovski savait que Pavel n'avait aucune chance de survivre plus de quelques mois au milieu de sa famille sans sa mère. Son coeur a lâché à 23 ans. Partageant son avis, j'ai couvert les 5000 km pour aller le chercher. Il n'avait pas encore ses trois ans. Je n'ai jamais rencontré sa famille, je l'ai récupéré au dispensaire de Lessossibirsk, Kseniya s'étant occupé de tout.

     

    Je juge que c'est à moi, non à elle, de leur annoncer son décès.

     

    Pavel est mort parce que Otkrytie Lazarev et Nicolaï Butusov, deux gamins de son âge, soit huit ans, le jalousaient. Pavel avait une photo de sa mère. Chose qu'ils ne détiennent pas. L'un comme l'autre ils ont été trouvé dans la rue. Enfin le premier nommé entre les poubelles d'un quartier fortement malfamé, sa mère doit y être prostituée et le second dans une église ce qui ne prouvent pas sa mère plus chaste.

     

    Quelques heures avant le drame, ils lui ont volée la photo de sa mère. Jeux de harcèlement classique. "Tu la veux, viens la chercher - non je ne te la rendrais pas..." Tu vois le genre. Ce n'était pas la première fois que Lazarev la lui volait. Ordinairement au bout de quelques minutes, Pavel pleurait et Lazarev la laissait tomber puis s'en allait en le traitant de bébé. Sauf que cette fois Butusov était du harcèlement et il a ri en déchirant la photo de la maman de Pavel. Le pauvre môme a ramassé les morceaux, mais il n'a pas supporté, il s'est jeté par dessus la rampe de l'escalier ensuite.

     

    Demain je rentre à Spasibo et lundi 11 j'embarque Otkrytie et Nicolaï avec moi pour Krasnoïarsk. Je veux qu'ils se souviennent de Pavel. Je veux qu'ils voient d'où il vient, je veux qu'ils comprennent qu'ils n'avaient rien à lui envier.

     

    Évidemment je ne vais pas les présenter aux Panchenko comme ses assassins. Officiellement nous ne savons pas pourquoi Pavel s'est suicidé. Si nous les avions dénoncé aux autorités, Otkrytie et Nicolaï auraient été retirés de l'orphelinat pour être placés dans une maison de redressement sur des années. Ils n'auraient plus eu aucune chance de sauver leur avenir.

     

    Je vais les emmener avec moi et ils vont ensuite présenter aux autres enfants, un exposé sur les méfaits de l'alcool sur le corps humain, les conditions de vie dans l'extrême pauvreté sibérienne.

     

    Comme je l'avais supposé je ne serais donc pas à Foch pour fêter nos anniversaires ensemble vendredi 15. Après la Sibérie je devrais demeurer plusieurs jours à Spasibo. Je veux être là pour contrôler le comportement des terreurs. Jusqu'alors ils se la jouent caïds mais comptent sur moi pour leur enlever l'envie de continuer. Je veux voir comment ils vont évoluer.

     

    Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes ma démarche, ma logique de priorité, aussi, si tu n'es pas contente, tu peux prendre une journée à me l'écrire si cela te fait plaisir ou te défoule mais merci de ne pas me la poster, ou de me la laisser dans le vase si tu la rédiges à Paris.

     

    Mickaelle, quand tu donnes un coup d'aspirateur chez toi, tu ne passes jamais la brosse sous ton lit ? Moi je le fais. J'ai donc trouvé le cadeau que tu y avais caché. Il m'a beaucoup touché. J'avoue que jamais je n'avais songé à faire agrandir la photo de ma mère. Merci. Oui cela me touche vraiment beaucoup.

     

    Suite à l'histoire de la photo de la maman de Pavel réduite en miettes, voir celle de la mienne agrandie, je te jure qu'émotionnellement l'effet est étrange. Il y a de drôle de coïncidence dans la vie parfois.

     

    Tu trouveras le tien sur ton oreiller.

     

    Je ne pars pas pour une partie de plaisir. A défaut de me comprendre, admets moi comme je suis. Je ne suis pas bien élevé, je ne suis pas un personnage de tes romans, un homme qui invente les mots pour envouter les femmes. Je suis juste un mal-né conscient que c'est une chance de te connaitre.

     

    Ne déserte pas ma vie, folle Sirène.

     

    Foch, le 5 Avril 2106.

    C.A.T

     

    PS : Cela veut dire Mickaelle.


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  • 72

    Châteauneuf- du- Faou

    Le vendredi 1 avril 2016.

     

     

    Délicieux Cole,

     

     

    Aujourd'hui me sont arrivées tes lettres de Paris et Celle de Russie.

     

    J'ai honte profondément honte du roman que je me suis inventée pour justifier ton absence. Oui honte d'avoir cru que tu te sois caché pour me fuir.

     

    Mais alors toi ! Tu fais encore plus fort que moi. Tu notes donc penses, que tu m'indiffères. Je suis indifférente !!!!

     

    Mon amour, si tu étais homosexuel, donc si j'étais un mec, si j'avais un don d'ubiquité, je te collerais un coup de boule, là tout de suite maintenant. Et ensuite une fois au sol, car crois moi, tu en tomberais à la renverse car si j'étais un mec je serais un super mec balaise, et donc une fois au sol (toi pas moi) comme tu es hétéro, je redeviendrai femme et je te réanimerai avec ma très grande imagination. Et crois moi je peux être très très très éloquente, avec ma langue, quand je me tais. Et tu pourras ensuite me parler russe autant que tu le voudras.

    Crétin !

     

    Moi indifférente ! Je ne comprends pas.

    Je ne comprends pas d'où tu sors ça.

     

    Comme je ne comprends pas que tu es pu croire que je t'offrais mon corps contre l'aquarium.

     

    Cole si tu penses vraiment ça, vide l'eau de l'aquarium et utilise l'espace pour y cultiver des plantes aromatiques. Après tout, il n'est pas plus à moi qu'à toi, il est chez nous, donc prend le, je n'en veux pas. Non je n'en veux pas de cet aqua, je ne veux que de toi, non ce n'est même pas vrai, je veux juste le droit d'être un peu de ta vie. Oui je veux juste le droit de ne pas m'épuiser d'un manque de toi.  Tu n'as rien à me faire, rien à me dire, je veux juste un tout petit bout de ton espace parfois. Juste de toi parfois. Parce que tu es mon essentiel. Tu vois on est bien loin de l'indifférence, on est dans une forme de dépendance.

     

    Et puis je ne t'offrais pas mon corps, je voulais prendre ta bouche, goûter  à tes lèvres. Je voulais prendre non donner.

     

     

    Cole j'ai tes 2 dernières lettres depuis plus de 5 heures. Depuis 5 heures je suis bouleversée de t'avoir blessé alors que je ne rêve que de l'opposé.

     

    Cole si tu n'avais pas noté que tu étais fou de moi, je crois que j'en aurais pleuré. Surtout qu'en plus il y a ce pauvre petit bonhomme. Oh Cole t'imaginer cinq jours au chevet d'un enfant qui se meurt, l'imaginer cinq jours entre la vie et la mort... Et la souffrance d'avant, celle qui l'a conduit au suicide... Enfer.

