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    J'avais complétement oublié cette histoire.

    Oksana a eu raison de me la rappeler. Que la mémoire peut être sélective !

     

    Oksana et Solange ne se sont jamais vraiment bien entendues, aussi Oksana n'a archivé que les moments où Solange s'est comportée sans peu d’élégance. Moi j'ai toujours apprécié Solange, aussi comme si je n'avais pas voulu ternir son image, j'ai gommé ses imperfections.

    Samuel m'a appris le départ de Solange pour le Portugal. Elle songe, dit-il, a y demeurer tout mars.

     

    Elle a refusé le repas chez moi.

    Elle est partie pour un mois sans m'avertir.

    Je suis choquée. Peinée. Déçue. Je vais faire comme Lukasz l'a suggérer. En plus de poser des panneaux de grilles rigides de 2 m de haut, idée première de Samuel, pour l'opacité, nous allons, enfin ils vont récupérer les pieds de bambous des jardinières de bétons créées par Gérard pour planter devant le grillage. Et je suis aussi d'avis de mettre du grillage en WWW pour slalomer autour des jardinières pour qu'il n'y ait plus d'ouverture d'une propriété à l'autre.

     

    Solange en partant au Portugal me donne carte blanche, et bien c'est une frontière infranchissable qu'elle va gagner, qu'elle va payer pour moitié. Elle n'aurait pas du me faire pleurer.

     

     

    Maintenant qu'Oksana a réveillé ma mémoire, j'entends la voix de Solange affirmer "on ne va pas en faire toute une histoire". Nous étions toutes remuées, au bord des larmes, voir en révolte et Solange qui sort de la pièce pour retourner à son bureau et qui jette à l'assemblée : on ne va pas en faire toute une histoire. Je me souviens que le soir j'en avais pleuré dans les bras de Xavier, rien que d'y penser, le trouble me revient. Xavier si royal. Plus je fondais en larmes, plus il devenait un concentré de colère. Au final il m'a repoussé trop violemment pour faire le geste de l'adoption. Ses poings étaient si serrés qu'ils blanchissaient. Il l'a refait une seconde fois, avec encore plus de détermination. Et ensuite il a pris le téléphone, et m'a invitée à le dire à Gildas. Oh! il faudrait vraiment que je le rappelle, je deviens impardonnable. Il sera sorti de l'hôpital que je n'aurai toujours pas pris de ses nouvelles. D'ailleurs il doit déjà en être sorti.

    J'aimerai savoir comment il connait Lukasz aussi.

     

     

    J'ai eu Gildas au téléphone, il m'a annoncée qu'il n'y aurait pas d'adoption possible, qu'elle était morte. Alors j'ai pleuré à nouveau. Le lendemain j'ai annoncé la nouvelle à tout le monde, et tout le monde a été sous le choc. Solange est entrée dans la salle de réunion, a demandé ce qui se passait, pourquoi ce silence total, pourquoi nos têtes d'enterrement ? Oksana lui a annoncé la mort du petit bouchon. Elle nous a toute regardée tour à tour, comme si nous étions stupides, et elle a tournée les talons. Dans le couloir sa voix a laissé derrière elle un filet de mot monstrueux : On ne va pas en faire toute une histoire, on voit ça tous les jours.

     

    C'est vrai tous les jours des enfants meurent suite à la violence d'un de leur parent. Mais pour nous c'était la première. Pour moi. Je venais de commencer dans le métier quand j'avais du rejoindre la police à l’hôpital. Une petite fille muette venait d'y être amenée. Elle avait été trouvée en sang, dans un buisson au parc du thabor à Rennes. C'était ma première rencontre avec Gildas Monnier, pas la dernière mais ma première. C'était aussi la première fois que je devais communiquer avec une enfant battue. Elle avait cinq ans. Tout naturellement elle m'a racontée que sa maman était très fâchée parce qu'elle n'avait pas de mots dans sa bouche. Alors pour faire sortir les mots elle la battait, mais les mots ne sortaient pas. Elle m'a demandée où ils étaient cachés les mots en elle ? Pourquoi ils restaient cachés ? Est-ce qu'ils avaient beaucoup peur de sa maman et que c'étaient pour ça qu'ils ne sortaient pas ? Fany. Fany est morte dans la soirée. Un caillot de sang a bougé dans son cerveau. Elle est morte de n'avoir jamais su dire maman. 

     

    On ne va pas en faire toute une histoire.

     

    Comment ai-je pu oublié la réplique de Solange. Quand à midi Oksana et moi nous avons reparlé de cette histoire vieille de vingt ans, nous ne sommes pas parvenues à demeurer normales. Nos yeux piquaient, nos gorges se nouaient, comme nos estomacs.

     

    Fany.

     

    Que n'ai-je pas voulu voir chez Solange ?

    Qui est-elle ?

     

    Et Halka qui est elle ? Elle me fait rire. Voilà qu'elle veut que je pose mes vacances en même temps qu'elle pour que nous allions en camping-car en Serbie ensemble voir la mère de Guénady son chat.

     

    Bon, j'appelle Gildas.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 5 Février 2016 à 07:51

    Un petit plongeon dans le passé ?  Peut être à suivre ...

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    2
    Vendredi 5 Février 2016 à 20:01

    Le passé est toujours source d'enseignement.

      • Vendredi 5 Février 2016 à 20:05
        Alors là, tu prêches à un convaincu (en un seul mot) !
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