     

    Quand j'ai lu ce que tu as vécu, j'ai pensé à ta soeur. Tu as du revivre au chevet de Pavel, l'horreur de ta soeur en fin de vie sur son lit d'hôpital en Afrique du sud.

     

    Alors si mon amour a pu voler vers toi et t'aider un peu, t'en mieux. Cole tu as mon numéro de téléphone. Tu peux l'utiliser jour et nuit. Je ne suis pas grand-chose mais si je peux d'aider un peu, je t'en supplie utilise moi. Cela ne te rendra ni moins viril, ni moins géant. Tu ne tomberas pas de ton piédestal. Non, pas du tout.

     

     

    Malgré 5 heures d'analyse  minutieuse  je reste sans réponse à la question : Quand ai-je été indifférente ? Cette question me torture.

     

    Certes j'ai envisagé que peut-être tu me pensais indifférente car je n'ai voulu te voir que suite à la pose de l'aquarium, mais ce ne peut pas être cela car tu as des sentiments pour moi et jamais tu n'as voulu me voir, donc si tu peux en avoir sans me vouloir à ton côté, tu peux comprendre que je puisse t'aimer sans avoir oser t'écrire VIENS.

     

    Qu'ai-je mal fait ou pas fait ?

     

    Cole est-ce ma réaction quand tu m'as ouvert la porte à Paris ?

    Cole je t'en supplie comprends moi. En Savoie j'ai vu Tchig, un homme mal rasé avec un bandanas sur les cheveux, là j'ai eu devant moi un homme aux cheveux mi-long rejeté en arrière, un homme bien habillé au visage rasé de près. Cole tu as raison, je ne t'ai pas reconnu parce que je ne te connaissais pas. Tu étais il y a 18 mois, 18 MOIS, assis sur un mur en hauteur, là tu t'es retrouvé debout dedans moi. Oui je t'imaginais plus grand (syndrome du piédestal surement, et puis aussi peut-être parce que Stoyan, Jérémy et mes deux collègues hommes ont tous dépassé  le mètre 80 ).

    Quand nos yeux se sont retrouvés, il n'y a plus eu de doute en moi, tout a été comme en Savoie.

    Sois honnête dans le couloir tu fus comme moi, bien embarrassé.

    On fait quoi ?

    On se fait la bise ?

    On ne va tout de même pas se serrer la main ?

    Peut on s'enlacer ?

    Est-ce que l'on s'embrasse hâtivement sur la bouche ?

    On se jette un HUG comme les indiens et on passe à la suite ?

     

    Cole ce ne fut pas de l'indifférence, ce fut de la timidité. De la stupéfaction. Excuse moi mais tu n'as pas été plus glorieux que moi. Tu n'as pas eu un mot, tu n'as pas eu un geste en dehors de m'ouvrir la porte. Tu ne m'as pas aidée.

     

    Ton téléphone en sonnant nous a sauvé. Sans une  hésitation, sans un mot d'excuse tu as tourné les talons, tu es parti vers ton bureau en parlant russe, en me faisant découvrir ta voix.

    Alors je suis entrée, j'ai refermée la porte derrière moi, et je me suis rendue à ma chambre déposer mes affaires.

     

    Je n'allais pas restée comme une gourde, assise sur mon lit, à t'attendre, aussi ensuite, je suis allée à la cuisine y ranger ce que j'avais amené de Bretagne. Tu m'y a rejoins juste le temps d'un VIENS. Juste viens. Ton premier mot pour moi fut "viens". Pas "Bonjour", pas "Tu as fait bon voyage? " non, "viens".

    Costaud comme mec, conviens le.

     

    Je t'ai suivi dans ton bureau où m'attendait un dossier rédigé en anglais. Tu m'as expliquée toute l'histoire de Foch, de ton lien aux Welch, comment mon nom pouvait figurer au côté du tien sur le dossier.

     

    C'est là que très logiquement je t'ai demandé :  "Pourquoi moi ?" ( Mes premiers mots donc puisque moi n'ont plus je n'ai articulé aucun bonjour) C'est là que tu as pris mon visage entre tes mains et que tu m'as dit "Parce que tu es MA femme". Est-ce là que tu m'as jugée indifférente ? J'étais médusée Cole. Médusée. Estomaquée par ta générosité et soufflée de tes mains sur moi. Je peux encore te dire où étaient chacun de tes doigts, lequel appuyait le plus fort. Le pouce gauche.

     

    Enfin Cole je vois un inconnu sur un mur en août, je lui écris en janvier. Preuve d'une non indifférence. En avril, alors qu'il me répond par des "cesse d'écrire", il fait poser mon nom sur un dossier. Convient que c'est peu courant. Je n'ai pas été indifférente, je ne sais pas trop ce que je fus mais ce ne fut pas de l'indifférente.

     

    Cole tes mains, tes mains sur mon visage !

     

    Tu m'as présenté le dossier, exposé le contrat comme un directeur d'agence annonce les nouvelles lois. J'étais là au milieu de la pièce, figée sur place, toi tu t'étais assis dans ton super fauteuil de grand directeur, de l'autre côté du bureau. Tu fus un géant de glace Cole. Un géant à qui on ne peut que répondre OUI CHEF en se tenant au garde-à-vous. On ne discute pas avec toi facilement Cole quand tu es aussi directif. Je n'ai pas assez d'aplomb pour cela. Je ne saurais jamais te tenir tête quand tu es un géant de glace au regard en rayons lasers. Tu ne m'indiffères pas dans ces moments là, tu m'impressionnes voire m'intimides.

     

    Cole, songe. Je t'ai écrit sans jamais te voir, et comme tu le notes, je sais monter ma mayonnaise toute seule.

     

    Et puis te voilà face à moi, mais pas le Tchig de mon souvenir, un Tchig un peu crado, un peu loser, le type à qui j'écrivais. J'ai face à moi un grand monsieur tout de noir vêtu, un mec d'une prestance incroyable, qui me résume d'une voix sans appel que je suis libre d'agir à ma guise dans l'appartement, que c'est écrit sur le dossier que je pourrais consulter à loisir ultérieurement puisqu'il est mon exemplaire. Cole il faut te suivre. C'est dingue comme histoire.

     

    Et quand j'ose un "Pourquoi moi ?", tu quittes ton fauteuil, tu t'avances en silence, viens te positionner devant moi, pour me transpercer de tes rayons lasers et m'emmurer de tes mains. C'est foudroyant comme instant. Je ne m'y attendais pas. Cole ton petit mètre soixante douze ou treize est plus impressionnant qu'un grand mètre quatre vingt dix huit tant tu es rigide. Cole j'aurai surement été moins paralysée si dans la rue une vedette de cinéma s'était adressée à moi.

     

    Bien sûr que je ne fus pas à la hauteur. Mais non je n'ai pas été indifférente.

     

    Et puis comme si le sujet était clos, comme un directeur aurait pu dire à sa secrétaire qu'elle pouvait retourner à son ordinateur, qu'il n'avait plus besoin d'elle, tu m'as annoncée que tu avais réservé une table dans  un restaurant.

    Tu es costaud comme mec ! Comment veux tu que je ne t'admire pas ?

     

    Je ne sais vraiment pas comment je suis parvenue à articuler "Pourquoi il ne reste pas un fond de nouille ou de riz et une boite de sardines, ici ?"

     

    Tu as éclaté de rire. Tu as éclaté de rire.

    Tu m'as comblée Cole. J'ai eu l'impression de décrocher une médaille d'or. Tu as éclaté de rire. Je t'ai fait rire, moi, je t'ai fait rire. Je me sentais si petite, si un petit rien du tout face à toi, géant de glace. Je t'ai fait rire. Je me suis enfin sentie à la hauteur de toi.

    Tu as éclaté de rire. Un rire qui a cassé la glace.

     

    Là tu es passé de chef Tchigrenkov à Cole, mon Cole, pas celui d'une mayonnaise virtuelle, le Cole que mon coeur, que mes tripes, que mon âme savent géant, le Cole que tu laisses écrire entre les lignes de Tchigrenkov, celui qui a dit "... parce qu'elle est belle..." aux enfants.

     Oh cette déclaration Cole.

    Merci de me l'avoir avouée.

     

    Mon dieu ton regard ! Les rayons lasers ont laissé place au velours. C'est impossible que là tu m'aies jugée indifférente. Oh Cole le velours de ton regard.  J'ai décollé Cole, décollé. Ne me parle pas d'indifférence. Parle moi d'un manque de répartie, d'un manque de charisme, d'accord, tout mais pas l'indifférence.

     

    Ton téléphone a sonné alors que tu riais. Tu nous as oublié, ton rire et moi, pour un russe. Tout en parlant, tu es retourné t'asseoir derrière ton bureau, tu as ouvert ton ordinateur portable et moi je suis sortie. C'est de la politesse. Même si je ne comprends pas un seul mot russe, je ne me sentais pas le droit de demeurer à ton côté.

     

    Tu n'as rien fait pour me retenir. Tu n'as pas hésité à décrocher comme à la porte d'entrée. Pourtant tu vois je ne t'accuse pas de goujaterie. Ton travail est important, je le comprends aisément. Ce n'est pas parce que je suis là que ta vie doit s'arrêter. Moi je ne suis que salariée, j'ai un créneau horaire, mais toi tu es le directeur, le président, le responsable majeur, il est donc normal que tu acceptes d'être dérangé à tout moment. Je me dois de l'accepter aussi. Nous étions jeudi, il n'y avait même pas l'excuse d'un jour de week-end.

     

    J'étais dans le salon, debout, les bras croisés tournée vers l'aquarium quand j'ai entendu tes pas dans le couloir. Ok je ne me suis pas retournée. Pourquoi je ne sais pas. Indifférence ? Certainement pas. Je ne sais pas. Si c'était à revivre je ne changerai rien à mon attitude car le sublime arriva là. Tu vins te poster derrière moi,  tes bras enveloppèrent  ma taille, nos corps se pressèrent l'un contre l'autre, nos doigts se mélangèrent, nos joues s'effeuillèrent. Inoubliable. Pur bonheur. Moment magique. Nous n'avons pas échangé un mot, nos corps liés n'ont pas bougé, seuls nos souffles se sont synchronisés. Je ne sais pas combien de minutes se sont écoulées, je sais juste que cet instant sublime je ne l'oublierai jamais, il est inscrit dans mon âme pour l'éternité.

    Merci mon amour.

     

    Tu vois cet instant est si éblouissant, qu'il a gommé la suite. Je ne sais plus qui de nous deux a rompu le charme, je ne sais plus ce que nous avons fait, dit, avant de nous retrouver dans la rue.

     

    Cole je ne sais pas pourquoi Pavel s'est suicidé, probablement que nous ne le saurons jamais, mais je veux que tu saches que si tu fais un sondage dans ton orphelinat je pense que ceux qui viennent d'arriver noteront que tu leur fais peur par ta grande fermeture, ta rigidité, mais ceux qui t'ont fréquenté  seront d'un tout autre avis. Je suis sûre que toutes les filles sont amoureuses de toi, tu es leur homme idéal. Pour les garçons tu dois être un modèle, comme toi ils doivent vouloir devenir forts et solides. Tu es un géant.

     

    Nous nous sommes donc retrouvés à marcher sur les trottoirs parisiens en direction du restaurant.

     

    Je suis incapable de dire qui a pris la main de l'autre. Nous marchions main dans la main. Merveille ! J'ai adoré, j'ai tellement adoré que je me suis dit que peut-être toi tu n'aimais pas, que tu gardais ma main pour me faire plaisir mais que tu n'aimais pas. Nous discutions de tout, de rien, de façon courtoise, même si tes yeux avaient perdu de leur velours, qu'ils étaient à nouveau les rayons lasers si pénétrants, si fascinants que j'avais découvert au hameau.

     

    J'ai lâché tes doigts. Ce n'était pas de l'indifférence,  c'était du calcul, de la stratégie. De la délicatesse aussi. J'avais peur que tu me gardes sans désir. J'ai lâché ta main sans m'en éloigner beaucoup, parce que je la voulais encore. En marchant nos doigts se sont effleurés, se sont entrechoqués. Pas longtemps. Tu as à nouveau voulu de moi. Tu m'as cherchée, trouvée, gardée. Si tu avais tournée le visage à ce moment là, tu aurais vu comme je rayonnais. Dieu que j'ai aimé ça.

     

    Excuse moi mais j'avais besoin de savoir que tu me voulais vraiment dans ta main. Ils sont rares les hommes qui gardent tout le temps du chemin la main de leur amoureuse. A cet instant de nos vies, nous n'avions tellement pas de passé que je ne pourrais prétendre être ton amoureuse.

     

    Tu as marché sans jamais lâcher ma main. Merci délice Amour.

     

    Sais-tu que ton pouce ne sait demeurer immobile, qu'il danse légèrement sur ma peau ? Cole je vais de faire économiser des fortunes. L'argent, les diamants ne sont pas des moteurs pour moi, mais ton pouce ... Avec la danse de ton pouce tu peux obtenir tout de moi.

     

    Au restaurant, oui j'ai picoré plus que mangé. Parce que j'ai dévoré ton visage. Je sais ce petit V à l'angle de ton œil droit, un V qui se métamorphose en Y chaque fois que ton sourire s'épanouit. Je sais la cerne  qui noircit ta peau sous ton œil gauche et qui est naissance d'une ride bien horizontale. Je sais le sillon sur ton front qui coule vers ton nez, et l'asymétrie de ta lèvre inférieure. Inoubliable le grain de beauté sur ton front en bordure de racine de tes cheveux, et ces trois poils du sourcil droit beaucoup plus longs que les autres, que je me suis promis d'arracher si ils ne se disciplinent pas à l'avenir. J'aime l'angle orgueilleux de ta dent qui s'impose devant l'autre et cette mèche qui ne veut pas demeurer en arrière, qui tu fais passer la main dans les cheveux tant et tant de fois.

    Si tu savais comme mes doigts ont enviaient les tiens.

     

    Non je n'ai pas mangé vraiment le contenu de mon assiette mais comme j'ai dégusté ta peau, comme je me suis nourrie de tes mots. Ton accent !

    Surtout garde le toujours.

     

    Le décalage entre tes écrits et ton oral m'a surpris. Combien de fois réécris-tu tes lettres avant de me les poster? Je me les suis toujours figurées premier jet. Jamais avant je ne t'avais pensé comme moi, déchirant, raturant, recommençant mais à t'écouter je m'interroge. Tant de petits mots brillent par leur absence dans tes phrases orales. Pourquoi existent-ils sur tes lignes ? J'aime les syllabes étouffées, j'aime les  R écorchés et les A qui se travestissent en aï.

     

    J'aime mon prénom dans ta bouche. Mi kaï elle en 3 parties bien distinctes les unes des autres. Pur délice.

    Tu ne m'a pas dit Sirène.

    Pardon de n'être pas parvenue à articuler Aleshandrovich Tchigrenkov correctement, mais compte sur moi pour ne pas chercher à m'améliorer. Je chéris ton expression de désespérance. Elle est si divine qu'elle n'inspire pas l'amélioration.

     

    Et puis ce fut le chemin à l'envers. Mêmes trottoirs, même pouce danseur. Heureusement qu'il était là pour me conforter dans ton souvenir de moi. Pourquoi ce silence entre nous ? Quelle pensée agissait-elle en minerve sur ton cou, en œillères sur ton regard ?  Incroyable comme tes vertèbres cervicales sont devenues soudées. Même ton pas avait ralenti, lui qui déjà est d'un naturel lent. Je n'ai pas osé parler. Peut-être attendais-tu quelque chose de moi que tu n'as pas eu. Peut-être t'ai-je déçu. Est-ce alors que tu me qualifias d'indifférente ? J'étais heureuse, silencieuse mais heureuse. Heureuse d'être à ton côté. Heureuse de ta chaleur dans ma main. Heureuse de ma richesse nouvelle (le dessin de ton visage). Je n'avais besoin de rien d'autre. Ton silence ne m'a pas ennuyée. Maintenant j'ai peur qu'il témoignait d'une contrariété.

     

    Et puis la minerve a cassé. De ma main libre j'ai caressé la manche de ton manteau qui me fascine tant. La matière est si belle. Tu as  obliqué la tête puis suivre mon geste puis tes yeux ont plongé dans les miens. J'ignore le contenu de leur message.

    Je ne crois pas que ta folie soit née à cet instant. Non. Mais cet instant a bien tiré d'affaire. Si j'avais su ...

     

    Au final nous nous sommes retrouvés dedans la porte de l'appartement. Te considérant plus chez toi que moi chez moi, j'ai attendu que tu ouvres. Qu'est-ce qui t'a statufié ? Quelles pensées t'ont fait admirer tes souliers bien cirés ? Tu m'as fait pensé à une scène dans une série. La femme bougeait, vivait et BOOM sa tête tombait sur sa poitrine, son corps se figeait car possédant le don d'ubiquité, la vie basculait dans son double. Et bien quand ta tête toujours bien droite comme des mannequins sur des podiums, quand ton cou s'est arrondi pour ne plus se mouvoir je me suis demandée où ton âme était partie.

     

    Oui tu peux le dire, là je suis noyée dans mon monde surréaliste. Mais c'est une image. Quoique si tu as un don d'ubiquité apprends le moi. Je te promets d'être une élève assidue. Mais toi soit un bon prof, n'ai pas les mains baladeuses.

     

    " On la boit cette bouteille de champagne ? Que dis-tu d'une partie de billard pour finir la soirée? "

     

    Voilà tu avais retrouvé vie, la porte était ouverte et tu nous avais programmé la fin de soirée.

     

    Ce ne fut qu'un tourbillon de pur bonheur. Ce que tu peux être un dragueur Cole. Jamais je ne l'avais imaginé. J'ignore tout de toi, aussi je n'aurais pas dû être surprise, néanmoins je le fus, et pas qu'un peu. Tu es un dragueur, tu as les manières d'un coureur de jupons, tu sais les codes des cavaleurs. Question : le flirt est ta seconde nature ou est-ce la première ?

     

    Tu n'es pas tombé de ton piédestal mais moi je suis tombée de haut. Je te croyais si intello, si sérieux. Si russe en fait. De France l'image des russes n'est pas très glamour. Je sais c'est une idée préconçue, mais il en est ainsi. Nous en avons tous.

     

    Tes yeux de velours ont assurément fait des ravages. Elle doit être très longue la liste des femmes qui soupirent en se souvenant de toi.

     

    Vivre un après toi ... Je ne l'envisage même pas.

     

    Tu écris n'être pas tactile ordinairement. Je n'en crois rien. Tu es un dragueur professionnel Cole. Ce n'est pas au billard que tu as joué. Tu m'as exposée les échantillons de toutes tes techniques de séduction. Le corps si rigide de Monsieur le Directeur Tchigrenkov est au antipode de la souplesse de celui de Cole le séducteur, l'aguicheur. Regard de velours, mains baladeuses, vocabulaires appuyés.

    Irrésistible !

     

    Je n'ai pas dû jouer au billard depuis mes 22, 23 ans. J'en ai tout de même 50, c'est dire comme cela remonte à très loin.

    J'avoue :

    Avant le premier verre de champagne, je n'étais pas bonne.

    A un demi verre, j'étais devenue mauvaise.

    A un verre j'étais pleinement nulle.

    A un verre et demi plus de doute, j'étais une calamité.

    Et à la fin du second verre, alors là c'était de la désespérance totale, je déshonorais le pays tout entier, je méritais le peloton d'exécution.

    Heureusement que je t'avais prévenu  en entrant dans l'appartement que j'étais imbattable, que ton orgueil allait en souffrir.

     

    C'est de ta faute, Dragueur.

    - Concentre toi Mi Kaï Elle.

    Mais comment veux-tu que MiKaïElle se concentre, tu la touches tout le temps. Bien sûr c'est pour m'aider, placer mon corps dans le bon angle. Discours de coach et gestes d'espion payé par l'équipe adverse. Comment veux-tu que je me concentre sur le jeu alors que tu me tournes autour? Tu n'arrêtais pas de te passer la main dans les cheveux, de me fixer avec tes yeux de velours, de te poster à un millimètre de moi, d'abandonner ta main (quand ce n'était pas les deux) sur mon corps en prétextant vouloir mon attention le temps d'écouter tes précieux conseils.  Et ton sourire, tes éclats de rire... Bourreau des cœurs.

     

    De quel style es-tu ? Tu changes de maîtresse tout le temps ou en as-tu plusieurs en même temps pour les garder plus longtemps ? Tu m'accuses d'être éphémère ! Là tu ne parles que de toi Colerige Alesh.

     

    Je sais que je ne t'oublierai pas, je vieillirai en revisitant mes souvenirs de toi alors que tu continueras à exceller dans la séduction au près d'autres. Tu n'es pas un iceberg au cœur en glace à la vanille, tu es un iceberg sur un lit de braise. Tu es un collectionneur de femmes Colerige. Tes mots, tes gestes, tout ton corps le dit.

     

    Ce n'est pas un reproche, c'est un constat.

    Une tristesse aussi... Parce qu'en me présentant cet aspect de ta personnalité j'ai compris que nous avancions vers notre dé-union.

     

    Là maintenant, chez moi, le bic en main, je vois ton refus d'être embrassé comme un merveilleux cadeau. Tu as fait reculer le temps, l'arrivée du point final. Jamais encore je ne l'avais compris de la sorte, mais là maintenant, en notant le mot tristesse une partie de moi s'accroche à un espoir d'encore et elle prend comme argument ce baiser interdit. Comme quoi on peut voir tout dans tout.

    Oui je recommence une mayonnaise. Et d'ailleurs j'ai faim. Alors je te quitte pour me cuisiner un repas de midi qui sera manger à l'heure du goûter. Il est 15H29.

    ----------------------

    Je reprends.

     

    Tout en mangeant j'ai réfléchi (tu me fais tournée en bourrique, j'ai horreur de ne pas maitriser les situations) et ma question est encore plus justifiée : Pourquoi moi ? Pourquoi m'avoir offert l'avenue Foch ? Tu peux raconter ce que tu veux, pour que je le comprenne il faudra que tu lâches une nouvelle pièce du puzzle. Il me manque des bouts pour te suivre.

     

    Tu ne m'as jamais raconté ta vie sentimentale passée. Fais moi plaisir, continue à la taire. Merci. Tu n'es pas un homme qui offre des avenirs, aussi laisse moi aimer mon présent.

     

    D'accord, autour du billard, j'en ai profité aussi. Mais que l'on soit clair. Tu es un être très attirant, alors quand en plus tu te joues séducteur comment veux -tu que je me concentre sur une boule de billard blanche ?

     

    Quand je l'ai ratée, tu as reproduit un geste qui m'était devenu familier (avantage d'avoir beaucoup raté). Tu masques tes yeux de ta main, puis tu l'élèves  au ciel et au final tu la fais claquer sur ta cuisse. Avant cette blanche intouchable, le temps de ton rituel, je réalisais le mien, je m'écrasais la tête sur la table en riant bien plus fort que toi. Mais pas cette fois, cette fois là je n'ai pas courbé le dos, aussi, j'ai découvert ta bouche. Bien sûr que je pouvais déjà la dessiner les yeux fermés mais là, je ne sais pas, tes yeux dissimulés, il ne restait qu'elle.

    Ce devint obsessionnel.

     

    Je ne songeais plus qu'à elle, je ne voyais plus qu'elle. Alors dans de telles conditions, même une médaillée régresse, songe donc à une calamité.

     

    Ta bouche.

    Ses lèvres qui s'ouvrent pour offrir la lumière à l'orgueil de ta dent.

    Ta bouche.

    Ses lèvres que ta langue a le droit de caresser.

     

    Trop c'est trop, comment aurai-je pu ne pas basculer ?

    Cole quand tu as posé ta main sur ma nuque, comment aurais-je pu rester à ma place ? Je n'ai pas pu, pas su, pas voulu. Je me suis hissée sur la pointe des pieds et j'ai basculé vers toi.

    Là tu ne peux m'accuser d'indifférence.

     

    Tu écris que ce fut dur de me retenir. Ce n'est pas ce que j'ai vécu. J'eus l'impression que ce fut très simple au contraire pour toi. En une fraction de seconde, le charme était rompu. Plus de séducteur, plus de velours, plus de Cole, mais les rayons lasers et Tchigrenkov directeur dictateur.

     

    78 caresses pour aboutir à un "Je crois le temps que tu ailles coucher. MiKaïElle bonne nuit."

     

    Non je n'en crois rien, ce ne fut pas dur pour toi ou alors tu es encore plus géant, plus maître de toi que je ne puisse l'imaginer. Tu es un séducteur. Beaucoup de séducteur jouissent de leur œuvre, ils veulent juste un signe de réussir. Une fois obtenue, suivante. C'est moche ce que j'écris. Mes mayonnaises sont plus belles que les réalités souvent. Oui souvent le monde est triste à pleurer.

     

    Tu avais découvert que mes yeux ne s'intéressaient plus qu'à ta bouche. Ne nie pas, tu le savais. J'affirme qu'alors tu te mordais plus souvent les lèvres, que ta langue passait sur tes dents plus souvent. Tu m'as allumée, tu aimais mon désir et tu l'as amplifié. Ne nies pas. Tu as bossé à ma capture. Tu es comme les pêcheurs qui restent des heures les pieds dans l'eau et qui relâchent la carpe qu'ils ont tant voulue, quand ils l'ont. Je dis que c'est con. Que c'est con. Les hommes jouent et la carpe a un trou dans la joue. Elle ne sera plus jamais comme avant. Et d'ailleurs lui reste t-il un après ? Peut-être bien qu'elle en meurt. Cela rime à quoi ? Fais tomber la reine des échecs, fais le autant de fois que cela t'inspire, elle s'en fout, elle est en bois. (En pierre ?) Mais  moi je ne le suis pas. 

     

    Merci pour ma très mauvaise nuit sans toi.

     

    Je n'aurai pas du accepter ta décision, j'aurai du te retenir, t'empêcher de fuir, te basculer sur le tapis (ok je n'ai pas de force, donc au moins essayer).

     

    Je n'ai simplement rien compris. Simplement rien compris. Je ne peux pas dire que tu m'es fait mal, non, cela n'a pas fait mal. Tes mots, ton départ ont tout cassé. Je suis comme tombée du grand plongeoir dans une piscine vide. Je me suis écrasée. Une fois remise je suis allée me coucher. Avec un trou dans la joue.

     

    Jamais je n'ai connu un homme aussi persévérant dans sa séduction et si doué (triste drame) qui se ferme au moment de la récompense. Tu prétends que c'est à cause de l'aquarium. Cole tu te mens ou tu me mens ? Nous n'avons évoqué l'aquarium qu'à mon arrivée, quand tu m'as expliquée ton arrangement avec Charles. Je ne sais pas pourquoi tu as refusé ma bouche, mais je sais que l'aquarium n'y est pour rien. Tu me caches quelque chose. C'est amusant, toi qui me reprochait mon secret, tu agis comme si tu en avais un aussi.

     

    Tu es marié Colerige ? Tu plaisantes en me racontant ta femme à tous, mais tu en as déjà une, une qui ne passe jamais à Paris, ne vient jamais en France. Pourquoi reste-t-elle donc en Russie ? A moins que tu n'aies épousé une américaine. Une consolation comme tu dis. La femme que Charles avait pour maîtresse ? Non ce n'est pas cela, tu ne m'aurais pas invitée en Afrique du sud, en même temps tu savais que je n'y irai pas. Tu es un dragueur professionnel, avoir plusieurs maîtresses à la fois ne doit pas te déranger.

     

    Ou alors tu es comme Philippe, tu veux bien couchée avec toutes les femmes que la Terre porte, mais pas avec moi car je prends tout trop au sérieux. Il parait que je suis de celles  qui une fois  touchées, s'accrochent telles des sangsues. Non ce n'est pas cela non plus. Tu m'as offert Foch. J'ai lu la close qui stipule que tu ne peux pas enlever mon nom. Même si tu décides ce soir de ne plus jamais entrer en contact avec moi, nous resterons uni par Paris. Nous sommes unis à vie. Divorce impossible. Emmurés ensemble.

     

    Mes pensées me font peur. J'en suis arrivée à me dire que tu te sers de moi contre Welch. Tu comptes... Tu sais, Mon dieu ! Tu sais disparaitre de France, mais tu ne veux pas lui rendre l'appartement, aussi tu l'as donnée à une inconnue française qui t'a souri. Cole est-ce que tu vas mourir ? Cole tu as le sida comme ta soeur et tu n'as pas voulu me contaminer?  Est-ce que tu vas bientôt mourir Cole ?

     

    Je n'aurai pas dû aller manger, l'estomac plein, mon humeur a coulé, je me mets à divaguer.

     

    Je sais que ce que je ressens est réciproque. Tu l'avoues dans ta lettre écrite en Russie. Alors quoi ?

     

    Cole, je crois que tu as écrit des choses alors que tu étais au côté de Pavel qui résume ta vérité mais qui dépasse ce que tu es près à me donner. Je crois que l'âme de Pavel, avant de quitter la Terre à guider tes doigts. Ne lui en veux pas. J'espère vraiment que tu ne regrettes pas de m'avoir ouvert ton coeur. Je t'aime Cole. Ce n'est pas grave si nous ne sommes jamais amants, si nos bouches ne se découvrent jamais. Si tu me laisses encore le droit de poser mes yeux sur ton visage, si tu me laisses encore voir ton sourire, si j'ai encore l'espoir de te faire rire, alors tu me combles.

    Merci Pavel de m'avoir permis de te voir sous ton si beau costume d'homme fort.

    Pardonne lui.

     

     

    Le lendemain matin je t'ai trouvé douché, rasé, habillé, dans la cuisine. Je sortais du lit, j'avais juste passé un peignoir et enroulé ma tresse. Je me souviens encore de mes mots guère plus réveillés que moi :

    - Bonjour .... ça sens bon .... Oh quelle horreur !

     

    Et ma super grimace qui t'a fait éclater de rire.

     

    J'étais montée à Paris avec des petits pains au lait de boulangerie, pas de supermarché, de la confiture de myrtille, de cassis et toi tu étales du camembert sur des tartines en surveillant la cuisson de tes œufs au bacon. Oui quelle horreur. Et ton café ! J'ai dû le couper à 50% pour le juger buvable.

     

    Tu es beau en col roulé anthracite. Il n'est pas trop tard pour te le dire.

     

     

    Douchée, maquillée, habillée même chaussée je t'ai retrouvé dans ton bureau. Tu étais sagement à travailler à ton ordinateur. D'abord je t'ai regarder de loin, puis je me suis avancée sur ton autorisation. Le temps que j'arrive tu avais fermé ton dossier.

     

    C'est fou comme dans la vie on peut être sot. Tu parles russe, tu es russe et je suis choquée de découvrir un clavier présentant un alphabet cyrillique.

     

    Le russe, l'anglais, le français, le zoulou. Tu passes d'une langue à l'autre. Tu m'as expliqué les différences, les similitudes, tu m'as appris tes techniques pour progresser. En t'écoutant, très naturellement je suis venue m'asseoir sur l'angle de ton bureau, toi tu n'as pas quitté  ton fauteuil. A nouveau tu étais Monsieur Tchigrenkov aux yeux en rayons lasers. Je l'admire celui-là. Un vrai géant, crois moi.

     

    Tchigrenkov mais Cole un peu aussi. Au milieu de ton monologue, tu glisses que le russe est la langue dans laquelle tu fais l'amour. Je ne relève pas mais archive. Ton discours est déjà ailleurs de toute façon.

     

    Cette toute petite phrase, ne me dis pas qu'elle n'est pas provocante, qu'elle ne raconte pas l'avenir que tu te veux. Alors pourquoi n'avoir pas voulu accélérer le temps, mettre au présent ton projet d'avenir ?

     

    Je ne te comprends pas. Il me manque encore trop de bouts de toi pour pénétrer ton mode de fonctionnement. Je compte sur la sangsue en moi pour y parvenir. ... Et Foch aussi. Cette petite close est ma meilleure alliée. Comique ! Ce grand vide qui m'a semblé si froid se transporte en cabane au fond du jardin.

    Mais vraiment je ne vais pas bien ! Pourquoi ai-je écrite cette phrase. Pourquoi ai-je eu cette tendre image d'une cabane d'enfants où les peluches et les poupées s'amusent.

    Est-ce un signe de la vie, un signe qui m'annonce ta mort ?

    Mais alors pourquoi cette voie qui m'a affirmé que tu es mon mari, toi qui ne cesses de me dire ta femme ?

    Oh non, non, je ne vais pas te tuer quand même. Je ne vais pas te tuer comme j'ai tué mon frère.

     

    Je perds pieds, je m'en vais. Je stoppe là. Pardon.

    Il faut que je respire.

     

    --------------------------

     

     

    Je t'ai dit que le russe me semble trop compliqué, que je ne suis pas très  motivée pour l'apprendre. Est-ce parce que cela ne fait pas des semaines que j'utilise google pour assimiler tes mots que tu me juges indifférente ?

     

    Cole, te rends-tu compte que je ne me rappelle même pas la phrase que tu m'as faite répéter des dizaines de fois. Il y a de quoi avoir honte. Un jour à l'école, ma prof principale m'a dit que j'étais de ces élèves qui ne font que ce qu'ils aiment, que pour ma part je devrais tomber amoureuse d'un anglais qui travaille dans un domaine lié à l'histoire. Si j'avais l'opportunité de la revoir, je lui affirmerais qu'être éprise du prof de russe ne me rend pas plus douée pour assimiler les langues étrangères. Il y a en moi comme une volonté de demeurer fidèle au français que j'aime tant. Je t'admire. Savoir passer d'une langue à l'autre aussi facilement, oui je t'admire mais cela n'éveille pas en moi l'envie de te ressembler. Au contraire même, je crois que savoir pouvoir compter sur ton talent amplifie ma non envie.

    J'avoue tout, la seule langue étrangère qui m'inspire est celle de ta bouche.

    Dis moi qu'elle ne me restera pas étrangère infiniment.

     

    Au début j'étais face à Tchigrenkov, j'étais une élève pas douée mais désireuse de plaire au prof. Ensuite tu as combiné tes deux personnages : Tchig le prof exigeant mais patient, Cole le séducteur aux mains baladeuses. Comment veux-tu que je m'en sorte ? Que je le dise ou le taise, je suis amoureuse de toi alors les mots, la phrase...Je m'en fous. Il n'y avait pour moi que mon genoux gauche contre le haut de ta cuisse, que tes mains sur mes jambes. Et ta bouche, toujours elle, encore elle. Plus tu voulais que je la regardes pour parvenir  à bien articuler, plus je la voyais et désirais y goûter.

     

    Je suis une fille qui ne comprends rien. La leçon de la veille ne m'a pas suffit, j'ai recommencé. J'ai encore accordé de la valeur à mon désir.

    Au moins là tu ne peux pas m'accuser d'indifférence.

    C'est totalement obscur pour moi ta certitude d'indifférence. Où la puisses-tu ?

     

    Toi tu comprends tout. Tu as croisé les bras, dis adieu à mes jambes. Tu as même reculé un peu, laissant mon genoux sans bonheur. Tu as ré-enfermé Colerige en toi, toi Tchigrenkov l'inébranlable. Admiration, félicitation pour ta maîtrise de toi. N'attends jamais une telle performance de moi. Déjà parce que je ne la voudrais pas. Tu es un Janus, je suis une candide. Tu n'as rien dit, tu as fait celui qui n'a rien vu, alors que tu as tout su. Tu as continué à vouloir m'enseigner ta langue, tu as juste changé de phrase histoire de, prétendument, faire moins compliqué.

     

    D'elle non plus je n'ai pas eu le droit à la traduction. Tant que je ne l'avais pas correctement articulée je n'avais pas le droit de savoir ce qu'elle racontait. Tu es dur comme prof. Après coup j'ai songé que tu m'as fait te dire des trucs inavouables... D'où l'interdiction de traduction.

    Si au moins cela t'a fait plaisir...

     

    Cole autant je ne peux croire qu'il te fut difficile de me repousser la veille au soir, autant je crois qu'à ce moment là tu m'as voulu.

     

    Cole, tu m'aimes. Tes yeux l'ont révélé, ils m'ont fait cet aveux, tu m'aimes.

    Ta bouche s'est tu quand tes yeux ont affiché ton immense amour. Ta respiration a changé. Tu étais là face à moi, bien droit, les bras croisés et l'amour a débordé. Mon Dieu ! Je n'imaginais pas.

     

    Adieu rayons lasers, adieu beau velours, ouverture sur l'amour, le vrai, l'éternel. Est-ce qu'il y a un peu de cette beauté là quand je pose les yeux sur toi ? Oh Cole si je pouvais t'offrir un vingtième de l'infini délice que tu m'as offert,  tu saurais qu'il n'y a aucune indifférence en moi. Tout mon corps t'aime, et les cellules une fois mortes t'aiment encore.

     

    Je ne trouve aucun vocabulaire à la hauteur de l'immensité qui émanait de tes prunelles. Leur noir était devenu la couleur des perles les plus précieuses. Cole, tu m'aimes. Tes yeux m'ont révélé ton secret,  tu m'aimes.

     

    Si tu savais comme je suis fou de toi, m'écris tu de Russie.

     

    Je le sais, tes yeux me l'ont dit. Et c'est un miracle. Je ne pouvais rêver si fort. Tu m'aimes.

     

    Tu vois Cole, mille autres feraient des bonds de bonheur en se sachant invitée d'honneur à Foch. Maxime m'a dit : "Tu vends ton appart, tu demandes ta mutation sur Paris, et tu vis cool. Pas de loyer, pas de facture d'électricité, d'eau, tous les meubles du monde gratos. Songes, tu rentres dans l'appart un meuble cher, tu le revends illico, et avec le fric, tu refais ta garde-robe, en quelques années ton livret bancaire qui voit le zéro de près depuis trente ans va enfin monter au plafond".

    Je te l'ai dit, l'argent n'est pas un moteur pour moi.

     

    Quand tes yeux m'ont fait cet aveu j'ai accepté Foch car il  contient un trésor : toi. J'ignore tout de nos avenirs, mais je sais maintenant pourquoi je vis : Pour revoir une autre fois ce miracle, tout cet amour dans tes yeux. Cole je ne le savais pas sur Terre et je le découvre dans tes yeux. Cole toutes les galères de mon passé, je sais maintenant pourquoi j'ai dû les endurer : Parce qu'elles menaient jusqu'à toi, mon délice amour.

     

    Non je n'imaginais pas. Je n'imaginais pas que toi, un si grand géant puisses ... tombé si bas. Je suis si toute petite comparativement à toi. Enfin maintenant tu peux comprendre les gens passionnés par les fourmis.

     

    Ce qui devait arriver arriva, ma main s'est élevée vers ta joue, mon corps a basculé vers ton corps.

     

    Tu m'aimes Cole. Mais tu n'aimes pas m'aimer.

     

    Ta main a capturé la mienne au moment où elle atteignait ta joue. Tu l'as guidée vers ta bouche, as embrassé ma paume. Il est beau ce baiser, belle délicatesse.

    Puis tes lèvres dissimilées par nos mains ont articulé un "On arrête là pour aujourd'hui". Phrase de prof.

    Les rayons lasers avaient repris le pouvoir en toi. Tu jongles avec les langues comme avec les regards.

    Tu étais déjà parti que je n'avais toujours rien compris.

     

    Ce second rejet m'a bloquée plus longtemps en apparence mais ce n'est pas vrai. Ce qui m'a laissé assise sur ton bureau, (j'ai envie de dire, des heures) c'est l'aveu. Tu m'aimes. Personne ne m'a jamais aimé autant. Cole tu n'imagineras jamais comme pour moi cela signifie beaucoup. Cole c'est comme si tu avais cassé une malédiction. Personne n'a jamais voulu de moi. Ok je suis restée 9 ans la maîtresse de Serge, mais le jour où il a enfin divorcé, il a coupé les ponts avec moi. J'étais son oxygène dans son asphyxie chez sa femme, mais une fois qu'il a pu respirer à pleins poumons, qu'il n'avait plus besoin de moi, sa vieille bouteille d'oxygène, il m'a jetée. Et Philippe, si tu savais le sordide de cette histoire là. Depuis toujours je me répète que je ne peux attendre qu'un inconnu m'aime puisque mes propres parents ne le peuvent. Souvent je me trouve bien, oui parfois je me le l'affirme même "je suis quelqu'un de bien" mais aucune beauté, plastique ou intérieur ne développe de l'amour dans le coeur d'un autre.

     

    J'ai mes poissons. Parce qu'ils sont prisonniers. Mes filles aiment Stoyan. Quand j'arrive elles viennent me saluer, mais si il est là, elles retournent avec lui, elles ne me suivent pas. Quand il est en vacances, elles le cherchent. quand je m'absente elles n'en font aucun cas. Et Madame Tillyou que je vois comme une mère depuis 50% de ma vie. Sais tu que depuis que je sais qu'elle a démarré une procédure pour vendre une partie de son terrain à Jérémy, je ne suis plus entrée chez elle. Chaque semaine je lui consacrais des heures et des heures. Crois-tu qu'elle s’inquiète de mon changement de comportement ? Non. 

     

    Cole tu m'aimes.  Tu m'aimes. Tu es probablement le premier de la Terre.

     

    Mais tu n'aimes pas m'aimer. Cela ne me blesse même pas, je n'en suis pas étonnée. Tu es un géant. Je n'ai rien à t'offrir. Tes yeux m'ont fait cet aveu TU M'AIMES. Je veux croire que cela m'aidera à pouvoir demeurer dans ta vie. Tu m'aimes mais n'aimes pas m'aimer. Ne t'en excuse pas, c'est sans gravité.

     

    " Il nous reste combien de temps".

     

    Je me suis retournée sans me lever. Appuyé contre le mur tu voulais savoir combien de temps il nous restait à passer ensemble.

    Rendez-vous  BlaBlaCar : 16h30  près de la porte de Clichy, rue Fragonard.

     

    " Tu veux faire quoi d'ici là ?"

     

    Ce que je veux faire ? Cole tu le savais très bien, je voulais me blottir dans tes bras. Rien d'autre que me blottir contre toi.

     

    Cole pourquoi ne veux-tu pas de moi, alors que tu m'aimes tant ? Pourquoi les gens qui aiment traitent aussi mal que les gens qui n'aiment pas ? Toutes ces filles qui tu as allongées dans ton lit, elles avaient quoi que je n'ai pas ? Si les hommes qui aiment traitent aussi mal que ce qui n'aime pas, où puiser de l'espérance, il n'y a déjà tellement pas d'espoir.

     

    Je ne sais d'où me vint la force, l'audace, mais je suis fière de ma réponse.

     

    - Tu veux faire quoi d'ici là ?

    - Je veux faire ce que tu as envie de faire. Et que tu le fasses.

     

    Il n'est pas possible qu'un homme aux yeux débordant d'amour soit rassasier d'un baiser dans la paume. Geste délicieux soit dit en passant.

     

    Quand j'ai tourné la tête pour voir ta réaction, je t'ai vu disparaitre. Si je n'en fus pas accablée c'est que j'étais fière de moi. J'étais sûre de t'avoir mis échec et mat. Que de prétention !

     

    Merci de m'avoir repris la main sur le trottoir.

     

    J'ai usé de tous les stratagèmes pour savoir où nous allions. Je n'en ai rien su, sauf bien sûr que tu allais faire ce que tu avais envie de faire. Tu t'es bien amusé, moqué de moi.

    C'est beau de te voir heureux Cole.

     

    Au final tu m'as fait entrer dans un magasin et tu as demandé à la vendeuse si elle avait ton manteau en taille jeune homme, une taille qui irait à "Madame".

     

    Qu'ai-je crié ? "Mais tu es malade" ou "Non mais t'es dingue" ? Je ne m'en souviens plus. Ma mémoire a gardé l'effroi qui s'est peint sur le visage de la vendeuse.

     

    Cole si je ne t'avais pas connu, si comme elle j'avais été spectatrice, pareillement  en mon for intérieur je t'aurais traité de connard.

     

    Tout a été si vite. Je rentre heureuse, je t'entends et comprends que tu vas m'acheter un manteau qui doit valoir un mois de salaire pour moi, de main dans la main, amoureusement j'ose dire, me voilà entravée, les deux mains dans le dos retenues fermement par les tiennes, le front contre ton front , le nez contre ton nez et j'entends que tu lâches, la mâchoire crispée par la contrariété un "Tais toi" sonnant et trébuchant.

     

    Alors oui si j'avais été la vendeuse je me serais dit que tu n'es qu'un connard et que Madame ne doit pas rigoler tous les jours.

     

    Depuis, j'ai repensé souvent à cette scène trop agressive. En la vivant je fus tellement choquée, par la rapidité, la fermeté que je l'ai classé comme le pire moment avec toi. Maintenant je la vois autrement.

     

    La concierge a peur de toi, la vendeur te déteste, si je raconte la scène à Maxime elle te haïra encore plus. Moi ce que je vois c'est que tu m'as offert un manteau, petit frère du tien. Tu as constaté mon admiration et tu m'as offert le tissus de mes rêves. L'intention est très bonne, mais que de maladresse. Comment toi si chef de tout n'es-tu pas parvenu à demeurer maitre de tes émotions ? Pourquoi tant de violence ? Quelle danger je représentais ? Encore une pièce de puzzle qui me manque.

     

    Hier je me suis souvenue d'un de mes gestes guère plus glorieux. J'avais acheté un cadeau à Olivier. Je n'en étais pas amoureuse, c'était mon binôme imposé à l'école, mais il était gentil, il m'accordait temps et valeur. Il était bien le seul de la classe à le faire. Bref un jour j'ai voulu lui offrir un cadeau avec ma misérable monnaie de la Cantinière. Je ne sais plus ce que je lui choisis mais crois moi, ce fut un achat réfléchi. Je l'ai enveloppé. Tu sais comment je le lui ai offert ? En le lui jetant à la tête. Il est tombé au sol. Le paquet, pas Olivier. 

    Ce que je veux que tu comprennes c'est que l'action m'a été facile tant que je n'avais aucun spectateur, mais face à lui, je n'ai pas su m'affirmer.

     

    La vendeuse t'a catalogué Dictateur. Moi je me souviens de moi et je crois que tu es sans violence, juste maladroit. Mais si tu es violent pour une si petite contrariété, je peux avoir peur, car lors d'une grosse, je rentrerai sur la longue liste des femmes battues.

     

    En conclusion je reprendrai une de tes phrases : "Ne me refait plus jamais çà". Mais moi j'y ajoute SVP.

     

    Colerige Alesh tu es un géant, un homme très très bien mais dont la rigidité effraie, aussi je pense que beaucoup ne découvrirons jamais l'ange en toi car ils resteront bloqués par un acte, un mot trop violent.

     

    Pavel est mort non à cause de toi mais à cause de la mort. Mille mots de toi, mille regards ne sont rien pour celui qui ne sait recevoir. Je suis assurée que le temps des mots de cette immense lettre (je n'ose pas compter les pages, j'ai peur du chiffre que je vais obtenir... ) tu as pensé à plusieurs reprises "je n'ai pas vécu cela comme ça". Déjà pour le manteau, tu veux me faire un cadeau, je dis non, tu me prends dans tes bras, pose ton front contre le mieux et me dis de ne pas refuser. Je suis sûre que tout était des plus délicat pour toi, sauf que pour la vendeuse, tu m'as emprisonné et pour moi aussi car tes mains bloquaient trop fort mes poignets, et le ton de ta phrase, les mots de ta phrase : fermeté sans appel.

    Ce que je veux dire c'est que Pavel a une image de toi qui te resteras inconnue, peut-être qu'il t'a vu dire ou faire quelque chose, qu'il s'en est nourri bien plus que si tu lui avais consacré une journée entière en tête à tête.

     

    Au billard je me croyais charmante, je me voulais délicieuse, mais tu ne m'y as pas aimée. Le lendemain assise sur ton bureau alors que j'écorchais ta langue, un océan d'amour t'a submergé. Qu'avais-je fait pour mériter ça ?

     

    Cole c'était sa destinée de mourir, nous n'avons pas tous un chemin qui passe par la case 80 ans.

     

    Cole je crois que ma lettre est monstrueusement longue car c'est l'unique moyen que j'ai trouvé pour te garder avec moi, soit loin de ta soeur. C'est plus fort que moi, je pose en superposition Pavel et Alexandra.

    J'ai peur que tu aies mal.

     

    Cole tu as mon téléphone, je suis là pour toi.

    Appels si tu en as besoin.

    Appels si tu veux m'entendre dire n'importe quoi.

     

    Pourquoi suis-je si loin ? Je maudis les 530km qui nous séparent. J'ai vu qu'il y avait un vol Brest Paris : 1h10. Mais je travaille demain, sitôt arrivée il me faudra repartir. Et peut-être n'es tu déjà plus en France.

     

    J'ai reçu tes 2 lettres ce matin, je te poste la mienne demain matin avant d'entrer à l'agence. J'espère  qu'elle t'arrivera avant ton départ.

     

    Tu n'es pas seul mon bel amour maladroit.

     

    Mickaelle.


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